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“Margot Wallard” Natten
à la galerie Vu’, Paris

du 13 avril au 26 mai 2018



www.galerievu.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Margot Wallard, le 18 avril 2018.

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1/ 2/ 3/  Margot Wallard, de la série Natten, 2012-2017. © Margot Wallard / VU'.

 


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Interview de Margot Wallard,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 18 avril 2018, durée 18'15". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

La réalité, réduite à sa plus pure expression par Margot Wallard

“Ce projet a été un long processus de recherches et d'expérimentation. Le deuil que je ne partageais pas a été le déclencheur. L'ambiguïté entre le désir de plonger dans mon mal être tout en voulant en sortir en a été le moteur. J'étais alors dans l'urgence et la nécessité de retourner la caméra vers moi et d'apprivoiser mon nouvel environnement en Suède, le Värmland. J'ai commencé, pour la première fois, les autoportraits. Je voulais aller vers des chemins inconnus, comme pour me provoquer et faire ressortir mes émotions. J'ai utilisé mon corps comme chant d'adieu et la caméra comme un bouclier contre la douleur. La mort, il fallait que je la regarde en face. J'ai trouvé dans cette nature un moyen de la re-poétiser, un espace et un calme où exprimer mes questionnements sur ce que je venais de vivre. J'ai enregistré la réalité, réduite à sa plus pure expression, dans les matières organiques et les animaux morts que je trouvais lors de mes expéditions, comme une clef pour l'apprivoiser et la sublimer. C'est la raison pour laquelle j'ai aussi utilisé le scanner comme appareil photo, fascinée par ce mélange quasi scientifique dans le processus et très poétique dans le résultat”.

Margot Wallard





Voyage au bout de la nuit

Natten est à la fois une histoire d'amour, de deuil et de renaissance. Comment peut-on tolérer une perte qui nous dépouille d’une partie de nous-mêmes ? Comment résister au déchirement intérieur face à l’irruption d’une vérité inacceptable ? C’est la question à laquelle Margot Wallard tente de répondre en tant qu’artiste. Au risque de voir le récit de sa vie rester à jamais incomplet, elle doit trouver une issue créatrice à sa souffrance ; du noyau même de sa peine, extraire une matière neuve qui atteste de son existence singulière.

Elle fait de la nuit un espace privilégié où se joue l’émergence d’un regard pacifié. L’obscurité et le silence rendent palpables les mille petites ramifications de son chagrin. La douleur devient le médium par lequel la photographe accède à nouveau au monde. Il lui faut un endroit assez vaste pour abriter ses colères, assez secret pour panser ses plaies. Avec ses immenses forêts et ses lacs glacés, le Varmland sera sa "terra incognita".

Dans une tentative désespérée pour tenir à la lisière un esprit qui ne cesse de se disloquer, Margot Wallard retourne l’objectif vers elle-même, consignant sur la pellicule tous les glissements et les faux-pas qui jalonnent ce lent retour à la vie.

Jour après jour, elle se débat avec la poisse humide des souvenirs. Dans le ventre sauvage de la forêt se déroule une guerre silencieuse qui n’en finit pas. Un désordre de résine et de chair, de sang et de terre. De son corps à la fois vulnérable et puissant, elle fait un champ de bataille ou un chant d’adieu. Elle collecte feuilles, pierres, cadavres d’animaux de façon quasi-obsessionnelle comme d’autres noircissent les pages d’un journal intime.

Ce rituel se répète au fil des saisons. Un monde précaire fait d’infinis murmures se manifeste : insectes transformés par le scanner en escadrille translucide, corps inertes dont les yeux vitreux semblent nous supplier, paysages, autoportraits fantomatiques se répondent et se prolongent. En tendant l’oreille, on pourrait presque entendre le bruissement du temps. Si les images épousent la progression émotionnelle de l’artiste, elles résonnent bien au-delà de son expérience personnelle et interrogent notre incapacité à embrasser pleinement le mystère de notre fragile condition.

Cathy Rémy, Directrice photo adjointe, M le magazine du Monde