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“L'épopée du canal de Suez” Des pharaons au XXIe siècle
à l’Institut du monde arabe, Paris

du 28 mars au 5 août 2018



www.imarabe.org

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 26 mars 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Giulio Carlini, Les Vénitiens présentent leur projet de Canal au sultan, 1869. © Engie.
2/  Hippolyte Arnoux et Zangaki frères, Drague à couloir de 45 mètres, 1869 – 1885. © Archives nationales du monde du travail (Roubaix).
3/  Le Canal de Suez vu par le satellite Copernicus Sentinel-2A, 2017. © DR.

 


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Interview de Gilles Gauthier, commissaire scientifique de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 26 mars 2018, durée 5'19". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Claude Mollard, commissaire général
Gilles Gauthier, commissaire scientifique




À partir du 26 mars 2018, l’Institut du monde arabe retrace l’une des plus passionnantes entreprises humaines : L’Épopée du Canal de Suez. Des Pharaons à Ferdinand de Lesseps, du projet de Bonaparte à la nationalisation sous Nasser, cette saga extraordinaire de plus de 4000 ans est mise en scène dans une exposition-évènement réunissant les personnalités puissantes, les défis surhumains, les anecdotes, les temps forts qui ont ponctué l’histoire singulière de ce lieu symbolique, jonction entre trois continents : l’Asie, l’Afrique et l’Europe.

Raconter cette histoire, c’est montrer l’Histoire du monde et des grandes civilisations qui se sont alliées et confrontées sur ce point névralgique du commerce entre les hommes, entre le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest. C’est aussi faire voir la renaissance à la fois politique, économique et culturelle du plus vieil État du monde.

Suivant un principe cinématographique, l’exposition propose une entrée en matière directe et immersive au visiteur en le plongeant au coeur de l’inauguration de 1869, puis lui fait remonter le temps en reprenant le développement historique de cette épopée.

Objets archéologiques, maquettes, photographies, films d’époques… ponctuent le parcours qui déroule l’Histoire de l’Égypte et celle du monde dans cette exposition fleuve qui part des Pharaons pour entraîner les visiteurs jusqu’aux aux tous derniers travaux contemporains d’extension et de dédoublement.


Début du voyage… 1869 : le Khédive Ismaïl accueille pour l’inauguration du Canal de Suez des représentants de toutes les familles royales d’Europe, des envoyés du Sultan, mais également l’empereur d’Autriche et surtout l’hôte d’honneur, l’impératrice Eugénie. C’est sur cette scène grandiose – présentée à la fois par des tableaux, de vastes écrans animés et un diorama que débute l’exposition, au son des trompettes d’Aïda (opéra commandé par le Khédive à Verdi pour l’occasion). Le Canal ouvert à la circulation, Le Caire rénové sur le modèle d’une ville européenne : la renaissance égyptienne est en marche. Le Canal de Suez rentre de plain-pied dans l’Histoire. Une histoire qui a débuté près de 4000 ans plus tôt.






Parcours de l’exposition

Des pharaons à Venise (-1850 - +1505)


L’idée de relier la Méditerranée et la mer Rouge remonte aux pharaons. Sésostris III (1878-1762 avant J.-C.) fait relier la mer Rouge au Nil, à Zagazic, dans le delta du Nil, au nord du Caire. Les voiliers mesurent entre 10 et 20 m de long. Une stèle atteste que Darius, l’empereur de Perse, occupant de l’Égypte entre 521 et 486 avant Jésus-Christ, a achevé sa construction et veillé au bon entretien du Canal qui tend à s’ensabler.

Le Canal est de nouveau restauré par Ptolémée II vers 250 avant J.-C. Au cours des mille années qui suivent, il est successivement modifié, détruit et reconstruit, notamment par Amru ben al-As en 640, et devient le « Canal du Commandeur des croyants ». Il est finalement détruit au VIIIe siècle par le calife Al-Mansur qui veut fermer les accès à la ville de Médine.

Au début du XVIe siècle, Venise est confrontée à la concurrence des Portugais dans le commerce avec l’Orient. Vasco de Gama a en effet découvert en 1498 une nouvelle route contournant l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance. Les Portugais évitent ainsi de payer les taxes du sultan d’Égypte pour le commerce et le transport des épices. La république de Venise a l’idée de creuser un Canal reliant la Méditerranée et la mer Rouge et envoie en 1504 son envoyé auprès du sultan, mais sans succès.

En 1586, un projet entrepris par le sultan de Constantinople est abandonné faute de moyens.


De Bonaparte à Méhémet Ali : vers l’Égypte moderne (1797-1854)

En 1798, Bonaparte débarque en Égypte. Les ingénieurs qui l’accompagnent étudient la possibilité de percer l’isthme de Suez sans passer par le Nil. Une première simulation de tracé est effectuée. L’idée se poursuit après 1820, avec l’appui des partisans du saint-simonisme. Plusieurs projets de Canal sont présentés aux Égyptiens au début des années 1830, notamment par Prosper Enfantin, ingénieur et économiste français.

Le vice-roi d’Égypte, Méhémet Ali, veut « occidentaliser » l’Égypte mais n’est pas intéressé. Les saint-simoniens poursuivent néanmoins le projet et créent en 1846 une Société d’étude pour le Canal de Suez qui démontre que le niveau des deux mers à relier est équivalent, contrairement aux estimations faites en 1798. La différence est si faible qu’un Canal sans écluse devient possible.


Saïd Pacha et Ferdinand de Lesseps : la construction du Canal et la réaction anglaise de 1882 (1854-1882)

En 1854, le vice-roi Saïd Pacha décide le lancement d’un projet dont la réalisation est confiée au Français Ferdinand de Lesseps.

La construction du Canal ne tarde pas à créer des tensions. Les Britanniques s’opposent à sa réalisation, qui renforcerait l’influence française sur cette région située sur la route des Indes.

Les Anglais font arrêter les travaux à plusieurs reprises : en octobre 1859 avec l’appui de l’Empire ottoman, puis à la mort de Saïd Pacha en 1863. Ismaël Pacha reprend la construction grâce au soutien de Napoléon III.

La Compagnie universelle du Canal maritime de Suez de Ferdinand de Lesseps construit le Canal entre 1859 et 1869. À la fin des travaux, l’Égypte détient 44 % du capital de l’entreprise, le reste étant détenu par 21 000 actionnaires français.

Des centaines de milliers d’Égyptiens participent à la construction du Canal dans des conditions extrêmement éprouvantes, et plusieurs dizaines de milliers meurent, principalement du choléra.

Le Canal est officiellement inauguré le 17 novembre 1869 par l’impératrice Eugénie. Tout de suite après cette inauguration, le Canal devient le coeur des rivalités franco-anglaises.

En 1875, l’Égypte, dont le budget est devenu déficitaire, doit vendre ses parts au Royaume-Uni qui retrouve son influence sur la route des Indes.

En 1882, après la guerre anglo-égyptienne, les Britanniques remplacent les Ottomans comme tuteur du pays. Ils parviennent ainsi à prendre le contrôle du Canal.

Le 29 octobre 1888, afin de remédier aux querelles entre puissances mondiales, la convention de Constantinople affirme la neutralité du Canal, déclaré « libre et ouvert, en temps de guerre comme en temps de paix, à tout navire de commerce ou de guerre, sans distinction de pavillon ».


Le Canal et les deux guerres mondiales : les aspirations de l’Égypte à l’indépendance (1914-1945)

Pendant la première guerre mondiale, les Britanniques coupent avec les liens avec l’Empire Ottoman et proclament leur protectorat sur l’Égypte. La Révolution Égyptienne de 1919 les contraint à accorder à l’Égypte une indépendance partielle et à y proclamer une constitution.

En 1936, lors du traité de Londres, le royaume d’Égypte accède à une indépendance presque complète : la protection du Canal de Suez reste sous monopole britannique pour vingt ans.

De 1940 à 1945, le Canal de Suez est fermé à toute navigation en dehors de celle des alliés de la Grande-Bretagne.


Nasser, la fin de la présence étrangère (1952-1970)

Le 8 octobre 1951, le Premier ministre égyptien Moustapha el-Nahhas Pacha dénonce le traité anglo-égyptien de 1936. Le Royaume-Uni refuse et renforce ses effectifs à terre. Il s’en suit des émeutes violentes et des actes de guérillas de la part des Frères musulmans, des communistes et de la police égyptienne contre les Britanniques. On comptera plusieurs centaines de victimes de part et d’autre. Le retrait militaire britannique s’achèvera en juillet 1956.

Le 23 juillet 1952, un groupe d’officiers libres s’empare du pouvoir. Au sein de ce groupe, Nasser s’affirme rapidement comme le leader. Le 26 juillet 1956, il nationalise le Canal et transfère le patrimoine de la compagnie du Canal à la Suez Canal Authority. Cette opération a pour but de financer la construction du barrage d’Assouan après que les États-Unis et la Banque mondiale aient refusé d’accorder des prêts pour le financer. Les avoirs égyptiens sont aussitôt gelés et l’aide alimentaire supprimée, à la suite des protestations des principaux actionnaires, alors britanniques et français. En même temps, Nasser dénonce la présence coloniale du Royaume-Uni au Proche-Orient et soutient les nationalistes dans la guerre d’Algérie.

Le 29 octobre 1956, le Royaume-Uni, la France et Israël se lancent dans une opération militaire, baptisée « opération Mousquetaire ».

L’opération dure une semaine. Les Nations unies condamnent l’expédition franco-israélo-britannique qui se solde par un fiasco diplomatique et militaire. Des négociations entre l’Egypte et la Compagnie aboutissent toutefois au remboursement d’indemnités sur la base desquelles se constitue la Compagnie financière de Suez. La concession allait en effet jusqu’en 1968.


Le Canal de Suez et les guerres entre l’Égypte et Israël (1956-1975)

Onze ans plus tard, en juin 1967, lors de la guerre des Six Jours, Israël occupe le Sinaï et la rive orientale du Canal, qui va rester fermé pendant 8 ans, jusqu’en juin 1975. Israël construit une ligne de défense sur la rive orientale : la ligne Bar-Lev.

En octobre 1973, l’Égypte et la Syrie attaquent Israël par surprise : c’est le début de la guerre du Kippour. La zone du Canal redevient une zone de combats. L’armée égyptienne franchit le Canal et pénètre profondément dans le Sinaï avant que les forces israéliennes, après quelques jours, ne reprennent le dessus et franchissent à leur tour le Canal. Une force de maintien de la paix de l’ONU reste sur place jusqu’en 1974. Pendant cette longue fermeture, les pétroliers s’adaptent en renforçant la création de supertankers qui contournent l’Afrique sans contraintes de gabarits.

Après 15 mois de travaux de déminage du Canal et de ses abords, le Canal est officiellement rouvert le 5 juin 1975 par le président Anouar el-Sadate qui le descend de Port-Saïd à Ismaïlia. Le lendemain, le premier convoi franchit le Canal vers la Méditerranée.


Le doublement du Canal de Suez (2015)

À la fin des années 2000, l’augmentation de la piraterie autour de la Corne de l’Afrique conduit le commerce mondial à explorer de nouvelles routes. Mais les revenus assurés par le Canal sont vitaux pour l’Égypte. Avec 5 milliards de dollars par an (chiffre 2013), ils représentent 20 % du budget de l’État.

Le 5 août 2014, le Président Al Sissi annonce son intention de creuser un deuxième Canal parallèle au Canal de Suez sur sa partie orientale, afin de permettre de supprimer la circulation alternée des convois. Ce nouveau Canal a une longueur de 72 km et coûte environ trois milliards d’euros. Ce projet réduit le temps d’attente maximale de passage pour les bateaux de 11 à 3 heures. Les travaux impliquent l’approfondissement et l’élargissement du Canal existant sur 35 km, ainsi que le creusement d’un nouveau Canal de 37 km au niveau de la ville d’Ismaïlia. L’ouverture du nouveau Canal a lieu le 6 août 2015. Le Canal de Suez rapporte en 2015 environ 5,3 milliards de dollars par an à l’Égypte. Il devrait rapporter annuellement 13,2 milliards de dollars en 2023. Il devient l’épine dorsale de l’Égypte de demain.