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“Rodin et la danse” article 2389
au Musée Rodin, Paris

du 7 avril au 22 juillet 2018



www.musee-rodin.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 6 avril 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Auguste Rodin, Danseuse cambodgienne. Encre brune sur papier à en-tête de l'hôtel de Marseille. Juillet 1906. H. 14,5 cm ; L. 11,4 cm. © musée Rodin, ph Jean de Calan.
2/  Emile Sanremo, Rodin assis sur un banc, dessinant une danseuse cambodgienne, épreuve gélatinoargentique. H. 12 cm ; L. 17 cm. Photographie. © musée Rodin.
3/  Auguste Rodin, Mouvement de danse D, avec Tête de la Femme slave. 1911. Terre cuite H. 35,3 cm ; L. 25 cm ; P. 15 cm. © musée Rodin, ph C. Baraja.

 


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Interview de Christine Lancestremère, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 6 avril 2018, durée 10'12". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat général :
Catherine Chevillot, Conservateur général du patrimoine, Directrice du musée Rodin
Commissariat :
Christine Lancestremère, Conservateur du patrimoine, Chef du service de la conservation.




Le musée Rodin invite le public à découvrir la rencontre de Rodin avec le monde de la danse. L’exposition s’articulera autour de la célèbre série des Mouvements de danse jamais exposée du vivant du sculpteur et de près d’une centaine de dessins dont le célèbre corpus des Danseuses Cambodgiennes. L’initiation de Rodin à l’art du mouvement sera évoquée à travers ses rencontres avec les danseuses de l’époque, telles que Isadora Duncan, Loïe Fuller et Hanako, la danseuse japonaise. Un corpus d’oeuvres exceptionnelles réunira sculptures, photographies et dessins, plongeant le visiteur dans un univers de grâce et de poésie.


Rodin et le monde de la danse

À partir des années 1890, des expériences nouvelles élèvent la danse au rang d’art à part entière, loin du divertissement codifié et mondain qu’elle pouvait être jusque-là. Sensible à ces innovations, Rodin s’intéresse à des personnalités exceptionnelles, parmi lesquelles Loïe Fuller et Hanako. Le point d’orgue de ces rencontres s’établit avec les danseuses cambodgiennes en représentation à Paris pour l’exposition universelle.

À leur départ, Rodin dira qu’ « elles emportèrent la beauté du monde avec elles ». La complicité partagée avec les artisans de cette révolution amène Rodin à lier danse et sculpture au point de les confondre dans leur commune exploration des possibilités du corps humain. Rodin s’intéresse à la danse sous toutes ses formes, qu’il s’agisse des danses folkloriques régionales ou extra-européennes, des prestations de danseuses de cabaret, des principales personnalités de la danse contemporaine ou encore, intérêt qu’il partage avec Isadora Duncan, des pratiques de la danse dans l’antiquité.


L’épanouissement des corps

Organisée autour des treize Mouvements de danse en terre cuite, l’exposition retrace l’ensemble des recherches et expérimentations de Rodin avec les danseurs et acrobates. Rendre la vie des corps, traduire leur énergie, leur équilibre, leur force sont au coeur de la création de Rodin tout au long de sa carrière.

Ses sculptures et dessins sont profondément marqués par ces échanges avec le monde de la danse. Par la souplesse, la force et l’énergie du corps qu’elle exige, la danse permet d’explorer le déploiement dans l’espace et l’apesanteur, dont Rodin nourrit sa création, comme dans Pas de deux ailés sur colonne.

Rodin joue des assemblages pour exprimer les tensions des corps et imaginer des portés audacieux, l’occasion de relire l’énergie vitale d’Iris ou d’Aphrodite.






Parcours de l’exposition

Traduire la vie des corps, leur mouvement, leur énergie et leur expression est au coeur des recherches d’Auguste Rodin tout au long de sa carrière. Sur ce terrain fertile, prêt à s’enrichir de tout apport, la rencontre de l’artiste avec les danseurs, danseuses et acrobates de son temps, a fait éclore des oeuvres particulières.

Sculpture et danse ont beaucoup en commun. Comme l’argile, le corps humain est travaillé et modelé pour créer des formes nouvelles, défier les lois de la gravité et parvenir à exprimer toutes les passions de l’âme. Dans les années 1890, la danse devient un art à part entière, loin du divertissement codifié du ballet classique. Des personnalités exceptionnelles, parmi lesquelles Loïe Fuller, Isadora Duncan ou Vaslav Nijinski, sont les artisans de cette révolution dont les échos retentissent dans tous les autres arts. Rodin, alors au sommet de sa gloire, s’intéresse à ces innovations mais aussi aux autres types de danses, populaires, folkloriques et asiatiques. Il y retrouve l’expression du mouvement naturel du corps, celle qu’il avait saisie dans l’art grec et qu’il cherche à rendre ans ses propres oeuvres.

Durant les vingt dernières années de sa carrière, le travail de Rodin est profondément marqué par ces échanges avec le monde de la danse. L’ensemble de sculptures et de dessins appelés Mouvements de danse, réalisé entre 1903 et 1912, offre une véritable synthèse de ses recherches et expérimentations sur la représentation du corps vivant.


Rodin et les danseuses, Hanako, Alda Moreno, Loïe Fuller
La mécanique parfaite qu’est le corps humain est, dès sa formation, au coeur du travail de dessinateur et de sculpteur de Rodin. Durant toute sa carrière, il s’attache à traduire le mouvement du corps, son énergie vitale mais aussi son charme et sa sensualité. Sa curiosité et son goût pour presque toutes les formes de danse ainsi que pour le travail des acrobates semblent ainsi naturels et il en existe de nombreux témoignages. Les ouvrages de sa bibliothèque, sa correspondance et les photographies qu’il possède montrent la diversité de ces échanges, particulièrement intenses entre 1895 et 1913. Il s’agit parfois de simples relations mondaines mais Rodin assiste aussi à de nombreux spectacles. Certains de ces modèles privilégiés sont issus de cet univers, comme la japonaise Hanako, la danseuse de cabaret Alda Moreno ou les danseuses du ballet royal du Cambodge. Ses oeuvres et ses écrits montrent son intérêt profond pour les innovations radicales proposées par Loïe Fuller, Isadora Duncan ou les danseurs des Ballets russes et pour leur choix d’une expression libre du corps, souvent inspiré des oeuvres antiques.

L’énergie d’investir l’espace
Les corps dessinés ou sculptés par Rodin sont animés d’une énergie et d’une tension qui les rend presque vivants. Il fait poser et bouger des modèles dans son atelier, pour saisir au plus près la vérité du mouvement et la relation du corps avec l’espace qui l’environne. Beaucoup d’œuvres montrent ainsi des figures ramassées sur elles-mêmes ou en train de se déplier, de se déployer jusqu’à tenter de s’envoler. Le travail avec des danseurs permet à l’artiste d’approfondir ces recherches, voire de découvrir des possibilités du corps qui lui étaient alors inconnues et qui l’inspirent. C’est le cas de la capacité d’Alda Moreno à rassembler tous ses membres, presque roulée en boule, ou des lents mouvements verticaux des danseuses cambodgiennes dont les jambes sont toujours pliées. La force des danseurs et la maîtrise qu’ils ont des possibilités de leur corps est l’occasion d’explorer les limites de l’équilibre et le porte-à-faux, enjeux qui sont aussi ceux de la sculpture. Sculptures et dessins montrent combien Rodin est fasciné par le saut et l’envol qui, transformant l’air en matière, permettent d’échapper à la gravité terrestre.

Arts du mouvement, arts de la vie
Source d’inspiration des danseurs qui cherchent à renouveler leur art à la fin du XIXe siècle, l’art de l’antiquité est riche en représentations de scènes de danse. Rodin partage cet intérêt et possède lui-même plusieurs vases et reliefs ornés de Bacchanales et de scènes dionysiaques. Rites religieux, processions et rondes sont autant de chorégraphies que l’artiste utilise à son tour dans certaines de ses oeuvres. Le corps représenté dans les oeuvres antiques est aussi perçu comme plus proche de la nature. Isadora Duncan développe une théorie du mouvement naturel à laquelle adhère Rodin. En accord avec le rythme de l’univers, la danse doit être libre et respecter l’harmonie du corps et de l’esprit. Chez les danseuses cambodgiennes, c’est un « coin de nature jusque-là inconnu » que l’artiste cherche à saisir dans des dizaines de dessins. Rodin, qui représente le plus souvent le corps nu, sans artifice, s’intéresse au costume des danseurs. Accessoire graphique, le drapé souligne le corps et fait jouer la lumière, apportant des couleurs que l’artiste rend par de l’aquarelle. Le costume permet enfin, comme dans le Mercure drapé, d’accompagner le mouvement et d’en garder une fugace mémoire visuelle.

« Comme le corps parle plus loin que l’esprit ! »
L’idée que le corps peut traduire pensées et sentiments est au coeur des transformations chorégraphiques des années 1890. La danse est un langage fait de gestes et d’attitudes qui s’enchaînent selon des rythmes différents. Le motif ainsi dessiné prend la forme d’une ligne, sinueuse ou brisée, sur laquelle Rodin s’arrête. Le Faune de Nijinski, tout en angles, raconte ainsi tout autre chose que la cambrure des danseuses ou les ondulations mystérieuses qui parcourent les bras des Cambodgiennes. Cet intérêt se concentre parfois sur certains détails du corps, pieds, bras et mains, outils privilégiés de l’expression du danseur, auxquels Rodin accorde un rôle particulier. Au-delà de cette grammaire du geste, le corps possède le pouvoir d’évoquer, par associations d’idées, d’autres choses que lui-même, comme dans la poésie symboliste contemporaine. La grâce de certains assemblages que Rodin réalise à partir de figures autonomes renvoie aux portés audacieux que pratiquent les danseurs. Associations de corps en plâtre ou annotations poétiques portées sur certains dessins font naître, sous les yeux du spectateur, des images nouvelles.

Le corps, une architecture vivante
En 1914, Rodin écrit dans Les Cathédrales de France que « la cathédrale est construite comme un corps vivant ». Il reprend l’idée que l‘édifice est un organisme, composé d’une ossature et d’organes dont chacun est indispensable à l’ensemble. Il met en évidence également que ces constructions, que sont le corps et l’architecture, reposent sur un équilibre dynamique entre des forces contraires. Dans ce domaine encore, leur maîtrise de la répartition des masses et du centre de gravité fait des danseurs les meilleurs modèles. Le motif de l’atlante, figure humaine dotée d’une fonction architecturale de soutien, est traité à plusieurs reprises dans les dessins de Rodin. Qu’il soit penché vers l’avant ou cambré, le corps agit alors comme un ressort. La même logique guide certaines attitudes des Mouvements de danse et celle des acrobates qui font le « pont ». Cet équilibre dynamique peut aussi être obtenu par l’assemblage de deux ou trois figures, corps affrontés selon un principe similaire à celui de la voûte en berceau.