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“Daphné Le Sergent” Géopolitique de l’oubli
au Jeu de Paume, Paris

du 5 juin au 23 septembre 2018



www.jeudepaume.org

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 4 juin 2018.

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Daphné Le Sergent, Projet Géopolitique de l’oubli, 2018, image d’atelier. © Daphné Nan Le Sergent.

 


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Interview de Daphné Le Sergent,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 4 juin 2018, durée 10'16". © FranceFineArt.
(à gauche Agnès Violeau, à droite Daphné Le Sergent)

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire : Agnès Violeau



dans le cadre de la programmation Satellite 11, NOVLANGUE_
(co-production le Jeu de Paume, le CAPC - musée d'art contemporain de Bordeaux et le musée Amparo, Puebla - Mexique)

Née en 1975 à Séoul (Corée du Sud), Daphné Le Sergent vit et travaille à Paris. Issue d’une double culture, elle mène ses recherches autour des notions de schize et de déterritorialisation. Activant différents systèmes de montage et de démontage, de cut-up ou d’effacement, son travail interroge la construction de l’identité en proposant une analyse du paysage frontalier comme phénomène de perception, assimilable à un écran. Ce travail l’a conduite à réfléchir sur la question de l’agencement et du dispositif dans la création artistique contemporaine. Fragments de texte, dessins partitionnés, diptyques photographiques et séquences vidéo interrogent les lignes de subjectivités qui traversent l’image et agrègent les éléments les uns aux autres.

Invitée dans le cadre de la programmation Satellite 11, intitulée « NOVLANGUE_ », Daphné Le Sergent présente le second mouvement du cycle, « Géopolitique de l’oubli », qui interroge la classe C du vocabulaire imaginé par George Orwell dans 1984, le langage technique, à l’heure du data déluge.

À travers « Géopolitique de l’oubli », l’artiste s’intéresse à l’industrialisation et à l’externalisation de la mémoire à l’ère du post-digital, imaginant deux communautés rétrofuturistes fictives, les Sum et les May, où l’alphabet a été mis en place pour libérer la mémoire humaine de la complexité du code de l’écriture-image, fondée sur les glyphes, pictogrammes ou idéogrammes. L’artiste explore l’archivage numérique à partir de deux formes distinctes d’écriture : d’une part, l’écriture cunéiforme, apparue plus de 3 000 av. J.-C., inventée pour mémoriser la dette et exploiter les données relatives à cette transaction. C’est sur ce modèle que nous concevons aujourd’hui la mémoire, en préservant l’information dans nos data centers. D’autre part, l’écriture maya (VIe-IXe siècles) qui, quant à elle, consignait les mouvements des astres à destination des générations futures. L’écriture n’était ici pas pensée comme capitalisation d’une chose passée, mais pour sa capacité prédictoire. À l’heure d’une pratique neuve de l’écriture née de l’écran, d’interactions nouvelles entre l’œil et la main, d’une communication par photographies, gifs ou emojis reposant sur l’image et sa stylisation, sur des modèles et samples d’animations, quels comportements sont générés par ce langage ? Des gestes découlent de ce traitement de l’information, comme archiver, éditer, rassembler, copier, fusionner.

Grâce à l’externalisation de la mémoire – le cloud – et sa capacité de stockage infinie, cette nouvelle Babel formée par les Sum et les May décide de se lancer dans la quête d’une langue universelle. Chacun s’inspire alors des deux modalités d’écriture pour transformer les images en proto-écriture, par compression graphique, dans le but d’y consigner leur Histoire : les May font appel aux calques et à la linéarité de l’eye-tracking, une trajectoire de lecture proposée à l’œil face à l’image virtuelle ; les Sum se tournent vers les « objets émotionnels », objets de communication non verbale imaginés pour scénariser les affects de l’internaute, créant une nouvelle rhétorique.

« Géopolitique de l’oubli » met en scène une battle de signes. « Dès qu’elle est proférée, la langue entre au service d’un pouvoir », souligne Roland Barthes. Si le novlangue cherche à restreindre la pensée en limitant les mots, l’image numérique se présente elle aussi au sein d’un large spectre de synthétisations, transformant le sensible en une simple valeur que l’on peut provoquer. William Burroughs voyait dans la technique du cutup un possible « lâcher-prise de la conscience ». Ces outils et ces signes du post-digital semblent nous inviter à écrire notre propre archéologie du savoir.

Dans ale cadre de la co-production de l'exposition, "Géopolitique de l’oubli" est également à voir au CAPC - musée d'art contemporain de Bordeaux du 17 mai au 30 septembre 2018 et au Musée Amparo, Puebla, Mexique du 8 décembre 2018 au 21 janvier 2019.