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“Foujita” Peindre dans les années folles
au musée Maillol, Paris

du 7 mars au 15 juillet 2018



www.museemaillol.com

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 6 mars 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Léonard Tsuguharu Foujita, Les grues, 1918. Aquarelle et gouache sur fond d’or sur papier. Collection particulière. © Fondation Foujita / Adagp, Paris, 2017.
2/  Léonard Tsuguharu Foujita, Autoportrait au chat, 1936. Estampe traditionnelle éditée au Japon. Collection particulière, France. © Fondation Foujita / Adagp, Paris, 2017.
3/  Léonard Tsuguharu Foujita, Jeune couple et animaux, 1917. Aquarelle et encre sur papier. Colllection particulière, USA. © Fondation Foujita / Adagp, Paris, 2017.

 


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Interview de Sylvie Buisson, co-commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 6 mars 2018, durée 15'21". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Quand la tradition japonaise rencontre le classicisme italien, un Bouddha enfant tout en rondeurs épurées médite entouré de fleurs Botticelliennes détaillées comme celles illustrant un ouvrage de botanique. Foujita étire les silhouettes, les pose dans cette digne et pure élégance toute en retenue de la noblesse japonaise. De sa rencontre avec Modigliani, de ses visites dans les églises, il retient la posture de mère, la courbure d'une nuque, les mains aux exquises et délicates manières faisant des femmes qu'il peint des divinités. Ses tableaux sont des icônes religieuses avant même que la feuille d'or n'y soit posée.

Tout commence par le fond, une couleur unique au grain de ciment formant une large étendue vide. Derrière l'économie de couleurs on distingue à peine une succession de vagues, un mouvement fait de flux et de reflux océaniques. Cet espace de silence laisse le personnage libre d'entrer en méditation. Un lavis gris clair d'huile diluée jusqu'à l'aquatique maquille d'une caresse de poudre légère, presque imperceptible, les peaux blanches. Dans cette transparence de femmes devenues anges percent deux yeux, un regard frontal et insistant de chat interrogeant le spectateur d'une question muette et indécente.

Un trait d'encre circule, fin comme un cheveu, délimitant le visage, les courbes du corps. Le geste a été répété encore et encore jusqu'à pouvoir être exécuté de façon parfaite. La main assurée parcourt la toile, danse sur le papier, glisse et tourbillonne avec la grâce et la précision d'un patineur artistique. Le dessin est une performance ne supportant aucune retouche, aucun repentir. Le corps ainsi posé est troublant de puissance tout en étant sensuellement alangui. Les femmes que peint Foujita exhibent une force virile habituellement réservée aux hommes, une musculature athlétique et volontaire. Puis les courbes s'adoucissent, les chevelures ondulent en cascades, masse se décomposant en vagues distinctes, cheveu après cheveu. De déesse, la femme nue est devenue héros mythologique grec, l'Achille triomphant de toutes ses épreuves.

A l'inverse, les autoportraits de l'artiste exaltent sa féminité. L'homme qui nous fait face, qu'il soit gravement assis comme un samouraï ou les doigts enfouis dans le pelage électrique d'un chat, intègre le double érotisme du masculin et du féminin enfin réunis. La sensibilité extrême dans le trait et la matière permet à Foujita de dessiner l'invisible. Ses tableaux sont comme peints à l'encre sympathique, recelant des messages cachés à l'œil trop pressé pour les décoder. La surface est constituée de multiples couches diaphanes, patiemment superposées. Ce qui est dit se révèle lentement, comme un étang dont il faut attendre que la surface de l'eau agitée de vagues s'apaise et devienne lisse pour pouvoir en voir le fond.

La peinture de Foujita est un sanctuaire peuplé d'oiseaux, de poissons, de chats. Loin des mondanités, l'intime, même paré de froufrous et de bijoux, peut se montrer, se confier dans toute son ambiguïté. Le pinceau ne fait qu'effleurer, il se fait cajôleur, furtif, se laisse oublier, mais c'est pour mieux capturer l'essence des choses dans leur dualité. Dans cet univers apaisé il devient possible d'être, tout simplement.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Sylvie Buisson, expert de l’artiste près de l’Union française des experts et rédacteur du catalogue raisonné de l’oeuvre de Foujita
Anne Le Diberder, directrice de la Maison-Atelier Foujita, à Villiers-le-Bâcle, Conseil Départemental de l’Essonne




Du 7 mars au 15 juillet 2018, le Musée Maillol à Paris, présente une exposition consacrée à l’artiste japonais, naturalisé français, Léonard Tsuguharu Foujita. Plus d’une centaine d’oeuvres majeures, issues de collections publiques et privées, retracent le caractère exceptionnel des années folles de Foujita à Montparnasse, entouré de ses amis Modigliani, Zadkine, Soutine, Indenbaum, Kisling ou Pascin. L’exposition se concentre sur la première période parisienne de l’artiste, très productif entre 1913 et 1931.Cinquante ans après la mort de Foujita en 1968, le musée Maillol met à l’honneur l’oeuvre lumineuse et rare du plus oriental des peintres de Montparnasse.

L’exposition retrace l’histoire d’un destin unique, celui d’un artiste évoluant entre deux cultures. De ses prémices au Japon, en passant par son ascension et la révélation de son oeuvre, son parcours le mènera jusqu’à la création de ce personnage si singulier dans le contexte parisien des années folles. Ses thèmes récurrents – femmes, chats, natures mortes, enfants et autoportraits – sont spécifiques du foisonnement de sa production artistique. Foujita traverse les grands courants modernistes sans dévier de son schéma de recherche, respectueux de ses racines japonaises et du classicisme des grands maîtres occidentaux. Ses oeuvres en appellent d’autres, celles de ses voisins d’atelier, ses amis, admirateurs et inspirateurs, pour un dialogue enrichissant permettant de mesurer l’originalité et la complémentarité des artistes regroupés sous l’appellation « École de Paris ».

Les oeuvres majeures en provenance d’institutions et de musées remarquables et une centaine d’oeuvres rares de quelques 45 collections privées en provenance du Japon, des États-Unis et d’Europe, concourent à souligner à la fois l’extraordinaire génie créateur de Foujita et à inviter le visiteur à découvrir l’intimité d’un artiste surprenant. Les deux diptyques monumentaux, Combats I et II et Compositions au lion et au chien datés de 1928, prêts du Conseil Départemental de l’Essonne, coeur des Années Folles et de l’exposition, démontrent la puissance virtuose de Foujita et l’impact qu’il eut sur son époque. Ces grands formats, confiés par Foujita à sa femme Youki, étaient considérées par l’artiste comme ses tableaux les plus aboutis. La scénographie conçue par Hubert le Gall souligne à la fois les fantaisies de l’homme extravagant et les étapes de son ascension au sommet de son art.

L’exposition démontre le talent de l’artiste fou de dessin qui, après son illustre prédécesseur Hokusai, maniait le pinceau avec brio. Le trait de Foujita se révèle d’une sureté infaillible et ses lignes d’une finesse calligraphique exemplaire avec l’utilisation du sumi (encre noire japonaise) autant sur le papier que pour ses huiles. Il laisse à la couleur un rôle secondaire mais si décisif qu’elle en sublime le trait. La délicatesse de la gouache et de l’aquarelle emplit les formes par aplat, pour des transparences subtiles lorsqu’il s’agit de peinture à l’huile. Ses fonds d’or renforcent quant à eux l’impression de préciosité et de raffinement.



Éléments biographiques

Tsuguharu Foujita (Tokyo 1886 - Zurich 1968), est l’une des figures les plus célèbres de l’Ecole de Paris. Il incarne tour à tour l’image du dandy des Années Folles, du peintre perfectionniste, du photographe ouvert au monde, de l’artisan magicien du quotidien et de l’illustrateur respectueux des textes. Artiste complet, il connaît, se réapproprie et détourne les codes avec beaucoup d’humour et un regard bienveillant à l’égard des enfants. Après son baptême en 1959, il se fera appeler Léonard, en référence à Léonard de Vinci.

Fils d’un général de l’armée impériale du Japon, Foujita arrive en France en 1913, après des études aux Beaux-arts de Tokyo et un brillant début de carrière dans son pays. Il avait préparé pendant dix ans son départ pour la France en rêvant d’un Paris, terre de liberté et d’innovation. Il s’installe à Montparnasse, quartier de prédilection des artistes de l’art moderne, pour y mener une carrière internationalement reconnue. Après avoir étudié avec minutie toute la jeune création parisienne durant les trois premières années, il choisit de ne pas suivre la modernité de ses semblables mais de créer la sienne, fruit de l’osmose de deux cultures, parisienne et japonaise.

Star parmi les stars, il s’illustre comme le peintre japonais des Années Folles le temps d’un entre-deux guerres vécu par la sphère artistique comme une parenthèse festive. Auteur d’un Japonisme éblouissant et personnel, à la croisée entre l’orient et l’occident, Foujita révèle ses partis pris esthétiques et sa virtuosité à Paris. « On me prédisait que je serai le premier peintre du Japon mais c’était le premier peintre de Paris que je rêvais d’être. Il me fallait aller aux sources », écrit-il à son arrivée dans la capitale des arts.

Ses nombreux autoportraits révèlent l’image d’un artiste dandy, lourde frange, fine moustache, anneau d’oreille et, derrière ses lunettes rondes, un regard pénétrant, autant de caractéristiques qui lui assurent la célébrité. Se prenant comme modèle, il façonne son image d’homme élégant, charmeur, à l’avant-garde de la mode. Pour les médias, il incarne la réussite et la modernité au-delà des conventions et des frontières. Son œuvre protéiforme (peinture, dessin, gravure, théâtre, couture, photographie et cinéma) marque son immense pouvoir de création, d’inventivité et ses multiples sources d’inspiration.