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“Icônes de Mai 68” Les images ont une histoire
à la BnF François Mitterrand, Paris

du 17 avril au 26 août 2018



www.bnf.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse [avec de nombreuses restrictions], le 16 février 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Planche-contact. Etudiant pourchassé par un CRS. Photographie de Gilles Caron. Fondation Gilles Caron. © Gilles Caron.
2/  Affiche de l’exposition Icônes de Mai 68 : les images ont une histoire présentée à la BnF du 17 avril au 26 août 2018.
3/  Daniel Cohn-Bendit face à un CRS devant la Sorbonne, le 6 mai 1968. Photographie de Gilles Caron. Tirage argentique de presse, vers 1977, avec indications de cadrage au crayon. Fondation Gilles Caron. © Gilles Caron.

 


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Interview de Dominique Versavel,
conservatrice au département des Estampes et de la photographie BnF et co-commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 16 avril 2018, durée 14'30". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :
Audrey Leblanc, docteure en histoire et civilisations (Ehess), Université Lille 3
Dominique Versavel, conservatrice au département des Estampes et de la photographie, BnF




Comment s’est construite notre mémoire visuelle collective des événements de Mai 68 ? Selon quels processus certaines photographies, présentées comme documentaires, ont-elles atteint un statut d’icônes ? S’appuyant sur près de deux cents pièces - photographies, planches-contact, magazines, documents audiovisuels, l’exposition présentée par la BnF fait notamment l’histoire de certaines de ces images désormais célèbres. Elle suit leur trajectoire médiatique pour mettre en évidence les conditions de leur émergence culturelle dans la mémoire collective.

La barricade, le duel CRS/étudiants, le pavé lancé, le poing levé... depuis 50 ans, la représentation des événements de Mai 68 est associée à des motifs récurrents et une tonalité en noir et blanc. L’exposition analyse le parcours sinueux de différentes photographies, depuis la planche-contact jusqu’à leur circulation dans les magazines et autres produits éditoriaux ; elle revient sur l’élaboration médiatique et culturelle de la représentation de ces événements historiques.

De la photographie à l’icône
Le portrait de Daniel Cohn-Bendit face à un CRS par Gilles Caron et la « Marianne de 68 » de Jean-Pierre Rey constituent deux exemples caractéristiques de la fabrique des icônes. La photographie de Daniel Cohn-Bendit par Gilles Caron n’a pas immédiatement été distinguée ni mise en exergue par les grands titres de la presse magazine. Reprise dans le milieu photojournalistique à partir de 1970, elle circule plus largement à partir de 1978 puis à l’occasion des anniversaires décennaux de Mai 68 et de l’agence Gamma (fondée en 1967). Ce sont ces publications successives dans la presse et autres supports culturels (livres, catalogues etc.) qui ont contribué à sa singularisation. Pour éclairer la trajectoire de cette photographie devenue icône, l’exposition en présente des tirages originaux mais aussi de nombreuses formes éditées jusqu’en 2008, tout en retraçant la légende photojournalistique de son succès dans les médias. La « Marianne de 68 » de Jean-Pierre Rey a également évolué vers un statut d’icône. Publiée en petit format en 1968 dans la presse française, elle a ensuite été diffusée à plusieurs reprises jusqu’en 2008. Au fur et à mesure de ses publications, le cadrage se resserre, faisant perdre à la photographie son ancrage historique. Les commentaires se recentrent sur l’image elle-même faisant d’elle un symbole de Mai 68.

Une mémoire en noir et blanc
L’exposition interroge également la pratique de la couleur : comment et pourquoi la mémoire visuelle de Mai 68 se conjugue-t-elle en noir et blanc alors que les événements ont été couverts et diffusés en couleurs par la presse de l’époque ? Des clichés couleurs ont été pris par de nombreux photographes : Janine Niépce, Georges Melet, Bruno Barbey, Claude Dityvon... Peu de ces images sont pourtant réutilisées dans les médias par la suite. L’exposition éclaire rétrospectivement ces choix éditoriaux et l’amnésie paradoxale qui a frappé cet usage de la couleur car celle-ci traduisait en 1968 un traitement de choix des événements par les rédactions.

Récits photographiques
D’autres récits photographiques des événements ont échappé à la mémoire visuelle commune. En marge de la presse magazine, des photographes ont pris part à des démarches collectives. Des initiatives d’expositions et de projections photographiques ont vu le jour, portées par des personnalités qui racontent leur propre printemps 1968 et participent aux réflexions politiques et sociales à l’oeuvre. C’est le cas de l’exposition du club amateur des 30x40 ou du diaporama collaboratif de Jean Pottier et Jacques Windenberger présentés dans l’exposition. Ces montages et séries photographiques constituent une redécouverte de recherches d’alternatives aux représentations dominantes des grands médias.

« L’icône absente »
Pour finir, l’exposition interroge en creux le statut d’icône : pourquoi la première « nuit des barricades » n’a-t-elle paradoxalement laissé aucune image persistante ? Cette nuit du 10 au 11 mai a fait « monter » en Une des principaux magazines d’information de l’époque les événements du printemps 1968. Malgré l’imaginaire puissant qu’elles suscitent, ces scènes d’affrontements nocturnes n’ont généré aucune icône. Les photographies produites ont peu fait l’objet de publications à l’époque et de citations ultérieures. Cette absence d’icônes trouve des pistes d’explication dans le manque de lisibilité de ces images et leur inadéquation visuelle avec le récit porté par les médias : celle d’un duel entre jeunesse et forces de l’ordre.