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“Le magasin des petits explorateurs” article 2425
au musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris

du 23 mai au 7 octobre 2018



www.quaibranly.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 22 mai 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  "En Australie - à travers mes fougères arborescentes". Vignette Chocolat Guérin-Boutron. Série "Le tour du monde en 84 étapes". © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Claude Germain. Collection privée R. B.
2/  Voyage autour du monde en 80 jours. D’après Jules Verne. Jeu amusant et instructif. © Musée National de l’Education.
3/  Jean Marcellin, Pilotorama - Les Jivaros, planche originale « Les Jivaros », 1967. Gouache sur papier, carton. 43,7 × 60 cm. Pilote n°438, planche reproduite avec le titre « Une peuplade étrange et fascinante : les Jivaros ». Fait partie d'un ensemble de neuf planches originales réalisées pour le magazine "Pilote" entre 1966 et 1967 : les Touaregs, les Tasmaniens, les peuples de Sibérie, les Pygmées, les Aïnous, les Lacandons, les Jivaros, les Kamayuras et les Fuégiens. © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Claude Germain.

 


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Interview de Roger Boulay, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 22 mai 2018, durée 14'08". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire : Roger Boulay, muséologue, commissaire indépendant
Conseiller scientifique et directeur d’ouvrage : Julien Bondaz, ethnologue et maître de conférences au Département d’anthropologie de l’Université Lumière Lyon 2
Conseiller scientifique : Pierre-Yves Belfils, responsable des collections périodiques et des collections numériques, médiathèque du musée du quai Branly - Jacques Chirac




Comment la culture populaire en France a-t-elle présenté les sociétés d’Ailleurs aux plus jeunes ? Quelles images et récits ont guidé leur découverte du monde et de l’étranger ? L’exposition propose une réflexion sur l’éducation et l’altérité du 19e siècle à nos jours.

Paradis terrestre, terre d’aventures et d’exploration, monde hostile et sauvage… Face à l’inconnu et à l’étranger, les sociétés ont très tôt façonné un imaginaire empreint d’ambivalences : les stéréotypes y croisent les désirs d’exotisme et d’aventure et le romantisme se mêle aux lieux communs.

L’exposition interroge l’évolution de ce regard, depuis les récits de voyages de Cook et Bougainville jusqu’à nos jours, en prenant la littérature jeunesse et la production culturelle destinée aux enfants – jouets, films, expositions universelles et musées ou dessins animés – comme terrains d’exploration. Un regard occidental souvent tiraillé entre une attitude objective et scientifique tentant de bannir les clichés de sa vision du monde et un récit d’aventurier imprégné de romantisme plus soucieux d’héroïsme que de découvrir les peuples qu’il traverse.

Le magasin des petits explorateurs est conçu comme une vaste brocante de plus de 400 objets et documents où la production destinée à la jeunesse de chaque époque se mêle à l’espace consacré au thème qui fut l’obsession de la fin du 19e siècle : le Tour du Monde.

On y croise Robinson Crusoé et son compagnon Vendredi, le Capitaine Nemo, la Famille Fenouillard embarquée malgré elle pour un voyage en Amérique, Phileas Fogg et Passepartout, et d’autres héros coloniaux et aventuriers comme Bob Morane, Dady Risquetou, Freddy la Bougeotte… Des récits qui, s’ils convoquent parfois la nostalgie, constituent des exemples édifiants du vaste attirail de l’imagerie occidentale ayant accompagné les petits curieux dans leur découverte du monde.

De nombreuses publications destinées aux enfants et aux familles désignées par les termes de « Magasins » ou de « Musée » ont vu le jour dans les années 1830. Les « Magasins » ont pour caractéristique de rassembler, comme dans une boutique, de courts articles aux contenus très divers illustrés d’images d’une qualité jamais vue jusqu’alors.

Le musée du Quai Branly - Jacques Chirac est bien le lieu où interroger cette imagerie qui, pour le meilleur et pour le pire, constitue le fondement de notre rapport au Monde et, par conséquence, de notre appréhension des oeuvres d’art qu’il produit.





Le mot du commissaire par Roger Boulay

Comment dépasser l’illusion que l’appréciation d’une oeuvre exotique soit fondée sur les seules puissances du plaisir esthétique ou de l’excitation de l’étrangeté qui ne serait pas polluée par les imageries que chacun de nous porte dans « les cavernes de la mémoire » qu’explore Umberto Eco (2005). Et ce, d’autant plus puissantes qu’elles s’y sont entassées dans l’enfance.

La stupéfaction de Christophe Colomb devant les Indiens fut semblable à celle des visiteurs que j’accompagnais au Musée de La Porte Dorée devant les hauts tambours plantés du Vanuatu.

Confronté à tant d’étrangeté, l’esprit mobilise tous les clichés et stéréotypes prêts à l’emploi pour nommer ces choses étranges. On y va des poteaux de torture, fétiches, idoles, fourchettes cannibales, casse-tête, flèches empoisonnées et coiffures de sorcier….le lexique cannibalistique des récits d’aventures est inépuisable et surtout omnipotent en toutes circonstances.

Seule une culture et une éducation du regard construites à l’école, dans les musées, par le cinéma et autres médias peuvent modifier la façon d’appréhender ces objets autrement que comme curieux ou épouvantablement grossiers ainsi que le disaient le gamin de Paris de Boussenard, le petit aviateur d’Arnould Galopin ou le Tintin d’Hergé.

Parmi ce public les enfants sont à l’âge où ils constituent leur imaginaire sur les Autres. Une étude récente (Nature, les neuros-sciences, 2016) indique que « les stéréotypes sont tellement puissants qu’ils peuvent modifier le système visuel ».

Attention donc !

Le Musée peut fonctionner, si l’on s’en donne la peine, comme un vestiaire auquel on confierait non seulement nos parapluies et nos vestes mais aussi nos clichés et nos images toutes faites.

Les expositions Kannibales et vahinés (2002), Paradirama avec Cyril Lefevre (2002), L’aristocrate et ses cannibales (2007 ), Tarzan ou Rousseau chez les Wasiri (2009 ), Kanak l’art est une parole ( 2013 ), et maintenant Le magasin des petits explorateurs, contribuent à ce travail et à apaiser, en visitant le Musée, à goûter comme le dit Pascal Dibie (1998) le plaisir « d’aller vérifier ailleurs si j’y suis ».

Roger Boulay