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“Parfums de Chine” La culture de l’encens au temps des empereurs
au musée Cernuschi, Paris

du 9 mars au 26 août 2018



www.cernuschi.paris.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 8 mars 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Peinture représentant la consumation de l’encens, Anonyme, Dynastie des Yuan (XIIIe s. – XIVe s. apr. J.-C.). Éventail circulaire en soie, 24 x 43 cm. Musée de Shanghai. © Musée de Shanghai.
2/  Brûle-parfum tripode ajouré, Dynastie des Ming (XIVe s. – XVIIe s. apr. J.-C.). Céramique aux cinq couleurs et or, four de Jingdezhen. Musée de Shanghai. © Musée de Shanghai.
3/  Les dix-huit lettrés, Anonyme, Dynastie des Ming (XIVe s. – XVIIe s. apr. J.-C). Encres et couleurs sur soie, 134,2 x 76,6 cm. Musée de Shanghai. © Musée de Shanghai.

 


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Interview de Eric Lefebvre, directeur du musée Cernuschi et co-commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 8 mars 2018, durée 13'22". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Eric Lefebvre, directeur du musée Cernuschi
Li Zhongmou, vice-directeur du musée de Shanghai




Cette exposition aborde de manière inédite la civilisation chinoise à travers l’art de l’encens et du parfum en Chine depuis le IIIe siècle avant notre ère jusqu’au XIXe siècle. Près de 110 objets d’art et d’archéologie rassemblés pour la première fois invitent à un véritable voyage à travers la civilisation chinoise.

Céramiques, dessins, bronzes ou toiles issus des collections du Musée de Shanghai et présentés en Europe pour la première fois sont accompagnés par une vingtaine de pièces issues des collections du musée Cernuschi. La découverte de ces prêts exceptionnels va plonger le visiteur au coeur d’un parcours muséographique et sensoriel original ponctué par des expériences olfactives qui rythment les étapes du cheminement chronologique de l’exposition.

Doté d’une symbolique qui s’enrichit au fil du temps, le parfum permet d’aborder de nombreux aspects de la culture chinoise. Depuis sa signification dans les pratiques liturgiques jusqu’à son association à l’art de vivre des lettrés, l’encens a suscité une grande diversité de productions artistiques. Des brûle-parfums aux tables à encens, l’histoire du parfum en Chine permet d’aborder les plus brillantes créations artistiques, et ce à travers une grande diversité de médiums. En effet, les œuvres présentées permettent au public de découvrir un vaste aperçu des savoir-faire des artisans de Chine, depuis les techniques des bronziers, des laqueurs, ou des sculpteurs sur bambou. Enfin, un ensemble de peintures signées de grands noms, comme Chen Hongshou ou Qiu Ying, mettent en scène belles dames, ermites et lettrés dans leur rapport à l’encens, qu’il soit associé à la toilette, à la méditation ou au rituel.






Éditorial par Éric Lefebvre, directeur du musée Cernuschi

Il y a cent vingt ans, le musée Cernuschi ouvrait ses portes. Le public parisien pouvait alors découvrir, derrière la façade néoclassique de l’hôtel particulier jouxtant le parc Monceau, un espace majestueux aux proportions d’un temple asiatique : en son centre, trônant au milieu des collections, se trouvait un bouddha monumental au pied duquel on avait disposé des brûle-parfums. Cette présentation, immortalisée par la presse de l’époque, témoigne d’une conception muséographique qui, tout en faisant la part belle à la typologie des formes, entendait conserver la mémoire de la destination première des objets exposés.

Ainsi la présence de brûle-parfums au centre du musée faisait-elle écho aux pratiques rituelles qu’Henri Cernuschi avait pu observer lors de son voyage en Asie, entre 1871 et 1873.

En abordant la Chine impériale, il était entré en contact avec une culture de l’encens et des parfums héritière de traditions plus de deux fois millénaires. La collection qu’il a léguée à la ville de Paris, preuve de l’importance de cette culture olfactive tant par le nombre que par la variété des objets liés à l’encens, a permis de mener des recherches qui ont inspiré le projet de l’exposition « Parfums de Chine ».

Si le parfum, de par sa nature volatile, appartient au patrimoine immatériel, les nombreuses pratiques rituelles ou profanes attachées à l’encens ont laissé une empreinte considérable dans la culture matérielle chinoise. Intervenant au coeur des pratiques liturgiques, indissociable de l’art de vivre des lettrés, l’encens, en effet, a suscité une grande diversité de productions artistiques.

Comment évoquer la culture de l’encens en Chine sans introduire l’art des bronziers, des céramistes, des laqueurs, ou des sculpteurs sur jade ou sur bambou ? Comment connaître les origines et les usages du parfum, ses gestes et significations sans convoquer alchimistes et herboristes, peintres et calligraphes, savants et poètes ? Une exposition consacrée à l’encens en Chine constitue, par définition, une réalisation collective et pluridisciplinaire particulièrement ambitieuse ; c’est pourquoi je remercie Yang Zhigang, directeur du musée de Shanghai, Li Zhongmou, vice-directeur du musée et co-commissaire de l’exposition, ainsi que leurs collaborateurs, d’avoir accepté de s’y engager sans réserve, tant par leur expertise que par leurs prêts particulièrement généreux.

Tout au long du travail de recherche qui a accompagné ce projet, le musée Cernuschi a bénéficié des travaux et des conseils de Frédéric Obringer, directeur du laboratoire Chine, Corée, Japon. Ces échanges ont notamment permis de définir le cadre scientifique dans lequel des expériences olfactives inspirées de formules de parfums et d’encens de la Chine ancienne pouvaient être proposées au public. Qu’il nous permette de lui témoigner ici notre gratitude.

Je tiens enfin à saluer Claude Martinez, président-directeur général de Christian Dior Parfums, pour son soutien sans faille et son intérêt enthousiaste pour l’hypothèse créative d’une reconstitution des parfums de la Chine impériale. Quant à la réinterprétation des formules anciennes, qui donne une nouvelle vie à ces senteurs, elle doit tout au talent et à l’ouverture de François Demachy, créateur-parfumeur de Christian Dior Parfums : qu’il soit ici remercié au nom des visiteurs de l’exposition qui, grâce à lui, auront le plaisir non seulement de découvrir la culture de l’encens en Chine, mais aussi de sentir ses parfums.






Un parcours historique et olfactif - extrait

1ère partie. L’encens : pratiques rituelles et profanes des Han aux Tang (IIIe siècle av. J.-C.-IXe siècle apr. J.-C.)

Pendant la période des Zhou (1046-256 av. J.-C.), la culture de l’encens était indissociable des rites, les parfums jouant un rôle d’intercesseurs entre les humains et les divinités. La combustion des différentes matières au cours des cérémonies produisait une fumée aux effluves puissants dans le but d’invoquer les dieux et les esprits, mais aussi de chasser les influences maléfiques, causes de maladies. […]

2ème partie. Parfum et culture lettrée sous les Song et les Yuan (Xe-XIVe siècle)
Sous les Song (960-1279), les pratiques liées à l’encens sont transformées par la nouvelle élite lettrée dont le pouvoir est indissociable du savoir véhiculé par le livre imprimé et du recrutement des fonctionnaires impériaux par examens. Le parfum devient partie intégrante de la culture lettrée émergente. […]

3ème partie : L’encens comme art de vivre sous les Ming (XIVe-XVIIe siècle) - Le studio du lettré
Par bien des aspects, les élites de la dynastie Ming se considèrent comme les héritiers de la culture lettrée apparue sous les Song. Au XVe siècle, le style de vie des lettrés est devenu un modèle social auquel aspire la classe aisée qui trouve dans l’éducation et les fonctions administratives le moyen de s’élever dans une société soutenue par une économie dynamique. Ainsi, les fonctionnaires, et les riches commerçants à leur suite, font rayonner la culture lettrée. L’encens joue un rôle majeur dans cet art de vivre codifié par Gao Lian 高濂 (act. 1580-1600) ou Wen Zhenheng 文震亨 (1585-1645), qui s’imposent comme de véritables arbitres des élégances. […]

4ème partie : L’encens comme art de vivre sous les Ming (XIVe-XVIIe siècle) - Dévotions privées
À l’intérieur des résidences des élites chinoises de la dynastie Ming, le parfum était présent dans la salle principale, où l’autel des ancêtres occupait une place centrale. Mais l’encens était également utilisé dans d’autres pièces, privées, où pouvait être disposé un autel bouddhique ou taoïste, sans exclusivité de culte selon le système de croyances de l’époque. […]

5ème partie : L’encens comme art de vivre sous les Ming (XIVe-XVIIe siècle) - La chambre et les quartiers privés
En raison de sa nature subtile, de ses fonctions désodorisantes, purifiantes et thérapeutiques, le parfum occupait une place importante dans les espaces les plus intimes des intérieurs aisés. […]

6ème partie : La tradition de l’encens sous les Qing (XVIIe-début du XXe siècle) - Le parfum à la cour
Les archives impériales de la dernière dynastie permettent de connaître la vie de la cour et de la Cité interdite de manière détaillée. Elles offrent une image saisissante de la valeur de l’encens. Dès le début de la dynastie, l’encens est en effet conservé dans les dépôts impériaux : il a le statut de bien d’État. L’approvisionnement de la cour en parfums précieux, en particulier en bois d’aigle (chenxian 沉香), est alors assuré grâce aux envois des provinces du Sud à la capitale et aux tributs versés par les royaumes du Siam et de l’Annam. […]

7ème partie : La tradition de l’encens sous les Qing (XVIIe-début du XXe siècle) - L’objet repensé
Si l’on considère les trois grands règnes de Kangxi 康熙 (r. 1661-1722), Yongzheng 雍正 (r. 1722-1735) et, surtout, Qianlong 乾隆 (r. 1735-1796), on constate que les objets pour l’encens créés pendant la dynastie Qing sont marqués par la préciosité des matières, la minutie du travail et la délicatesse de l’ornementation. Cette période est en effet caractérisée par un niveau de technicité inégalé dans presque tous les domaines de l’art. Ces nouvelles possibilités techniques favorisent la création d’objets repensés en fonction d’usages spécifiques de l’encens et déclinés dans de nombreux matériaux. […]