contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Metaphorai” Un choix dans la collection Contretype
au CRP/, Centre régional de la photographie Hauts-de-France, Douchy-les-Mines

du 9 juin au 19 août 2018



www.crp.photo

 

© Anne-Frédérique Fer, voyage presse, le 9 juin 2018.

2444_Metaphorai2444_Metaphorai2444_Metaphorai
Légendes de gauche à droite :
1/  Vicente DE MELLO, Silent city, Théâtre d’ombre, 2012. Photo 120 x 120 cm. Collection Contretype. © Vicente De Mello.
2/  Isabelle Hayeur, Photo Formes de monuments, Monuments aux hommes des carrières III, 2009. Photo 52 x 78 cm, Collection Contretype. © Isabelle Hayeur.
3/  Philippe Herbert, Bruxelles-Europe, 2002-2003. Photo 53 x 53 cm, Collection Contretype. © Philippe Herbert.

 


2444_Metaphorai audio
Interview de Muriel Enjalran,
commissaire de l'exposition et directrice du CRP - Centre régional de la photographie Hauts-de-France,

par Anne-Frédérique Fer, à Douchy-les-Mines, le 9 juin 2018, durée 14'03". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire d’exposition : Muriel Enjalran, directrice du CRP/



avec Isabelle Arthuis, Elina Brotherus, Vicente De Mello, JH Engström, Enikö Hangay, Isabelle Hayeur, Philippe Herbet, Angel Marcos, Alain Paiement, Sébastien Reuzé, Satoru Toma.

« Il faut réveiller les histoires qui dorment dans les rues et qui gisent quelquefois dans un simple nom, pliées dans ce dé à coudre comme les soieries de la fée. »1

Le CRP/ s’associe pour son exposition estivale à Contretype, centre pour la photographie contemporaine à Bruxelles pour co-construire un projet autour de leurs collections respectives, nées de l’activité de production et de résidence de ces deux structures.

À Douchy-les-Mines, le centre d’art présente une exposition autour du regard artistique et poétique que posent les artistes sur la Ville à partir d’un choix d’oeuvres de la collection de Contretype qui propose depuis 1997 un programme de résidences invitant des photographes venus du monde entier à se confronter à la capitale européenne. Il s’agit de redéployer leur recherche artistique à son contact et de produire des oeuvres qui forment aujourd’hui un ensemble exceptionnel d’images sur la Ville, éclairant ses identités multiples et mouvantes.

À Athènes, les transports en commun sont appelés «Metaphorai». L’on prend ainsi une «métaphore» pour se rendre au travail. La ville est en effet comme une langue avec sa syntaxe propre, ses figures de style, sa rhétorique « cheminatoire ». Les artistes présentés dans le cadre de l’exposition Metaphorai, à travers leurs oeuvres donnent naissance à des objets et des images qui documentent et restituent sa fonction narrative. Ils produisent alors autant de récits sur Bruxelles et révèlent sa dimension métaphorique et son pouvoir de métamorphose.

Hétérogène et mouvante, la ville est propice à toutes les métamorphoses. « La forme d’une ville change plus vite hélas que le coeur d’un mortel » nous dit Baudelaire dans ses Tableaux parisiens. L’objectif des photographes capte des fragments d’un espace urbain appelé à de perpétuelles modifications et catalyseur d’histoires et de légendes en attente d’être réactivées.

Alain Paiement indique explicitement dans son titre, qu’il dresse un état des lieux, avec la vue stéréoscopique d’une place monumentale dépliée comme un quadrilobe dans une composition en miroir. Cet artiste canadien premier résident de Contretype à travers ses photomontages numériques, reconstruit les espaces au moyen de quelques paramètres simples : la frontalité, le recto-verso, la symétrie et la récurrence de l’idée du double, ici associés pour Bruxelles à une démarche de promeneur. Il révèle à travers ce procédé, les strates d’histoires qui se superposent et coexistent recomposant un patrimoine hybride qui caractérise la Bruxelles contemporaine.

Vicente De Mello et ses images silencieuses explore le potentiel fictionnel de la nuit quand la ville dort et que seul dans sa chambre, il projette sur les murs des motifs et construit des théâtres d’ombres ; ces mises en scène nous font basculer dans l’onirisme et le fantastique, troublant notre perception et introduisant le doute et le trouble sur la présence des objets photographiés.

Enikö Hangay à travers ses séries photographiques se joue des échelles et compose à travers ses images, des visions de la Ville intimes et sensibles. Elle épure certains horizons urbains jusqu’à l’abstraction des lignes qui se muent soudain en portée musicale. Il s’agit de détourner et décontextualiser les signes urbains pour faire ressortir leur potentiel poétique.

C’est aux solitudes des femmes et des hommes des grandes villes que s’intéresse Angel Marcos. Il nous raconte dans ses tableaux photographiques rétro-éclairés d’impossibles rencontres comme ce passant à l’arrêt devant cette femme sur papier glacé qui cristallise la solitude de nos désirs.

Surgissent dans la ville des apparitions surprenantes comme celle d’un rhinocéros échappé du passé colonial de la Belgique. Isabelle Arthuis sur les traces d’un promeneur bruxellois, nous livre les images d’une Bruxelles culturelle et hétéroclite où se mêlent paysages, portraits et détails de peintures qui en entrant en résonance, activent une narration inédite sur la Ville et disent sa complexité.

Fantasmagorie urbaine ; un ciel immense et vide repousse la ligne des toits tout en bas du cadre ou laisse échapper une effusion de couleurs variées comme une pyrotechnie ; Elina Brotherus renversant les rapports d’échelle compose un horizon urbain nouveau.

Des points lumineux forment dans les nuages une constellation étrange, Sébastien Reuzé à travers ses objets photographiques, crée des ambiances colorées qui semblent se rapporter à une ville artificielle aux ciels irréels. Jouant sur le trouble numérique, il se plaît à proposer une errance virtuelle dans Bruxelles ouvrant des percées oniriques et contemplatives dans le réel, où un rien suffit à faire basculer le quotidien vers le fantastique.

Peu de présence humaine dans une ville pénétrée par la végétation où la frontière entre le monde rural et le monde urbain est diffuse ; pelouses et bouquets d’arbres chantent toutes les nuances du vert. Satoru Toma est imprégné par le souvenir des « akichi » (terrain vague) de son enfance plaçant le paysage au centre de ses travaux. A travers la marche et l’errance, il requalifie ses espaces à la marge qui ont échappé à la standardisation, les ré-énonce en les arpentant comme des espaces de liberté.

JH Engström se perd dans la Ville à la recherche d’espaces désertés. Dans ses images, les feuillages sont dissous jusqu’à la transparence dans une lumière ocrée et enveloppent des édifices abandonnés ; les ruines se dressent comme le fantôme d’une ville étrangère, inconnue. Les images sont les témoins d’histoires naufragées et nous renvoient à la confusion de nos sentiments face à l’évanescence des choses.

Silhouettes humaines estompées dans un camaïeu de gris et un treillis de losanges superposés, ou bustes de vieilles statuaires émergeant d’un chantier. Isabelle Hayeur par une technique de collage numérique, superpose les images et enclenche des histoires qui nous font nous interroger sur les relations de nos sociétés à leurs territoires, nous renvoyant à une mémoire fragmentée et parcellaire, notamment celle ici de l’histoire coloniale. Comme des fractures ou des cicatrices ouvertes dans la Ville sur des histoires en attente d’être résolues.
« Les récits des lieux sont des bricolages. Ils sont faits avec des débris de monde. »2

Clin d’oeil poétique, trompe l’oeil urbain proposé par Philippe Herbet avec l’image de ce bus pour touristes au coeur du quartier des affaires européennes de Bruxelles qui nous transporte dans un paysage de montagne. La nature surgit ainsi au coeur de la capitale au travers de cette peinture alpestre un peu naïve reproduite sur la carrosserie.

Cadrages et éclairages recréent ainsi une ville étrange, quasi désertée par ses habitants, enveloppée dans des lumières oniriques ou rendue à la sobriété du noir et blanc et à la rigueur géométrique des compositions. Les photos dessinent des itinéraires au fil des déambulations et des errances des photographes et témoignent de leur rencontre avec Bruxelles. Ils rendent la parole à la Ville et lui confèrent une profondeur en fabriquant des récits et en mettant à jour ses strates historiques. Ils débusquent le fantastique tapi dans ses décors familiers et quotidiens et par leurs gestes se constituent en archivistes de la Ville.

Les récits urbains qu’ils composent « l’affectent d’une profondeur inconnue à inventorier, ils l’ouvrent à des voyages. Ce sont les clés de la Ville ils donnent accès à ce qu’elle est, mythique »3

Muriel Enjalran, Commissaire d’exposition et directrice du CRP/


1 Michel de Certeau, Luce Giard, Pierre Mayol, L’Invention du Quotidien, II : Habiter, cuisiner, Collection Folio essai,Gallimard, 1994, p.203.
2 Ibid p. 163.
3 Ibid p. 202.