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“Acquisitions récentes du cabinet d'art graphique” article 2427
au Centre Pompidou, Paris

du 30 mai au 3 septembre 2018



www.centrepompidou.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 25 mai 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Huguette Caland, Christine, 1995. Encre, gouache et feutre sur papier Washi. Collection Centre Pompidou, Paris. 203 x 203 cm. © Droits Réservés. © Centre Pompidou, MNAM-CCI/G.Meguerditchian/Dist. RMN-GP.
2/  Mama Andersson, Den lilla systern II / The Little Sister II, 2016. Mine graphite, gouache et acrylique sur papier. 59,5 x 39,5 cm. Collection Centre Pompidou, Paris. © Mamma Andersson. © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Philippe Migeat/Dist. RMN-GP.
3/  Ciprian Muresan, Palimpsest, 2016. Mine graphite sur papier. Collection Centre Pompidou, Paris. © Ciprian Muresan. © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Dist. RMN-GP.

 


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Interview de Jonas Storsve,
conservateur du Cabinet d’art graphique - musée national d’art moderne et commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 25 mai 2018, durée 17'03". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Une étude de vitrail en papiers colorés découpés domine l'entrée. La figure paternelle de Matisse veille sur la collection comme un vieux maitre sur ses élèves. Les époques se succèdent, chacune marquée par ses audaces et ses inventions. Presque un demi-siècle sépare le portrait de Tristan Tzara aux tons bleutés dessiné par Picabia de celui de Liz Kertelge par Eugen Schönebeck, rencontre entre glamour de revue de cinéma et réalisme socialiste. Mais la singularité de ces œuvres est d'échapper au temps telle la jeune fille assise de 1921 peinte par Oskar Kokoschka alliant tradition et modernité. L'ensemble de petits dessins au crayon de Malévitch aux tracés rapides comme automatisés par une machine à l'âme humaine ne se voit daté que par le jaunissement du fin papier.

Le dessin, rapide à exécuter, est un témoignage plus direct que ne l'est la peinture. L'encre brune, sauvage, urgente de Bram van Velde porte l'empreinte profonde de son emprisonnement. De même, les aquarelles de Wols dépassent la vision fantastique et onirique pour contenir la mémoire de sa captivité dans un camp. Chez Huguette Caland, ses 3 femmes déchirées puis recousues, patchworks de cultures, d'identités et de souffrances parlent d'une autre forme d'enfermement, celui d'être femme dans un pays qui ne leur laisse ni parole, ni espace. Ces femmes géantes renversent la situation, elles sont des paysages, des quartiers, des villes, elles contiennent le monde et lui donnent naissance. Les personnages grotesques de Maryan, Ubus vautrés dans leur orgueil rencontrent un peu plus loin les deux sœurs-poupées trop sérieuses, endimanchées de Mamma Andersson, triste galerie de portraits d'une humanité sinistre et porteuse de danger.

Des taches liquéfiant des nervosités d'encre, irradiant comme des douleurs chez Pierre Wemaëre, des ombres transparentes et charbonneuses chez Nicolas de Staël, si présentes qu'elles finissent par se diluer dans l'absence, prouvent si besoin est la spontanéité, l'immédiateté des arts graphiques. Les figures naïves de Egill Jacobsen, le trait souple et grave de Alina Szapocznikow, faisant apparaitre et se mouvoir une femme d'un simple contour sinueux et virevoltant épurent le dessin, le dénudent jusqu'à sa plus simple forme, quelques mots écrits au feutre par Jackson Mac Low, instants fulgurants d'une syllabe.

Le trait se fait abstrait, mouvement: Per Kirkeby trace furieusement, estompe de noirs et de gris une course éperdue, un égarement parfois, une fuite échouant et se terminant à tourner en rond, longeant les murs d'une invisible prison. Chez Eugène Leroy il s'agit de danse, d'une alternance de bruits et de silences, d'un rythme de couleurs griffonnées dans l'urgence de saisir cette joie trop passagère.

René Laubiès parcourt le papier de sa brosse chargée d'encre jusqu'à épuisement de la matière. Il en résulte des broussailles sombres et épaisses, une végétation mourant d'aridité. Le cadrage serré est un aperçu crépusculaire d'un enfer boschien. Les aplats à la mine graphite d'Ettore Spalletti composent des formes géométriques définissant des objets abstraits en 3D d'un gris uniforme. Des empreintes de cordes de John Cage on passe à celles de Margrét H. Blöndal. En prenant un élément graphique sur un objet: le tracé d'une ombre, un reflet, un angle saillant, cette trace isolée en devient la mémoire, flottant sur le rectangle de papier blanc silencieux dans un halo d'huile d'olive.

La trame de losanges bleus peints par Silvia Bächli sur de grandes feuilles assemblées évoque un filet de pêche. Les mailles se resserrant laissent distinguer une silhouette humaine, prise au piège ou étant elle-même une partie de cette nasse.

L'exceptionnelle qualité de cette collection, le pouvoir d'inspiration de ces œuvres ne nous quitte pas une fois sortie. Il n'est pas si fréquent de quitter une exposition en en voulant encore, notant quelques noms pour chercher à en savoir davantage.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire : Jonas Storsve, Conservateur du Cabinet d’art graphique, musée national d’art moderne



La présentation des acquisitions récentes du Cabinet d’art graphique est un rendez-vous important et régulier de la vie du Musée national d'art moderne. C'est l'occasion de mettre en lumière de nouvelles oeuvres modernes et contemporaines. Cette nouvelle édition présente au public une sélection, aussi riche qu'éclectique, d’environ cent-soixante oeuvres sur papier, parmi les 1476 acquises depuis 2011.

L'exposition rassemble les oeuvres de cinquante-cinq artistes, d'époques, de styles et de techniques différents, qui illustrent les nombreuses possibilités offertes par le dessin. Le parcours chronologique de l'exposition traite à parts égales les dessins modernes et les dessins contemporains. Ce parti pris est symboliquement représenté dès la cimaise d'entrée de l'exposition, où dialoguent l’ample projet de vitrail de Henri Matisse pour la chapelle de Vence et un grand collage de l’artiste contemporain Pierre Buraglio.

Des regroupements apparaissent, certains plus attendus que d’autres. Kandinsky retrouve naturellement son ami et collègue du Bauhaus, Paul Klee, tandis que Karel Appel voisine avec ses camarades des années héroïques de Cobra, Asger Jorn et Egill Jacobsen. Plus loin, les oeuvres sur papier de John Cage se trouvent à proximité de celles d’un autre artiste proche du mouvement Fluxus, Jackson Mac Low. Le travail du peintre danois Per Kirkeby côtoie celui d’Eugène Leroy. Par ailleurs, Picabia, Wols, de Staël, Giacometti, Eugène Leroy constituent autant de dations récentes, pour la plupart inédites . Les oeuvres présentées viennent souligner une incroyable diversité, depuis la simple trace laissée sur le papier jusqu’à la plus extrême des sophistications.

L’exposition permet aussi de rendre hommage aux très nombreux donateurs, dont la générosité a permis d’enrichir la collection du cabinet d'art graphique. Elle révèle également les apports déterminants de la société Kandinsky ainsi que de la fondation Ny Carlsberg.

Le Cabinet d’art graphique du Musée national d’art moderne, créé en 1975, conserve la collection d’oeuvres sur papier du Centre Pompidou et compte plus de 20 000 dessins et estampes. La partie historique de cette collection, de 1905 aux années 1960, accueille des fonds majeurs d'Artaud, Brauner, Chagall, Delaunay, Dubuffet, Duchamp, Kandinsky, Kupka, Matisse, Miró... et le pan contemporain de la collection s'est accru avec le temps, grâce à une politique dynamique d’acquisitions soutenue par la générosité des donateurs et artistes.

L’extraordinaire donation de mille cent soixante-dix oeuvres par Florence et Daniel Guerlain en 2012, a déjà fait l’objet d’une large présentation dans le musée l’année suivante, de même que les oeuvres sur papier de la donation de la Vladimir Potanin Foundation en 2016.