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“Jane Evelyn Atwood” Histoires de prostitution, Paris 1976 - 1979
à la Maison de la Photographie Robert Doisneau, Gentilly

du 25 janvier au 21 avril 2019



www.maisondoisneau.agglo-valdebievre.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Jane Evelyn Atwood, le 25 janvier 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Jane Evelyn Atwood, Série Rue des Lombards. © Jane Evelyn Atwood.
2/  Jane Evelyn Atwood, Série Pigalle People. © Jane Evelyn Atwood.

 


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Interview de Jane Evelyn Atwood,
par Anne-Frédérique Fer, à Gentilly, le 25 janvier 2019, durée 21'39". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissaire de l’exposition : Michaël Houlette, directeur de la Maison de la Photographie Robert Doisneau



Cela a commencé comme cela, en 1976, sans expérience et sans idées préconçues. Il y avait là sous ses yeux un monde inconnu et pourtant familier. Elle a eu envie de savoir et de connaître de près ces hommes, ces femmes ou ces transgenres qui vendaient leurs corps sur les trottoirs de la capitale.

En 1976, Jane Evelyn Atwood, pas encore photographe, habite depuis cinq années à Paris. Elle achète un premier « vrai » appareil et rencontre Blondine ainsi que les autres prostituées de la rue des Lombards, dans le quartier du futur Beaubourg. Quelques mois plus tard, elle croise Barbara, Miranda, Nouja ou Ingrid et tout ce peuple battant les pavés de Pigalle. Par bribes photographiques, elle entre progressivement dans la vie de ces personnages et dans l’univers de la prostitution. C’est dans la rue, dans les bars et les chambres de passes qu’elle écrit ses premières histoires en images, rendant compte d’un quotidien en marge. Sans le savoir, Jane Evelyn Atwood signe alors ses premiers reportages et débute une oeuvre magistrale et poignante, guidée par les rencontres et la nécessité de « capter la dignité humaine ».

Michaël Houlette





L’exposition Pigalle people a été présentée une première fois à Arles en 2018 et a été produite dans le cadre de l’édition 2018 des Rencontres de la photographie, Arles, France.

Exposition conçue à partir de la série Rue des Lombards réalisée entre 1976 et 1977 et la série Pigalle people réalisée entre 1978 et 1979.


Rue des Lombards

Au cours de l’année 1976, Jane Evelyn Atwood fait la connaissance de Blondine qui se prostitue au 19 rue des Lombards, une des rues « chaudes » de Paris. Elle se lie d’amitié (une amitié qui va durer jusqu'au décès de Blondine, en 2013) avec celle qui dès lors la guide dans un univers inconnu. Travaillant le jour à la Poste, Jane Evelyn passe pendant près d’un an toutes ces nuits en compagnie de Blondine et des autres femmes de l’immeuble.

« La nuit était devenue confortable pour moi et je me sentais décalée pendant le jour. J’étais introvertie et timide à l’époque, mais l’immeuble était devenu mon monde. Les femmes étaient extraordinaire… C'était comme si je me trouvais pour la première fois dans les coulisses, assez près pour toucher la magie. Blondine était la plus impressionnante : une poitrine qui donnait envie d'y plonger et un rire qui partait comme un grondement de tonnerre. J'ai voulu connaître les prostituées et la photographie devint un moyen d'y parvenir."


Pigalle people

C’est par l’intermédiaire de Blondine que Jane Evelyn rencontre Barbara, transgenre de Pigalle : « La relation avec les trans, n’était pas le même qu’avec Blondine et les prostituées de la rue des Lombards. Les trans étaient souvent droguées tandis que les prostituées, pas du tout et j’avais avec elles de vraies conversations.

Les relations entre elles m’ont semblé aussi très aléatoires, je n’ai pas ressenti la même solidarité qu’à la rue des Lombards, peut-être à cause de la complication que cela donne de vouloir être une femme dans un corps d’homme ».

« En photographiant Pigalle en 1978 et 1979, j’ai découvert un mélange de prostituées, de transgenres, de sans-logis, d’habituées du quartier, de petits commerçants vivant au-dessus de leurs boutiques et de touristes.

Barbara était grande, blonde et presque toujours bourrée. Elle fréquentait assidûment Chez Sylvain, un minuscule bar. Je la vois en fin de matinée dans un pyjama d’homme, pas rasée et voûtée, commandant un double Ricard pour le petit déjeuner. Plus tard, elle mettait sa perruque, minijupe et talons hauts. Chaque trans cultivait son personnage qui s’exprimait dans sa façon de s’habiller. Raymonde et Caline jouait dans un spectacle de cabaret. Miranda, c’était la beauté fatale, provocante. Nouja, c’était la féministe, l’intello, langue de vipère et humour cinglant. Ingrid était la STAR ».

« Environ deux semaines avant de se donner la mort, Ingrid m’avait laissée la photographier nue. C’est une photo qui est tellement étrange. La moitié du corps est celui d’une femme extrêmement belle, elle avait une belle chevelure rousse longue et ondulante, et l’autre moitié du corps montre un beau sexe d’homme. On dirait un photomontage, on ne pouvait pas croire quand on la voyait que c’était une seule et même personne.

Je me souviens que lorsque je lui ai demandé de poser nue pour moi, elle a d’abord refusé puis, des mois plus tard, elle m’a donné son accord. J’ai compris ensuite que cette photo résumait sa personne tout entière. Cette image dit le « pourquoi » d’Ingrid.

Au moment de son suicide, je photographiais les prostituées de Pigalle depuis plus d’un an. Avec sa mort, j’ai senti que j’avais bouclé la boucle des histoires de leurs vies. »