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“Enfers et fantômes d’Asie” article 2393
au musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris

du 10 avril au 15 juillet 2018



www.quaibranly.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Julien Rousseau, le 10 avril 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Peinture de fantôme, signée Iguchi Kashu (1890-1930), début du 20e siècle. Japon, Asie. N° inventaire : 70.2015.40.5.1-2. Mingei Arts Gallery. Peinture sur soie, montage en soie- Boite en bois, 192 x 53,5 cm (avec montage). © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Claude Germain. Légende : "Représentation classique de fantôme (yurei) portant un linceul blanc, des cheveux détachés et dépourvu de pieds.- Avec boite".
2/  Estampes, diptyque, Le fantôme de Kamata Matahachi d'Utagawa Kunisada, 1855. Japon, Asie. N° inventaire : 70.2015.39.2.1-2. Galerie Shukado. Impression xylographique polychrome sur papier. Dimensions d'une estampe : 25 x 37 cm- Dimensions du diptyque : 50 x 37 cm. © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Claude Germain.
3/  L'ogresse de la forêt, Phi Mè Nay, 2015. Chiang Rai (province), Asie. N° inventaire : 70.2016.32.2. Acrylique et pastel sur toile, 180x135cm. © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Claude Germain. Légende : "Phi Mè Nay est un esprit qui habite les ruisseaux près des forets. Quand le ruisseau s’assèche, il devient un château dans lequel elle attire les hommes de passage et seuls les plus vertueux d’entre eux peuvent s'en échapper.".

 


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Interview de Julien Rousseau, responsable de l’Unité patrimoniale Asie au musée du quai Branly – Jacques Chirac et commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 10 avril 2018, durée 13'29". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire : Julien Rousseau, responsable de l’Unité patrimoniale Asie au musée du quai Branly – Jacques Chirac
Conseiller scientifique pour le cinéma : Stéphane du Mesnildot, journaliste aux « Cahiers du cinéma », auteur, spécialiste du cinéma asiatique




Plongée dans le monde des esprits, de l’épouvante et des créatures fantastiques, l’exposition ENFERS ET FANTÔMES D’ASIE présentée au musée du quai Branly – Jacques Chirac s’empare des histoires de fantômes en Asie Orientale et du Sud-Est et de leurs adaptations contemporaines. Un parcours aux frontières du réel, où se croisent principalement le cinéma, l’art religieux, le théâtre, la création contemporaine, le manga ou le jeu vidéo.

Des estampes d’Hokusai à Pac-Man, des peintures bouddhiques au J-Horror – cinéma d’horreur japonais des années 1990-2000 – avec le film « Ring », du culte des esprits en Thaïlande au manga d’horreur, la figure du fantôme hante l’imaginaire asiatique. En Chine, en Thaïlande ou au Japon – terrains d’étude de l’exposition – l’engouement populaire pour l’épouvante est bien réel, imprégnant une grande diversité des productions culturelles. Esprits errants de la forêt,femmes-chats vengeresses,revenants des enfers affamés (« walking dead »), vampires sauteurs ou yokaïs (créatures fantastiques du folklore japonais), leurs apparitions sont multiples et se jouent des époques et des supports artistiques.

Pour mieux en saisir les codes, l’exposition ENFERS ET FANTÔMES D’ASIE propose d’explorer leur représentation dans les arts du spectacle, le cinéma ou encore la bande dessinée. Car si le bouddhisme a contribué à la construction de cet imaginaire, c’est bien en marge de la religion dans l’art populaire et profane, que la représentation des spectres s’est surtout développée.

Le parcours suit une approche thématique et géographique. Il mêle les époques pour montrer la continuité des représentations de fantômes. Le dialogue entre art religieux ancien, théâtre, cinéma, jeux vidéos et bande dessinée, illustre l’idée que le fantôme ne meurt jamais et que ses manifestations sont imprévisibles. Les spectres apparaissent par-delà les époques et les supports artistiques.

Une place est aussi donnée à la création contemporaine : installations reproduisant les enfers des temples de Thaïlande, production de mannequins et de décors scénographiques par un studio d’effets spéciaux thaï, création d’oeuvres pour l’exposition par des artistes contemporains asiatiques, montages vidéos, apparitions fantomatiques en hologramme, ou encore sculptures-fantômes géantes.






Parcours de l’exposition :

Préambule

Un fantôme ne meurt jamais. En Asie orientale et du Sud-Est, les histoires d’épouvante ont traversé les époques, véhiculées par la tradition orale, la littérature, le théâtre et le cinéma, qui leur donna une force sans précédent. Dès le 10e siècle, l’art bouddhique chinois illustre le jugement des âmes aux enfers et, deux siècles plus tard, les rouleaux japonais des « fantômes affamés » (gaki zoshi) laisseront les plus anciennes images de revenants connues à ce jour. Cependant, les fantômes dépassent le cadre moral et explicatif de l’art religieux. Leur iconographie s’est construite dans des formes d’expression plus profanes de la culture populaire et à travers des histoires. Les arts du spectacle puis les films ont largement contribué à faire sortir les spectres d’Asie du monde invisible. Le retour d’un défunt parmi les vivants résulte souvent d’un destin brisé de manière violente ou anormale et qui va chercher à s’accomplir après la mort. Les fantômes viennent régler une dette ou réparer une injustice. Leurs apparitions nous effraient en nous confrontant à l’inhumanité.

Section 1 – Vision des enfers
La philosophie bouddhique n’a pas la notion d’être permanent mais plutôt celle d’un perpétuel devenir. Toute existence est provisoire, pour les dieux autant que pour les hommes, les animaux ou les damnés. Les enfers sont un purgatoire où les défunts expient leurs fautes sous la torture avant de rejoindre le cycle des réincarnations. En Asie orientale et du Sud-Est, les supplices infernaux sont décrits dans la peinture et la sculpture, alors que ce sujet n’a pas été représenté en Inde, pays d’origine du bouddhisme. Les rouleaux illustrés du Sûtra des Dix Rois, retrouvés à Dunhang (Chine) et datés du 10e siècle, restent les plus anciennes représentations connues des enfers. Les moines les utilisaient lors de rituels funéraires pour expliquer le devenir de l’âme dans l’au-delà. La vision des enfers est pédagogique et libératrice. Elle enseigne la loi du karma, selon laquelle la condition de chaque être, dans cette vie et les suivantes, résulte de ses actes passés.

Section 2 – Fantômes errants et vengeurs
La représentation des revenants s’est beaucoup développée dans l’art populaire et profane. Les histoires d’épouvante les plus célèbres, comme celles d’Oiwa au Japon ou de Nang Nak en Thaïlande, proviennent de la tradition orale et de la littérature, avant d’avoir été adaptées au théâtre puis au cinéma. La manifestation d’un défunt parmi les vivants se produit souvent à la suite d’une mort anormale ou violente, et de rituels funéraires non respectés. Animé par la rancoeur, le fantôme erre entre deux mondes. Il vient nous hanter pour demander la réparation d’une faute ou accomplir un destin interrompu prématurément.

Section 3 – La chasse aux fantômes
Expulser des esprits dangereux ou entrer en leur possession relève de rituels magico-religieux complexes, dont le caractère ésotérique renforce l’efficacité. Ainsi les diagrammes et écritures magiques, dont les significations ne sont connues que des spécialistes, jouent-ils un rôle de protection contre les entités invisibles. Selon un principe d’opposition symbolique, les objets associés à la pureté et à l’ordre universel sont de nature à chasser les esprits néfastes. Cependant, le moyen le plus efficace de chasser les fantômes et de convertir les défunts en figures protectrices reste le rituel et le culte funéraires.