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“Jean-Jacques Lebel” L'outrepasseur
au Centre Pompidou, Paris

du 30 mai au 3 septembre 2018



www.centrepompidou.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition en cours d'accrochage, le 28 mai 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Jean-Jacques Lebel, Happening, 120 minutes dédiées au Divin Marquis, avril 1966, Jean-Jacques Lebel paré de sa perruque bleue. © Jean-Jacques Lebel / ADAGP, 2018. Photo © HORACE.
2/  Jean-Jacques Lebel, André Breton et Guillaume Apollinaire, 1956. Collage et dessin à l’encre, papier et photographie sur carton, 31 x 38 cm. Collection Hopi Lebel. © Jean-Jacques Lebel / ADAGP, 2018. Photo © DR.
3/  Jean-Jacques Lebel, Programme du 3e Festival de la Libre Expression, avril-mai 1966. Collection particulièrePhoto © DR.

 


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Interview de Nicolas Liucci-Goutnikov, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 28 mai 2018, durée 11'58". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat : Nicolas Liucci-Goutnikov, conservateur au Musée national d’art moderne.



« Peintre de la transversalité » selon son ami Félix Guattari, Jean-Jacques Lebel déploie depuis le début des années 1950 une inclassable praxis. À la fois plasticien, poète, auteur de happenings, cinéaste, organisateur de festivals internationaux, traducteur de la Beat Generation, éditeur, essayiste, activiste libertaire, il est en France l’un des plus importants passeurs de notre époque.

Né en 1936 à Paris, sa formation intellectuelle est marquée par sa grande proximité avec André Breton, Marcel Duchamp et Benjamin Péret. Au contact du mouvement surréaliste, sensible à l’esprit de Gutaï, Jean-Jacques Lebel développe une peinture gestuelle marquée par l’automatisme, puis s’intéresse à l’assemblage, dans un esprit de subversion néo-dada des normes esthétiques et morales.

À partir de 1960, Jean-Jacques Lebel organise les premiers happenings en Europe. Par son énergie collective et protéiforme, irréductible au système marchand, le happening participe de la remise en cause radicale de la notion d’oeuvre d’art, qui caractérise les années 1960. Par ses contenus disruptifs, il manifeste aussi la profonde intrication, chez Lebel, de la création artistique et de l’activisme politique.

Cette exigence conduit l’artiste à susciter la réalisation, avec cinq de ses amis, d’un chef-d’oeuvre à la biographie conflictuelle, le Grand Tableau Antifasciste Collectif, peint en réaction aux exactions commises par l’armée française pendant la guerre d’Algérie. Elle l’amène également à prendre directement part au mouvement de Mai 68, puis à se retirer temporairement de la scène artistique.

L’exposition que le Centre Pompidou consacre à Jean-Jacques Lebel couvre cette période d’activité résolument « polytechnique ». La vie et l’oeuvre de Lebel n’ont toutefois cessé de se déplier au-delà.

Durant toute sa durée, l’exposition est relayée par une programmation filmique au Cinéma du Musée, ainsi que par des séances de projections-débats en Cinéma 2 les 6, 13 et 20 juin. Une soirée d’étude en présence de l’artiste, avec Danièle Cohn, Paolo Fabbri et Philippe Dagen, aura lieu en Petite salle le 27 juin.






Parcours de l’exposition :

1. Lebel peinture
Né en 1936, Jean-Jacques Lebel est le fils de Robert Lebel, critique d’art et expert en tableaux anciens, proche des surréalistes et auteur de la première monographie consacrée à Marcel Duchamp. À New-York, où il passe les années de guerre, puis à Paris, Lebel fréquente assidûment André Breton, Max Ernst, Man Ray, Meret Oppenheim et Benjamin Péret. Il vit entouré d’artistes de la constellation dada et surréaliste qui l’encouragent dans la voie artistique, où il s’engage en autodidacte. Lebel s’essaie alors au dessin automatique et pratique une peinture gestuelle fortement marquée par sa passion pour le jazz et par l’expérimentation des psychotropes. En 1960, anarchiste rétif à toute discipline, Lebel provoque son exclusion du groupe surréaliste. Il se rapproche de l’esprit dada, alors résurgent, et s’adonne au collage et à l’assemblage.

2. Lebel activiste
Jean-Jacques Lebel réfute avec vigueur l’étiquette d’« artiste engagé », trop évocatrice selon lui de l’asservissement à un parti. Devenu anarchiste libertaire grâce à sa fréquentation assidue de Benjamin Péret, adepte de la pensée critique de Nietzsche, Jean-Jacques Lebel déploie à travers son oeuvre un activisme épousant résolument les grands combats de son temps. Cet activisme s’exprime à travers différents médiums ; des publications, à l’instar de Front unique qu’il publie à partir de 1955 ; de grandes oeuvres picturales de dissidence, comme le Grand tableau antifasciste collectif ; des manifestations aux formats rhizomiques, comme l’« Anti-Procès », conçu avec Alain Jouffroy ; des happenings destructeurs d’idoles, organisés en Europe à partir de 1960. A travers ces différents types d’action, Lebel souhaite inciter le « regardeur » à « participer à l’insurrection de l’art et [à] cesser d’être un voyeur, un témoin passif, un consommateur résigné ».

3. Lebel happening
Jean-Jacques Lebel est à l’origine des premiers happenings organisés en Europe. Proche d’Allan Kaprow, inventeur du happening en 1959, Lebel assiste et participe à New York aux premières occurrences publiques de cette nouvelle forme d’art, à laquelle il contribue de façon décisive par sa fine connaissance d’Antonin Artaud, penseur essentiel pour de nombreux artistes en rupture de cette génération. Nombre des happenings conçus par Lebel se distinguent par leurs références philosophiques et littéraires, empruntées notamment à Friedrich Nietzsche ou au Marquis de Sade, convoquées dans des actions violant ostensiblement les normes esthétiques et morales. Cette célébration d’une « puissance vitale » débordante vaut à Lebel moult ennuis avec les forces de l’ordre. Ces happenings sont pour la plupart réalisés dans le cadre international des Festivals de la Libre Expression, fondés par Lebel, qui lui permettent à de faire découvrir l’oeuvre d’artistes majeurs de divers horizons.

4. Vénus militantes
Entre 1963 et 1964, Jean-Jacques Lebel consacre une série d’oeuvres à Christine Keeler (1942-2017), principale protagoniste de « l’affaire Profumo », scandale d’État révélateur des contradictions ébranlant la société britannique durant les « Swinging sixties ». Mêlant politique, sexe et espionnage, « l’affaire Profumo » naît de la liaison, en 1961, entre John Profumo, secrétaire d’État à la Guerre de sa Gracieuse Majesté, et Christine Keeler, call girl fréquentant au même moment un officier du KGB en poste à Londres. En 1963, ces liaisons simultanées sont rendues publiques, provoquant la démission du ministre et la chute du gouvernement conservateur d’Harold Macmillan. Lebel s’empare de cette révélation à travers une série mêlant collages et assemblages. Christine Keeler, que rencontre Lebel, incarne pour lui une « Vénus militante à la Félicien Rops », objet de désir et symbole de transgression sociale.