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“Jean Fautrier” Matière et lumière
au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris

du 26 janvier au 20 mai 2018



www.mam.paris.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse avec Dieter Schwarz, commissaire invité, le 25 janvier 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Jean Fautrier, Poires dans une vasque, 1938. Huile sur papier marouflé sur bois, 60 x 92 cm. Collection particulière, Bruxelles, Courtesy Galerie Applicat-Prazan, Paris. © Adagp, Paris, 2017.
2/  Jean Fautrier, La Jolie Fille, 1944. Huile, pastel et encre de Chine marouflé sur papier marouflé sur toile , 62 x 50 cm . Collection particulière. © Adagp, Paris, 2017.

 


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Interview de Fabrice Hergott, directeur du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 25 janvier 2018, durée 11'56". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire invité : Dieter Schwarz
Cette exposition est co-organisée avec le Kunstmuseum Winterthur.




À partir du 26 janvier 2018, le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris rend hommage à Jean Fautrier (1898-1964), à travers une grande rétrospective. Peu exposé, cet artiste au parcours solitaire est aujourd’hui considéré comme le plus important précurseur de l’art informel en 1928, inventeur des hautes pâtes en 1940 et une figure majeure du renouvellement de l’art moderne après le cubisme. L’exposition sera la reprise de la rétrospective Jean Fautrier qui a eu lieu cet été au Kunstmuseum de Winterthur (Suisse) complétée des oeuvres du Musée d’Art moderne, de plusieurs musées français et de collections privées.

Jean Fautrier est tout particulièrement lié à l’histoire des collections et de la programmation du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris. En effet, en 1964, le musée présente sa première rétrospective, réalisée en étroite collaboration avec l’artiste suite à son importante donation. En 1989, une seconde rétrospective apporta un nouveau regard sur l’ensemble d’une oeuvre riche, variée et particulièrement singulière.

Cette nouvelle exposition vient près de trente ans après la précédente. Elle est composée d’environ 200 oeuvres - dont près de 160 tableaux, dessins et gravures, ainsi qu’un important ensemble de sculptures - issues de nombreuses collections publiques et privées, françaises et étrangères. L’exposition comprendra la quasi totalité de la donation faite par l’artiste au musée, complétée au fil du temps par d’importants dons et achats. Le Musée d’Art moderne dispose aujourd’hui du plus important fonds Fautrier dans les collections muséales (plus de 60 oeuvres).

La carrière de peintre de Jean Fautrier débute dès 1920. Sa peinture, alors figurative, est constituée de natures mortes, paysages et nus qui vont d’un réalisme cru à une représentation faite d’une lumière sombre aux formes presque abstraites. Après une brève reconnaissance, la crise économique de 1929 a finalement raison de sa carrière d’artiste. Contraint à quitter Paris, il s’installe en 1936 dans les Alpes où il vivra plusieurs années, travaillant comme moniteur de ski et gérant d’un hôtel avec dancing.

De retour à Paris en 1940, il retrouve ou rencontre des écrivains tels qu’André Malraux, Francis Ponge, Paul Éluard, Georges Bataille et surtout Jean Paulhan qui sera son plus fervent défenseur. Pendant les années de guerre, il développe une nouvelle forme de l’image dans laquelle la matière prend de plus en plus d’importance dans la représentation des objets, des paysages ou des corps.

Dans ses célèbres séries - Otages (1943-1945), Objets (1955), Nus (1956), Partisans (1957) - les effets de matière deviennent le sujet principal de l’oeuvre. Jean Fautrier utilise une peinture à la colle qui mêle les masses de pigments aux encres transparentes ou opaques, d’où émergent des harmonies recherchées et lumineuses, créant ainsi des empâtements et des textures variés provoquant une certaine angoisse.

En 1960, il est célébré à la Biennale de Venise avec le Grand prix de peinture qu’il partage avec Hans Hartung. Fautrier meurt durant l’été 1964, peu après sa première rétrospective au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris.






Extrait du catalogue
Editions Paris Musées - Préface de Dieter Schwarz, commissaire invité.


Dans la peinture française de la première moitié du XXe siècle, Jean Fautrier est une figure singulière. Lors de la création de ses tout premiers nus et sombres natures mortes, il laissa libre court à une expressivité impressionnante, telle qu’on la vit à peine se manifester dans la peinture française, depuis les débuts de Cézanne. Mais les images de la « période noire » de Fautrier n’étaient pas déterminées par une expression purement picturale, car les contours des objets étaient grattés dans la matière. Les lignes fines s’enroulaient autour des fleurs et des fruits qui émergeaient délicatement du fond noir, semblant ainsi échapper à la visibilité immédiate. Leur apparence subtile laissait supposer qu’ils auraient été peints à partir du souvenir de la grande époque de la peinture française – surtout de ses natures mortes – au XVIIIe siècle. D’ailleurs, le peintre semblait avoir bien conscience de l’instabilité de ce souvenir. À la fin des années 1920, ce furent ses séjours dans le sud de la France et dans les Alpes savoyardes, mais surtout la commande pour l’illustration de L’Enfer de Dante, qui conduisirent Fautrier à adopter un nouveau langage pictural, dans lequel la ligne dessinée, la poussière de pigments et la matière amorphe évoquent l’objet – paysage ou corps. Ce n’est pas un hasard si Fautrier a surpris le public des manifestations artistiques parisiennes avec ces oeuvres, au cours de l’année 1945. Une exposition de l’oeuvre de Fautrier s’est imposée (du 26 août au 12 novembre 2017) au Kunstmuseum Winterthur, musée où la peinture française à l’aube du XXe siècle est si richement représentée — en particulier avec Bonnard et Vuillard —, et ce d’autant plus que le musée est le seul en Suisse à posséder des tableaux et des dessins de l’artiste. Il était également devenu temps d’organiser une telle exposition, car les dernières rétrospectives – en 1980 à Cologne, en 1989 à Paris, en 2004 à Martigny – remontaient à de nombreuses années.

L’oeuvre de Fautrier est bien représentée dans des collections privées en Allemagne et en Suisse romande. Ainsi a-t-il été possible de s’appuyer sur ces dernières pour la sélection des oeuvres ; celle-ci a été complétée par des oeuvres provenant de collections privées et de musées parisiens, afin de pouvoir représenter plus largement, notamment, l’importante période de sa création après 1940. Au même titre que les estampes déjà traitées en détail lors d’une exposition genevoise de 1986, les dessins jouent un rôle important pour Fautrier. Une exposition consacrée à ces seuls travaux se serait d’ailleurs imposée ; ce qui explique qu’ils n’aient été que peu représentés dans l’exposition du Kunstmuseum Winterthur. Fautrier s’est tourné vers la sculpture en deux phases — autour de 1928 et autour de 1940. Son oeuvre en matière de sculpture, restreinte et encore peu connue, est représentée presque intégralement. Ce fut grâce aux nombreux prêteurs que l’exposition a pu être réalisée, et je voudrais en premier lieu les remercier. Étant donné que la plupart d’entre eux souhaitent ne pas être nommés, ce remerciement reste général. Cependant, je peux personnellement nommer les responsables des musées qui ont généreusement soutenu l’exposition à Winterthur – Fabrice Hergott, directeur du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris ; Dominique Brême, directeur du musée du domaine départemental de Sceaux, et Stephan Kutniak, directeur général adjoint du Conseil départemental des Hauts-de-Seine, pôle Culture ; Sam Keller, directeur, et Ulf Küster, conservateur, de la Fondation Beyeler à Riehen ; Pia Müller-Tamm, directrice, et Alexander Eiling, conservateur, de la Staatliche Kunsthalle à Karlsruhe. Je tiens ensuite à remercier Janet Briner à Genève, Flora Triebel, conservatrice, et Antoine Bourroux, bibliothécaire, du musée du domaine départemental de Sceaux, pour les diverses aides apportées lors de la préparation de l’exposition. J’ai pu mener de longues conversations au sujet de l’artiste avec Thomas Borgmann à Berlin, Marie-José Lefort et Alain Tarica à Genève, avec Castor Seibel à Paris, et ces échanges furent d’une grande valeur au cours de la préparation de l’exposition.

Il convient d’adresser de grands remerciements aux auteures et auteurs qui ont rédigé les essais de ce catalogue, en particulier Muriel Pic, professeur de littérature française à l’Institut de langue et de littérature française de l’université de Berne. Elle a non seulement rédigé un texte qui est le fruit de ses longues années de recherche, mais elle a également découvert et transcrit les textes inédits d’Édith Boissonnas, femme de lettres basée à Neuchâtel, et m’a aimablement présenté des collègues qui ont contribué à cet ouvrage en puisant dans leurs spécialités, à savoir Christophe Barnabé, doctorant à l’Institut de langue et de littérature françaises de l’université de Berne, Marianne Jakobi, professeure d’histoire de l’art contemporain et directrice du département d’histoire de l’art et d’archéologie du centre d’histoire « Espaces et Cultures » à l’université Blaise Pascal-Clermont-Ferrand II, et Eduardo Jorge de Oliveira, professeur assistant en langue, littérature et civilisation brésiliennes au Romanisches Seminar de l’université de Zurich. Les traductions, complexes, ont été réalisées, pour la présente édition, par Emer Lettow, Sophia Moss, Chrisoula Pétridis, David Wharry et Bernard Wooding.