contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Broomberg & Chanarin” Divine violence
au Centre Pompidou, galerie de photographies, Paris

du 21 février au 21 mai 2018



www.centrepompidou.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse avec Florian Ebner, Adam Broomberg et Oliver Chanarin, le 20 février 2018.

2348_Broomberg-Chanarin2348_Broomberg-Chanarin
Légendes de gauche à droite :
1/  Broomberg & Chanarin, Divine Violence, Genesis, 2013. 57 cadres contenant 721 pages de bible, illustrées par des photographies issues de l’Archive of Modern Conflict. Impression jet d’encre. © Broomberg & Chanarin, Adagp 2018. © Centre Pompidou / Dist. RMN-GP.
2/  Broomberg & Chanarin, Divine Violence, Psalms, 2013. 57 cadres contenant 721 pages de bible, illustrées par des photographies issues de l’Archive of Modern Conflict. Impression jet d’encre. © Broomberg & Chanarin, Adagp 2018. © Centre Pompidou / Dist. RMN-GP.

 


2348_Broomberg-Chanarin audio
Interview de Florian Ebner, chef du Cabinet de la photographie du musée national d’art moderne
et commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 22 février 2018, durée 15'01". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissaire : Florian Ebner, Chef du Cabinet de la photographie, musée national d’art moderne en collaboration avec l’ Akademie der Künste, Berlin



Dans la Galerie de photographies, le Centre Pompidou présente pour la première fois une pièce monumentale des artistes Adam Broomberg et Oliver Chanarin, Divine Violence, récemment entrée dans la collection. La violence et son questionnement sont au centre de la démarche artistique de ce duo, qui fête en 2018, vingt ans de coopération.

Cette installation, composée de 57 cadres correspondant chacun à un livre de la Bible et rassemblant les 721 feuillets de l’ouvrage, est radicale et provocante. Elle met en relation la violence manifeste exprimée dans la Bible avec celle des images du monde aujourd’hui.

Pour réaliser cette série, les deux artistes se sont inspirés de la Bible personnelle de Bertolt Brecht - qu’il annota et illustra d’images découpées dans la presse pendant la seconde guerre mondiale. Ils reprennent ainsi pour leur part la Bible du roi Jacques, dite aussi King James Version (1611), qu’ils illustrent chapitre par chapitre, sans explication ni commentaire, en collant des impressions de photographies issues de l’Archive of Modern Conflict. Cette collection privée qui rassemble des dizaines de milliers d’images vernaculaires, de presse ou amateur, est sans aucun doute la collection photographique qui a le plus abondamment archivé la violence et l’absurdité de la guerre. Sur chaque page de texte le duo souligne en rouge un passage en correspondance avec l’image choisie. Par ce procédé dépouillé, d’une implacable efficacité, Broomberg et Chanarin confrontent le texte saint aux photographies anonymes de l’Archive of Modern Conflict et mettent ainsi en évidence les icônes et les stéréotypes visuels de la violence.

Par l’ampleur de son sujet (la Bible) et par la radicalité de la méthode, Divine violence est l’opus magnum de ces deux « artistes-éditeurs ». L’exposition dévoile également les sources d’inspiration d’Adam Broomberg et d’Oliver Chanarin : livres éducatifs et de propagande, illustrés de photographies qui dénoncent, ou au contraire glorifient, les conflits de leur temps. Parmi ces ouvrages des années 1920 et 1930 se trouvent les travaux de penseurs qui mettent tous à contribution le montage et la photographie pour appuyer et diffuser leur idéologie, quelle soit conservatrice ou progressiste.

Au même moment, le Centre Pompidou présente une rétrospective de l’oeuvre du photographe David Goldblatt. Comme lui, Broomberg et Chanarin sont originaires d’Afrique du Sud. Leurs visions documentaires se répondent, tout en se contrastant ; celle des deux artistes puisant leur inspiration dans la prolifération des images d’un monde médiatisé.






Introduction

Le Centre Pompidou présente pour la première fois une installation des artistes Adam Broomberg et Oliver Chanarin, essentiellement composée de pages de livre et de photographies. L’exposition « Divine Violence », dont le nom est emprunté à la pièce centrale des deux artistes récemment entrée dans la collection, poursuit leurs recherches sur la photographie qui, au sein d’un monde submergé par les images, agit comme témoin, voyeur, voire oppresseur

Broomberg et Chanarin ont créé War Primer 2 (2011) et Divine Violence (2013) dans un même geste radical, qui consiste à coller des images journalistiques ou des photographies anonymes sur des pages de livres à forte autorité morale. Leur méthode, à la fois iconoclaste et constructive, est née d’une réflexion sur le rôle de la photographie face à la violence du monde, et inspirée par la connaissance du travail critique de Bertolt Brecht dans son livre Kriegsfibel (L’ABC de la guerre) de 1955 – premier objet dont ils superposent les pages pour leur version contemporaine de War Primer 2. Pour Divine violence, c’est sur une Bible que les artistes sont intervenus. L’oeuvre met en avant leur critique de la violence arbitraire, qu’elle soit exercée par Dieu dans les récits bibliques, ou par les sociétés modernes, à travers leurs conflits, leurs superstitions et leurs usages multiples de l’image.

Enfin, à travers des publications des années 1920 et 1930, l’exposition met en perspective deux techniques centrales de l’art moderne depuis la fin de la Première Guerre mondiale jusqu’à nos jours : l’appropriation des images photographiques médiatisées par des artistes ou des intellectuels pour en faire une arme ; et le montage, qui combine les images d’une réalité éclatée en fragments et, comme un film, enchaîne ou superpose deux réalités contrastées.

« Nous avons commencé comme Brecht, en découpant des images de journaux, mais avons vite réalisé (et en suivant son dictum : " Ne pas partir de ce qui est connu et fonctionne bien, mais de ce qui est inconnu et incertain ") que si Brecht était vivant, il traquerait internet. » Adam Broomberg et Oliver Chanarin



Divine violence

« Dès le début, presque toutes ses apparitions furent catastrophiques (…) La catastrophe est son mode opératoire, son outil principal de direction. »

Cette phrase profondément sarcastique du philosophe Adi Ophir à propos de la Bible est mise en exergue par les deux artistes Adam Broomberg et Oliver Chanarin dans la série Divine Violence. Voici l’idée radicale et provocante de cette oeuvre : mettre en relation, en tant que deux systèmes d’ordre analogues, la violence manifeste de la Bible avec celle du monde d’aujourd’hui. Pour cette confrontation, les artistes ont puisé dans les profondeurs des collections de l’« Archive of Modern Conflict » à Londres en s’appropriant toutes sortes de genres : photographies de presse, scientifiques ou para-scientifiques, documentaires, privées. Sur chaque page de la Bible, livre par livre, des passages soulignés en rouge par les artistes sont associés à ces photos, sans aucune mention de l’auteur ou du contexte. Leur choix d’images et leurs constellations ne sont pourtant pas dépourvus d’ironie et frôlent même le blasphème. Ce protocole expérimental nous interroge directement, nous spectateurs, sur la prédominance visuelle de notre société de spectacle. Divine violence est, par l’envergure de son sujet (la Bible) et par la radicalité de la méthode employée, un des chefs-d’oeuvre des deux artistes. La série complète de Broomberg et Chanarin a été récemment acquise par le Centre Pompidou.



War Primer 2

Conçu pendant son exil et basé sur sa collection de photographies de la Seconde Guerre mondiale extraites des magazines de l’époque comme Life magazine, l’Abécédaire de la guerre a été publié par Bertolt Brecht sous son titre allemand Kriegsfibel en 1955. Le titre rappelle la vocation pédagogique de ce manuel, destiné à tirer la leçon politique de la catastrophe du nazisme mais aussi à apprendre à lire et à traduire des photographies de presse. Créant un dialogue et une distance avec les images de magazines, les épigrammes de Brecht forment des « petites machines dialectiques » (Georges Didi-Huberman), véritables critiques de l’usage parfois propagandiste des photographies journalistiques.

Dans War Primer 2, Broomberg et Chanarin superposent au montage existant des images de conflit trouvées sur internet et générées par la « war against terror » de l’administration de George W. Bush. Ils soulignent la manière dont ces images troquent leur valeur documentaire et de témoignage au profit d’une volonté d’humiliation de l’autre. Cette méthode pour comprendre et actualiser l’oeuvre de Brecht aurait été approuvée par son auteur.