contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Wang Haiyang” Ravage
à la Galerie Paris-Beijing, Paris

du 17 mai au 16 juin 2018



www.galerieparisbeijing.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition, le 17 mai 2018.

2423_Wang-Haiyang2423_Wang-Haiyang2423_Wang-Haiyang
Légendes de gauche à droite :
1/  Wang Haiyang, Judge and Idol, 2017. Single-channel video (color, sound), 4’29’, video still. © Wang Haiyang, courtesy of the artist and Galerie Paris-Beijing.
2/  Wang Haiyang, Sex, 2017. Watercolors on paper, dimensions variable. © Wang Haiyang, courtesy of the artist and Galerie Paris-Beijing.
3/  Wang Haiyang, Wall Dust, 2016. Stop-motion video (color, sound), 07’00”, video still. © Wang Haiyang, courtesy of the artist and Galerie Paris-Beijing.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Qu'est ce que c'est, la liberté ? Ce qui explose sur les grandes toiles de Wang Haiyang en mille gouttes, taches, éclaboussures, zig zags, est une joie enfantine d'enfin sortir dehors après avoir été trop longtemps enfermé. Ces couleurs sont les empreintes que laisseraient derrière eux des enfants après avoir passé un après-midi à jouer à chat ou à la marelle, un enregistrement de courses et d'éclats de rires. Cette rage à pouvoir se mouvoir s'oppose au cercle flou, aveuglant de lumière comme un soleil qui occupe le centre, tente d'ordonner ce chaos. Quelle que soit l'énergie dépensée à être libre, l'œil central surveille, juge cette danse arc-en-ciel, tente de la brider. Mais le mouvement est incontrôlable ; sûr de son élan, de la force qu'il accumule, il s'approche du centre, toujours plus près, jusqu'à l'effleurer. Cet enchevêtrement furieux laisse se distinguer une profondeur, et lorsque le fond disparait, la toile devient un espace tridimentionnel infini dans lequel on plonge, sonde spatiale lancée à travers nébuleuses et galaxies à la découverte des secrets de l'univers.

Dans des vidéos, des vers et chenilles gélifiés comme des bonbons ou hérissés de crêtes se tortillent dans une pulsation désordonnée dictée par un impératif biologique absurde. Sur deux chaises se faisant face, deux chewing-gums roses discutent, pétris par une mâchoire invisible. Une vaine tentative philosophique devenue dialogue de sourds souligne la difficulté à appréhender la liberté autant que celle à comprendre les règles et contraintes. Les ravages de Wang Haiyang dépassent l'évocation de la souffrance et de l'enfermement pour atteindre une revanche rédemptrice. Sa palette de couleurs démultipliée l'entraîne dans une accélération brutale à une vitesse de bolide, le mettant tel un bandit évadé hors de portée des forces qui le poursuivent.

Ses petits formats, des aquarelles sur papier, sont une collection d'oiseaux, de poissons, de créatures aquatiques sexuelles. Dans des couleurs de songes psychédéliques, exagérées avec bonheur jusqu'au fluo, des figures féminines et masculines se mélangent, des micro-organismes grouillent et fusionnent. Ces monstres tout droit sortis des archives d'un océanographe sont le peuple d'une soupe originelle plus futuriste qu'ancestrale. Femme à barbe au corps de crustacé, méduses et poulpes donnant naissance à des humanoïdes copulant, amas gélatineux d'algues couronnant une boule à facettes disco, sexes incrustés de motifs de perles habitent une jungle paradisiaque sous-marine, un jardin d'Eden extraordinairement optimiste. La fusion des espèces télescope hommes, animaux, mollusques et insectes en une parade aussi étrange qu'obscène, mais malgré tout désespérément joyeuse.

Tel le contenu de cellules vues au microscopes, ces êtres sont les éléments de l'ADN de notre monde ordonné : un chaos monstrueux parce que porteur de toutes les potentialités, de toutes les hybridations. Mais quelque part au milieu de tout ça, il y a une promesse de bonheur et de liberté.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Ravage, exposition personnelle de Wang Haiyang présentant ses dernières peintures et vidéos. Par l’utilisation de moyens alternatifs de communication, ses travaux les plus récents apparaissent comme des métaphores des relations humaines.

En 2017 l’artiste commence à travailler sur un ensemble de vidéos dans le but d’analyser les relations entre individu et société. La représentation abstraite de la figure de « l’abject » est un élément récurrent dans la série Ravage. Wang Haiyang tient à différencier ce caractère du sujet et de l’objet.

Feront partie de l’exposition trois vidéos de cette série, Social Relation, Night et Judge and Idol, qui marquent un tournant dans la production de l’artiste.

Dans Judge and Idol, les spectateurs assistent à l’étrange dialogue entre deux chewing-gums déjà mâchés. Le langage qu’ils utilisent est imaginé à partir de sons hybrides émanant d’êtres bioniques. Le chewing-gum est façonné sans cesse par les mains de l’artiste pendant que les deux personnages discutent de la relation maître-esclave et de la possibilité d’intervertir leurs rôles. Les voix ne permettent pas d’identifier s’il s’agit d’un sujet (être vivant) ou d’un objet. Ils s’expriment dans une langue hybride et s’interrogent sur la possibilité d’une vie au-delà des barrières imposées par le système. narration démarre et s’achève à partir de la perspective d’un fluide, mettant en scène une forme visqueuse ambigüe qui pourrait être un serpent ou un organisme unicellulaire.

Social Relation est un plan fixe sur un amalgame en ébullition. Wang Haiyang questionne la place de l’individu dans un environnement social.

Les aquarelles sur papier de la série Sex (2017) s’inspirent de formes mystérieuses apparues à l’artiste lors de sa période de convalescence à l’hôpital après une intervention chirurgicale. Ressemblant à des cellules vues au microscope, ces dessins et études se révèlent profondément organiques. Ils semblent être liés au désir de l’artiste d’appréhender la physiologie et les interactions de ces organismes vivants. Le choix spécifique de l’aquarelle sert à son propos. Ce medium nous ramène au phénomène de capillarité et à l’interaction entre les fluides.

Les peintures de la série Untouchable (2017) poursuivent ses recherches sur le corps et ses limites. Wang Haiyang en convalescence peint ses grands formats à plat. Comme suggéré par le titre, le centre de la toile lui est inatteignable. Loin d’être le résultat une pure contrainte physique cette zone devient le centre visuel et structurel de la composition. Les coups de pinceau rapides agrémentés de couleurs vives gravitent autour du centre de la toile, une énergie cosmique émane de la composition.

Seront également exposées trois vidéos présentées en 2016 au Ullens Center for Contemporary Art (UCCA) à Pékin : The Invisible Hand, Communication et Night Feed qui se distinguent par l’absence totale de protagoniste.

La vidéo Wall Dust (2016) sera également projetée dans la salle de projection de la galerie. L’oeuvre est la suite des vidéos d’animation Freud, Fish and Butterflies (2009) et Double Fikret (2012). Son processus de tournage reste basé sur une animation image par image. Une force compulsive sans commencement ni fin logique fonctionne comme un mécanisme de rotation. En dessinant à plusieurs reprises sur les mêmes feuilles de papier de verre, l’artiste produit méticuleusement des milliers d’images qui sont d’abord photographiées et puis effacées. Comme un mandala tibétain, chaque dessin est « destiné à être détruit sans laisser de traces ». Dernier volet de la trilogie, Wall Dust complète le récit initial en construisant et détruisant sans cesse des scènes incongrues avec un personnage moustachus récurrent nommé « Fikret ». Dès le début de l’animation, les spectateurs font face à une série de situations surréalistes. L’intrigue semble se dérouler sans suivre de direction : une succession de symboles, de représentations sexuelles grotesques, de figures géométriques, de formes organiques, d’animaux connectés à d’étranges machines. Tous ces êtres hybrides et ces objets sont animés par des traits de crayon couleur qui se combinent frénétiquement. Ces métamorphoses suivent le flux de conscience de l’artiste et apparaissent comme le fil rouge de cette trilogie. On y voit par exemple, des oeufs de poule sur un tapis roulant qui se transforment en dents après avoir traversé une forêt de conifères. Suivant la théorie de Freud sur l’importance de l’inconscient, ces associations, apparemment aléatoires, tracent le cheminement de la construction identitaire.