contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Jean Cotelle, 1646-1708” Des jardins et des dieux
au Château de Versailles - Grand Trianon, Versailles

du 12 juin au 16 septembre 2018



www.chateauversailles.fr

 

© Sylvain Silleran, voyage presse à Versailles, le 11 juin 2018.

2445_Jean-Cotelle2445_Jean-Cotelle2445_Jean-Cotelle
Légendes de gauche à droite :
1/  Jean II Cotelle 1648-1708, Vue de l'Etoile ou Montagne d'eau avec Alphée poursuivant Aréthuse. Vue avant restauration. Oeuvre mixte. Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon. © Château de Versailles, Dist. RMN / Jean-Marc Manaï.
2/  Jean II Cotelle 1648-1708, Vue de l’Orangerie et de la pièce d’eau des Suisses avec Vertumne et Pomone. Vue avant restauration. Art graphique. Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon. © Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Jean-Marc Manaï.
3/  Jean II Cotelle 1648-1708, Bosquet de la Colonnade. Vue avant restauration. Oeuvre mixte. Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon. © Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Jean-Marc Manaï.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Dans la longue galerie du Trianon, les fenêtres qui ouvrent la vue sur les jardins mettent en relation les toiles de Jean Cotelle avec leur sujet. L'extérieur dialogue avec l'intérieur, la verticalité des tableaux s'opposant à la vaste horizontalité du domaine. Les bosquets, bassins et fontaines peints sont des lieux hors du monde, un Olympe peuplé de dieux et de déesses. Car là où d'autres peintres placent quelques promeneurs, Cotelle, lui, met de la vie dans ses jardins : on y aime, on s'y poursuit, on se déchire et se pâme. Versailles devient le théâtre de passions supérieures dépassant la mesquinerie des intrigues humaines de cour.

Les jets d'eau verticaux s'élèvent très haut dans le ciel jusqu'à le toucher, affirmant ainsi la puissance royale par la connexion entre la terre et les cieux. La grande place accordée au ciel le place comme une réflection de la terre, faisant du jardin un au-delà céleste. Les dieux assis dans leurs trônes de nuages sont les mêmes qui batifolent au bord des bassins.

Il y a une certaine naïveté, quelque chose d'enfantin dans cette peinture. La candeur assumée rend la chose légère. Les amours et chérubins au regard espiègle et aux fesses rebondies sont sucrés sans être sirupeux. Les guerriers drapés de rouge s'élancent avec grâce, les nymphes se glissent hors de leurs voiles bleus comme des fleurs éclosant ; tous ces personnages dansent plus qu'ils ne se meuvent. Le désordre apparent des scènes contraste avec l'absolue symétrie du décor, la rigueur de l'architecture comme celle de l'agencement des arbres et buissons.

Dans Le départ d'Adonis pour la chasse, Jean Cotelle offre un tableau plus intimiste. Il montre une sensibilité pulpeuse, érotique. Les amants encore enlacés retardent le moment de leur séparation tandis que sur un nuage des angelots préparent le char d'Adonis. Le lit défait, les vêtements remis à la hâte ou prêts à retomber à nouveau ont un pouvoir de suggestion plein de douceur et de tendresse. Cette toile permet de saisir le style et l'expressivité du peintre, elle est comme une version agrandie des scènes se déroulant dans les jardins de Versailles, offrant par son échelle tous les détails qui constituent le langage de son approche de la mythologie. Mais ce sont les dessins à la plume et à l'encre qui permettent de saisir le mieux les bases sur lesquelles sa peinture est construite. Les mêmes Vénus et Adonis sont presque en apesanteur, le modelé de leurs corps est d'une délicatesse soyeuse, mêlant ardeur et mollesse. Ces étonnantes physionomies ont ceci de divin, d'héroïque, qu'elles réussissent à intégrer galbes et musculatures féminines ou viriles tout en exprimant la tendresse ronde de chérubins.

Plus épurées encore, des études pour tabatières, petites esquisses, révèlent par le trait et son économie la vision de Cotelle, son imaginaire. Les lignes dansantes composent un mouvement continu de la chevelure jusqu'au bout des doigts où s'est posé un oiseau. Les voiles transparents déshabillent plus qu'ils n'habillent, les bras s'arrondissent, les regards se cherchent puis se trouvent, entrainant une mère dans un élan vers l'enfant. A la fin, tout s'équilibre. Dame ou joueuse de luth se posent sans poids, comme débarrassées de la masse qui fait l'humain, pour entrer dans le domaine des dieux.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat de l’exposition : Béatrice Sarrazin, conservateur général au château de Versailles, en charge des peintures du XVIIe siècle
Scénographie : Scénografià : Nicolas Groult, Valentina Dodi




L’exposition Jean Cotelle, 1646-1708. Des jardins et des dieux est la première consacrée à ce peintre du XVIIe siècle, disparu des mémoires, et qu’il est temps de redécouvrir. L’ensemble de sa carrière sera présentée, avec en point d’orgue son oeuvre la plus illustre : la galerie qui porte son nom au Grand Trianon. Il y a représenté les plus beaux bosquets du premier jardin de Louis XIV, conçu par André Le Nôtre. Ces toiles constituent aujourd’hui une référence majeure dans la représentation des jardins à la française, et dans la connaissance des jardins de Versailles. Plus d’une centaine d’oeuvres seront exposées : peintures, dessins, gravures, miniatures et sculptures provenant de collections publiques et privées.


Jean Cotelle, le peintre des bosquets de Versailles

À partir de 1687, la décoration du Trianon de marbre, résidence de plaisance, retirée de la Cour, ouvre la voie à une nouvelle génération de peintres, pour laquelle priment la recherche de l’agrément et la représentation de la nature. L’un de ces artistes est Jean Cotelle. Très apprécié à son époque, il se voit confier l’essentiel de la décoration de la grande galerie, soit vingt et un tableaux probablement exécutés entre 1688 et 1691. Pour ce lieu, long de près de 53 mètres et rythmé par 16 grandes baies donnant sur les jardins, l’artiste opte pour des toiles de format vertical. Elles représentent chaque bosquet des jardins de Versailles agrémenté de personnages tirés de la mythologie ou des fables, disposés en deux registres (terrestre et céleste), et prenant modèle sur les paysages bucoliques du peintre bolonais l’Albane.

Ce cycle, complété par trois peintures de Jean-Baptiste Martin et d’Étienne Allegrain, constitue un ensemble unique, révélateur du goût de Louis XIV pour ses jardins. En écho à ces toiles, seront présentées quatorze gouaches commandées à l’artiste et représentant en miniature les mêmes scènes que les grands formats. De plus, des sculptures en plomb évoqueront le décor de certains bosquets disparus du jardin de Versailles, comme le bosquet du Labyrinthe, ou encore le bosquet des Dômes, largement détruit.


Jean Cotelle, une carrière riche

L’exposition abordera aussi l’ensemble de la carrière de l’artiste et toutes les autres facettes de son talent. Fils d’un décorateur et ornemaniste, Jean Cotelle se forme probablement chez le portraitiste Claude Lefèvre. Après un long séjour en Italie, il rentre à l’Académie royale de peinture et de sculpture en tant que miniaturiste.

Il est chargé d’illustrer les Campagnes de Louis XIV. Bénéficiant d’un certain renom, il est appelé par Monsieur, frère du Roi, pour décorer vers 1680 le cabinet des bijoux, aujourd’hui disparu, au château de Saint- Cloud. L’artiste est également de ceux qui reçoivent la commande d’un May pour Notre-Dame de Paris, Les Noces de Cana. En 1693, il quitte Paris pour Marseille où il devient directeur adjoint de l’Opéra et où il décore le plafond de l’Hôtel de Ville. Ses talents de décorateur le conduisent à participer aux décors éphémères pour l’entrée du duc de Bourgogne et du duc d’Anjou en Avignon. De retour à Paris en 1703, sa carrière semble alors plus discrète.


Des restaurations d’œuvres

Les 24 tableaux de la grande galerie dite des Cotelle constituent un témoignage précieux de l’état des jardins sous le règne de Louis XIV. Certaines de ces œuvres nécessitaient une restauration urgente. Cette opération a pu être menée grâce au concours de nombreux mécènes (la Société des Amis de Versailles et des mécènes particuliers), dans le cadre de la campagne Adoptez un tableau de la galerie des Cotelle lancée en 2013. Ainsi le public pourra découvrir, lors de l’exposition, ces chefs d’œuvre de la peinture du XVIIe siècle dans toute leur beauté retrouvée.

Un film diffusé dans l’exposition dévoilera aux visiteurs les coulisses de cette restauration de grande ampleur. Ils assisteront, au côté des restaurateurs, à la redécouverte de la fraîcheur des coloris des tableaux, en particulier pour les figures, et de la délicatesse du dessin des bosquets.


Un refleurissement inédit

De juin à septembre, le service des jardins de Trianon va refleurir les parterres du Grand Trianon, à l’image de l’un des tableaux de Jean Cotelle : Vue du Grand Trianon prise des parterres, avec Flore et Zéphyr. Replanté en miroir de ce tableau, le parterre reprendra en effet la gamme de couleurs qu’il décline : du rose, du rouge, du blanc, sur un fond vert affirmé.

Les premiers visiteurs de l’exposition pourront découvrir la floraison naissante. L’aspect et les couleurs des parterres évolueront jusqu’au mois de septembre, selon l’évolution des différentes espèces.


Un catalogue en co-édition château de Versailles / éditions Liénart, sous la direction de Béatrice Sarrazin, accompagne l’exposition.