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“Bouchra Khalili” Blackboard
au Jeu de Paume, Paris

du 5 juin au 23 septembre 2018



www.jeudepaume.org

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 4 juin 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Bouchra Khalili, The Tempest Society, 2017. Vidéo. Courtesy Bouchra Khalili et Galerie Polaris, Paris. © Bouchra Khalili / ADAGP, Paris, 2018.
2/  Bouchra Khalili, Wet Feet: Lost Boats. Fig. 2s, 2012. Série de photographies, c-print. Courtesy Bouchra Khalili et Galerie Polaris, Paris. © Bouchra Khalili / ADAGP, Paris, 2018.

 


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Interview de Bouchra Khalili et de Marta Gili - directrice du Jeu de Paume,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 4 juin 2018, durée 13'51". © FranceFineArt.
(à gauche Bouchra Khalili, à droite Marta Gili)

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires : Juan Antonio Álvarez Reyes, Marta Gili et Bouchra Khalili



Le Jeu de Paume consacre une importante exposition à l’artiste franco-marocaine Bouchra Khalili (née à Casablanca en 1975). Le travail de l’artiste en film et installation vidéo, photographie et sérigraphie, s’organise autour de plateformes mises en oeuvre par l'artiste depuis lesquelles des membres de minorités performent leurs stratégies de résistances face à l’arbitraire du pouvoir.

À travers ses propositions artistiques, Bouchra Khalili articule récits singuliers et histoire collective interrogeant les relations complexes entre subjectivité et prises de positions civiques pour penser une communauté à venir. « Blackboard », son exposition personnelle au Jeu de Paume réunit, pour la première fois en France, une sélection d’oeuvres de ces dix dernières années.

Au fil de l’exposition sont présentées The Seaman (2012), récit d’un marin philippin méditant sur les mécanismes du commerce mondialisé depuis sa perspective de travailleur en perpétuel exil, The Mapping Journey Project (2008-2011) et The Constellations Series (2011), cartographie alternative de huit voyages forcés en Méditerranée, The Speeches Series (2012-2013), trilogie de vidéos – Mother Tongue, Words on Streets et Living Labour –, faisant dialoguer différentes formes d'appartenance : communauté linguistique, citoyenne et identification à la classe ouvrière.

À travers le corpus Foreign Office, composé d’un film, d’une série de photographie et d’une image en sérigraphie, Khalili revient sur la décennie 1962-1972, pendant laquelle Alger a accueilli des mouvements de libération d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine, des États-Unis ainsi que des organisations antifascistes européennes, questionnant les modalités narratives et visuelles d'une transmission d’une histoire des utopies.

La série de photographies Wet Feet réalisée en 2012 à Miami s’attache aux traces laissées par les déplacements des exilé·e·s qui ont réussi à gagner l’Amérique par la Floride. Présentée pour la première fois à la documenta 14, The Tempest Society est une oeuvre clé dans le travail de l’artiste en ce qu'elle propose la synthèse d'une réflexion entamée de longue date autour de la question de l'égalité radicale et de l'art comme espace civique.

Le nouveau film de l’artiste, Twenty-Two Hours, sera présenté pour la première fois en France au Jeu de Paume. Il revient sur l’engagement de Jean Genet auprès des Black Panthers et sur la relation essentielle que l'écrivain n'a cessé de tisser dans les vingt dernières années de sa vie, entre poésie, émancipation collective et solidarité envers les proscrits et les « ennemis déclaré·e·s » de l'ordre social.

Élevée entre la France et le Maroc, Bouchra Khalili est basée à Berlin, et est professeur d’Art Contemporain à la Oslo National Art Academy. Elle a étudié le cinéma à la Sorbonne Nouvelle et est diplômée de l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy. Elle est cofondatrice, avec l’artiste Yto Barrada, de la Cinémathèque de Tanger, inaugurée en 2006.

Son travail a fait l’objet de nombreuses expositions personnelles, notamment à la Secession, Vienne (2018), au Wexner Center for the Arts, Columbus (2017), au MoMA, New York (2016), au Palais de Tokyo, Paris (2015), au MACBA, Barcelone (2015), au PAMM, Miami (2013-2014), au Van Abbemuseum, Eindhoven (2013), et à la DAAD Galerie, Berlin (2013), parmi d’autres.

L’artiste a également été présentée dans plusieurs événements artistiques internationaux : la documenta 14 d’Athènes et de Cassel (2017), la Triennale de Milan (2017), la 8e Biennale de Göteborg (2015), l’Exposition internationale de la 55e Biennale de Venise (2013), la Triennale, Palais de Tokyo, Paris (2012), la 18e Biennale de Sydney (2012) ou encore la 10e Biennale de Sharjah (2011).

Bouchra Khalili est nominée cette année pour le Guggenheim’s Hugo Boss Prize et l’Artes Mundi Prize. En 2017, elle a reçu l’Ibsen Award, la plus importante distinction norvégienne pour le spectacle vivant et la performance. Actuellement, elle est artiste invitée au Harvard’s Radcliffe Institute for Advanced Study ainsi qu’au Harvard’s Film Study Center. Précédemment, elle a été lauréate de l’Abraaj Group Art Prize (2014), du Sam Art Prize (2014), du DAAD Artists-in-Berlin Program (2012), du Vera List Center for Arts and Politics Fellowship (The New School, New York, 2011-2013), de la Villa Médicis Hors les Murs (2010), du Videobrasil Residency Award (2009), de la Bourse Image-Mouvement (CNAP, 2008) et du prix Louis Lumière (2005).






Présentation de l'exposition
par Juan Antonio Alvarez Reyes, Marta Gili et Bouchra Khalili, commissaires de l’exposition

Depuis une quinzaine d’années, Bouchra Khalili développe une oeuvre où film, installation, photographie et sérigraphie s’allient pour interroger les modalités contemporaines de résistances individuelles et collectives face à l’arbitraire du pouvoir.

L’exposition « Blackboard » emprunte son titre au dialogue que Jean-Luc Godard et Jean-Pierre Gorin, alors tous deux membres du groupe Dziga Vertov, ont eu avec des étudiants de l’université Yale en avril 1970. Invité à définir la pratique du groupe, Godard pointe du doigt le tableau noir de l’amphithéâtre qui accueille la rencontre et déclare : « Faire un film comme ce tableau noir, et rien de plus. La place du film est exactement là. Mais c’est à vous d’examiner ce tableau et d’en faire quelque chose. » Par la suite, le cinéaste reviendra à plusieurs reprises sur le « tableau noir », une oeuvre produite pour ceux dont les images manquent, qui peuvent ainsi s’en saisir et les partager.

Cette surface plane qui peut accueillir en creux les exclus du régime de la visibilité est le point de départ du travail de Bouchra Khalili, qui fait se rencontrer une pédagogie de l’image et le « cinéma de poésie » tel que l’a théorisé Pier Paolo Pasolini, source d’inspiration majeure de l’artiste. La prise de parole et son corollaire – le geste de la transmission – sont un acte fondateur de la plupart de ses travaux. La question « qui parle et à partir d’où ? » traverse les multiples récits de résistance au pouvoir colonial et à ses continuums, de lutte pour la survie, de renégociation des termes d’un corps politique propre.

C’est donc un collectif à la géographie vaste qui prend forme, où chaque participant aux projets de l’artiste s’approprie la proposition de Pier Paolo Pasolini d’une conception de l’oeuvre d’art comme poésie civile. Que ce soit par le biais des récits faits par ceux qui sont contraints de franchir illégalement les frontières (The Mapping Journey Project, 2008-2011), du pouvoir de la parole dans la constitution du sujet politique (The Speeches Series, 2012-2013), de la transmission de l’histoire des utopies internationalistes (Foreign Office, 2015) ou du passage de la scène théâtrale à la scène citoyenne (The Tempest Society, 2017).

Basée sur des écrits du poète Jean Genet et sa solidarité radicale en faveur des mouvements révolutionnaires, Twenty-Two Hours (2018), l’œuvre la plus récente de Khalili, réinterprète d’un point de vue contemporain le legs du poète en suggérant que c’est la poésie elle-même qui produit l’acte révolutionnaire.

Articulant histoire individuelle, histoire collective et transmission des utopies oubliées, l’exposition invite à une méditation sur la puissance émancipatrice de la parole. « Blackboard » se conçoit ainsi comme un espace où les protagonistes des oeuvres de l’artiste et les visiteurs de l’exposition peuvent se rencontrer, réactivant le geste du poète civil pasolinien.






Avant-propos
de Marta Gili, directrice du Jeu de Paume & commissaire de l'exposition

"On ne peut pas produire de l’art engagé, c’est l’art qui produit des engagements." Sony Labou Tansi, L’Autre Monde, écrits inédits

Dans le travail de Bouchra Khalili, le son et l’image sont indissociables. Toutefois, dans ce va-et-vient pasolinien entre l’image et le mot, ce sont les corps qui occupent le devant de la scène avec leurs récits, même quand ils n’apparaissent pas à l’écran. La transmission est donc un acte fondateur de la plupart des travaux de l’artiste. La question de déterminer qui parle et à partir d’où traverse indéfectiblement les multiples histoires de résistance au pouvoir colonisateur, de lutte pour l’émancipation et de renégociation des termes d’un corps politique propre.

Que ce soit par le biais des récits des individus contraints de franchir illégalement les frontières (The Mapping Journey Project, 2008-2011), de l’analyse du pouvoir des mots comme élément constructeur de citoyenneté (The Speeches Series, 2012-2013), de la réécriture de l’histoire des différents mouvements de libération africains entre 1962 et 1972 (Foreign Office, 2015) ou de la mise en scène d’un espace de réflexion citoyenne sur les thèmes de l’égalité, de la solidarité et de la citoyenneté (The Tempest Society, 2017), l’ensemble des travaux de Bouchra Khalili évoque de manière implacable la crise contemporaine de l’État-nation.

On peut considérer comme une prolongation et peut-être comme une synthèse des précédents travaux de l’artiste l’installation vidéo The Tempest Society, inspirée par le personnage du "poète civil" de Pier Paolo Pasolini. Le langage, le corps, le temps et l’histoire y sont réunis sous l’autorité critique et émancipatrice de la poésie. Basée sur certains écrits du poète Jean Genet et son profond engagement politique en faveur des mouvements solidaires et révolutionnaires au service de diverses causes dans le monde entier (depuis les Black Panthers jusqu’à la révolution palestinienne en passant par la résistance vietnamienne), l’oeuvre la plus récente de Khalili, Twenty-Two Hours (2018), réinterprète quant à elle d’un point de vue contemporain le legs du poète en suggérant que c’est la poésie elle-même qui produit l’acte révolutionnaire.