contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Luc Delahaye” Sūmud et autres histoires
à la Galerie Nathalie Obadia - Bourg-Tibourg, Paris

du 7 février au 31 mars 2018



www.galerie-obadia.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition, le 7 février 2018.

2335_Luc-Delahaye
Luc Delahaye, Sumud, 2017. Tirage chromogène numérique. 185 x 249 cm. Edition de 3 + 1 EA. Courtesy de l’artiste et Galerie Nathalie Obadia, Paris/Bruxelles.

 


texte de Mireille Besnard, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Peu d’images. Cinq grands formats, une vidéo et deux études corporelles, réalisées à partir de planches-contacts ou d’arrêts sur image. Des titres laconiques et un texte court de l’ancien photoreporter Luc Delayae.

Les moyens sont relativement simples, les artifices peu nombreux et, hormis la vidéo, déjà présents, sous une forme différente, dans la précédente exposition de l’artiste dans la galerie Obadia (2014). Opposition de techniques et de supports antagonistes grâce à une mise en forme d’images travaillées à l'excès, reprenant une actualité déjà connue et surmédiatisée, mêlées à des grands formats, scènes quotidiennes vécues par le photographe et rejouées artificiellement pour la prise de vue. A nouveau, la juxtaposition de ces procédés hybrides brouille les pistes et complexifie l’appréhension des images.

Ici, cette fois, dans l’espace rectangulaire de la rue du Bourg Tibourg, c'est aussi la disposition des images qui impose une circularité troublante. Le détail accessible à l’œil dans les images de grande taille nous fascine d'autant. Le grand format met en présence ou mieux transporte. Et pour sa troisième exposition à la galerie Obadia, Luc Delahaye s’est tenu à un lieu unique : la Cisjordanie.

Derrière les silhouettes anonymes des lanceurs de pierre ou les mains prenant soin du shahid pendant le rituel funéraire, objets des deux planches d’études, après le plan fixe filmé dans le labyrinthe du check-point d’Eyal où les hommes défilent sans fin, pour un triage vers Israël, c’est d’autres expériences qui sont jouées. « Deux jeunes gens sont assis sous un arbre, ils se taisent. Dans un taxi collectif, une femme tient son enfant sur ses genoux. (...) Un enfant essaie de faire reculer son âne. (...) Deux gamins sont perchés sur un olivier », écrit Luc Delahaye. Ces scènes la plupart rejouées mettent en jeu des protagonistes différents, engagés dans des postures que nous leur connaissons moins. Elles s’écartent des motifs connus du soulèvement, de l’intifada. C'est le sūmud, sorte de fermeté, de détermination qui propulse les palestiniens dans des actes de résistance souvent loin de l’affrontement direct. Questionnant toujours la pertinence et la fabrication des images d’actualité, dans une économie de moyens, Luc Delahaye crée ici une nouvelle vision des enjeux du quotidien des palestiniens.

Mireille Besnard

 


extrait du communiqué de presse :

 

La Galerie Nathalie Obadia présente Sūmud et autres histoires, la troisième exposition personnelle de Luc Delahaye à Paris. L’artiste propose à cette occasion sept oeuvres photographiques et une vidéo réalisées entre octobre 2015 et mars 2017 en Palestine.

« Deux jeunes gens sont assis sous un arbre, ils se taisent. Dans un taxi collectif, une femme tient son enfant sur ses genoux. Cinq mille travailleurs passent le portique d’un checkpoint et commencent leur journée. Des mains s’animent dans le rituel funéraire des shahids. Un enfant essaie de faire reculer son âne. Des ombres, des silhouettes, rejouent le combat primitif. Deux gamins sont perchés sur un olivier. Des figures minuscules s’agitent dans un paysage stratifié par l’histoire.

Ce sont des choses vues en Palestine. Elles ont été enregistrées avec un téléphone ou avec une chambre photographique inventée pour l’occasion, elles ont été saisies sur le champ ou lentement reconstituées avec des modèles.

La réalité extérieure de la vie palestinienne, dans ces grandes photographies, n’apparaît que de façon indirecte. Elle est la matière qui donne aux images leur rigueur, mais on ne peut dire qu’elle en constitue le sujet. Ce qui est montré c’est, peut-être, un sentiment.

Qu’est-ce qu’être jeune en Palestine aujourd’hui ? Comment trouver sa place dans un pays qui n’existe que par la mémoire et dans la conscience commune d’un devoir ? La responsabilité de perpétuer la résistance est reçue par chacun en héritage et s’oppose au désir de vivre sa vie pour soi-même. Il n’est pas simple de vivre selon le sūmud.

Sūmud : fermeté, détermination. Cela veut dire : être là, tenir, en dépit de l’affront permanent, de l’humiliation quotidienne, et affirmer son identité, affirmer sa présence. Le sūmud est, au centre de la conscience nationale palestinienne, une stratégie de résistance à l’occupation et une philosophie réalisée. C’est une attitude. ll est lié à la souffrance, mais n’y trouve pas sa finalité; son horizon est la liberté et la justice. Et c’est une discipline : le sāmid entretient le feu de sa rage au fond de lui-même et n’en laisse rien paraître. Il se domine.

Deux jeunes gens, donc, sont assis sous un arbre. A l’écart des autres, ils se reposent du rôle qu’avec les autres on doit tenir. C’est l’heure de l’amitié et des mots prononcés à mi- voix dans la confiance. Cependant ils semblent absents l’un à l’autre, comme enfermés séparément dans le silence et troublés par le retour d’une pensée amère. Pensée de la perte, du manque et de l’impossibilité, variante palestinienne du blues. »

Luc Delahaye


La vidéo Eyal Checkpoint sera également présentée à Paris dans l’exposition En suspens au Bal du 9 février au 13 mai 2018.