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“Sabine Weiss” Les Villes, La Rue, L'autre
au Centre Pompidou, galerie de photographies, Paris

du 20 juin au 15 octobre 2018



www.centrepompidou.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse avec Sabine Weiss, le 18 juin 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Sabine Weiss, Paris, France, 1954. épreuve gélatino-argentique, 21 x 30,3 cm. Collection Centre Pompidou, Paris. © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Philippe Migeat/Dist. RMN-GP. © Sabine Weiss.
2/  Sabine Weiss, Manifestation, New York, Etats-Unis, 1955. épreuve gélatino-argentique, 24 x 30,5 cm. Collection Centre Pompidou, Paris. © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Philippe Migeat/Dist. RMN-GP. © Sabine Weiss.
3/  Sabine Weiss, Moscou, URSS, 1961. épreuve gélatino-argentique, 23,8 x 29 cm. Collection Centre Pompidou, Paris. © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Philippe Migeat/Dist. RMN-GP. © Sabine Weiss.

 


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Interview de Karolina Ziebinska-Lewandowska, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 18 juin 2018, durée 13'54". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Karolina Ziebinska-Lewandowska, Conservatrice, cabinet de la photographie, musée national d’art moderne
En collaboration avec Florian Ebner, chef du cabinet de la photographie
et Emmanuelle Etchecopar-Etchart, attachée de conservation




L’exposition présentée au public dans la Galerie de photographies rassemble près de quatre-vingts photographies vintage, pour la plupart inédites, de Sabine Weiss sur le thème de la rue et couvre les années de 1945 à 1960. Les photographies présentées sont issues d’un achat par le musée national d’art moderne et d’un don récent de la photographe, qui a souhaité confier un ensemble significatif de photographies au Centre Pompidou.

Sabine Weiss est aujourd’hui la dernière représentante du grand courant de la photographie dite humaniste. Ce courant, typiquement français, a souvent été à tort réduit à des images sentimentalistes. Les photographes humanistes français, pour la plupart réunis au sein de l’agence Rapho (Edouard Boubat, Robert Doisneau, Jeanine Niépce, Willy Ronis…) ont rendu compte de leur époque en adoptant une démarche d’observation sociologique et non critique. Sabine Weiss, comme ses collègues, s’intéresse au quotidien. Dans ces photographies, réalisées pour elle-même, dans les moments libres, elle pose un regard à la fois doux et compréhensif sur les habitants de sa ville. Sabine Weiss est à la recherche des beautés simples des moments suspendus, de repos ou de rêverie sans pour autant cacher la pauvreté du quotidien de l’Europe de l’après-guerre. Ses oeuvres sont pleines de lumière, de jeux d’ombres et de flous mais elles témoignent aussi et surtout d’un engagement de la photographe en faveur d’une réconciliation avec le réel. L’exposition propose de réactualiser le regard posé sur cette production, riche et variée, qui par bien des aspects dépasse le seul contexte de la photographie humaniste. Cette nouvelle lecture du travail de Sabine Weiss est rendue possible par la mise en regard de ses archives personnelles avec ses oeuvres et celles de quatre artistes contemporains – Viktoria Binschtok, Paul Graham, Lise Sarfati et Paola Yacoub – qui travaillent sur la thématique de la rue et de la ville contemporaines, avec des approches radicalement différentes, mais qui font écho à la démarche de la photographe.






Parcours de l’exposition

Introduction

Sabine Weiss publie son premier reportage photographique à vingt et un ans en 1945. Huit ans plus tard, elle participe à l’exposition « Post-War European Photography » au Museum of Modern Art de New York et rejoint l’agence Rapho. En 1954, l’Art Institute of Chicago lui consacre une exposition individuelle qui fera le tour des États-Unis. L’année suivante, en 1955, trois de ses photographies figurent dans l’exposition « The Family of Man » au MoMA à New York. Sabine Weiss est aujourd’hui la dernière représentante du grand courant de la photographie humaniste.
Au travers de cette exposition qui couvre la période 1945-1960, correspondant aux années confuses et précaires de l’après-guerre, le Centre Pompidou propose une nouvelle lecture des photographies de Sabine Weiss. Ce regard inédit sur son travail a pu se faire à partir de ses propres archives et révèle un oeuvre riche et varié, témoignage de sa spontanéité.
Les photographies de Sabine Weiss, issues d’un don et d’une acquisition récente, dialoguent avec les oeuvres de quatre artistes contemporains – Viktoria Binschtok, Paul Graham, Lise Sarfati et Paola Yacoub – travaillant sur la thématique de la rue et de la ville contemporaine. Leurs approches radicalement différentes permettent de poser un nouveau regard sur l’oeuvre de la photographe humaniste.

Villes de brume et de lumière
Les villes, et surtout Paris, brillent et scintillent dans l’objectif de Sabine Weiss. La photographe n’a peur ni des reflets tremblants, ni des flous, ni des brumes qui estompent les premiers plans. Elle incarne le courant de la photographie humaniste mais certaines recherches formelles sont aussi caractéristiques de la photographie dite « subjective ». Dans ses balades photographiques à travers la ville, Sabine Weiss se libère des contraintes techniques et produit des images surprenantes, où le vacarme de la cité semble avoir disparu. Ces moments de liberté, dans ce Paris apaisé, appareil photo en main, sont des moments de douceur.

La vie des villes
Durant presque vingt ans, Sabine Weiss photographie Paris, sa ville d’adoption. Elle aborde les citadins avec humilité et naturel, sensible aux scènes sans importance. Elle aime les sons et les couleurs de la vie urbaine, se plaît à sillonner les terrains vagues de la banlieue, peuplés d’enfants espiègles et joueurs. L’humain est au centre de ses photographies, sans jamais porter de jugement, d’analyse ou de regard critique. Ce travail personnel est presque entièrement dévolu au quotidien des gens, de toutes les origines sociales, dans les rues des villes.

Moscou
Sabine Weiss se rend à Moscou en 1961 pour photographier les Ballets russes. C’est l’époque de Nikita Khrouchtchev, en pleine guerre froide, mais la terreur stalinienne est déjà loin. La mission de Weiss – une commande du magazine Vogue – n’a rien de politique. La journée, elle déambule dans la ville et tombe par hasard sur une fête nationale. Elle y photographie les parades, typiques des régimes totalitaires, organisées pour démontrer l’unité du peuple. Elle s’attache également à montrer les scènes périphériques de la fête avec ses observateurs distanciés.

New York
Sabine Weiss se rend régulièrement à New York en compagnie de son mari américain, Hugh Weiss. Là-bas, elle noue rapidement des contacts professionnels et son travail est très bien reçu par la presse et diverses institutions. Lors de deux de ses voyages, en 1955 et 1962, elle photographie abondamment la ville, d’abord pour elle-même, puis en réponse à une commande du New York Times Magazine. Loin de la douceur des vues parisiennes, ces photographies, bouillonnantes, rapides, embrassent le mouvement de la mégapole. Le rythme de New York impose un autre regard.

Séquences
Dans les archives de Sabine Weiss, plusieurs scènes sont captées en séquences par la photographe. Ces séries de photographies peuvent présenter un aspect anecdotique, telle la scène à l’hippodrome ou bien s’approcher du sujet d’étude, comme la série des enfants dans le terrain vague. Cette méthode devance des démarches d’artistes contemporains.






[extrait catalogue de l'exposition]
Sabine Weiss. Les villes, la rue, l'autre. en coédition Éditions du Centre Pompidou / Xavier Barral
Avant-propos par Karolina Ziebinska-Lewandowska

La réception de la photographie humaniste en France est une histoire d’amour et de haine, tiraillée entre le profond enthousiasme du public et le mépris d’une critique progressiste. Souvent désignée comme « produit national », cette photographie humaniste a été défendue par certains comme une incarnation de l’esprit français, décriée par d’autres pour sa vision du monde trop simpliste. Accusée de faiblesse car non dialectique, sa réception est la dialectique même.

L’oeuvre de Sabine Weiss, figure majeure de ce courant, s’apprécie de longue date à l’aune de cette appartenance. Ses expositions individuelles, nombreuses vers la fin des années 1970, ont contribué à fixer cette identité, sinon à la figer. Elle gagne aujourd’hui à évoluer. Dans une récente monographie publiée à l’occasion de l’exposition au Jeu de Paume Tours, Virginie Chardin, commissaire de l’exposi­tion, a ainsi révélé un aspect jusqu’alors peu connu de la photographe : son travail professionnel, loin du canon de ses photographies iconiques. Le présent ouvrage s’attache quant à lui à revisiter le travail personnel de Sabine Weiss entre 1946 et 1964, années au cours desquelles la photographie humaniste a rencontré sa plus forte popularité et, par voie de conséquence, sa constitution en modèle. La proximité qu’entretient Sabine Weiss avec le mouvement est accentuée encore par son rattachement à l’agence Rapho, qui rassemblait la plupart des « humanistes » parisiens, les Robert Doisneau, Willy Ronis, Janine Niépce ou Jean Dieuzaide. Tous les éléments participant à l’originalité de ce courant se retrouvent peu ou prou dans l’ensemble d’images ici présenté. Sabine Weiss en porte les couleurs, l’esprit, à travers ses thèmes fétiches : le quotidien, les moments de joie simples, les enfants, les clochards, Paris et les quais de la Seine, les marchés aux puces, les cafés… La marque de la photographie humaniste s’y lit jusque dans la forme : un regard au plus proche du réel, mais un réel embelli par les jeux de lumière, le brouillard, les fumées, la neige.

La réserve exprimée par les intellectuels et critiques d’art vis-à-vis de la photographie humaniste n’était pas infondée. Trop souvent, en effet, cette photographie s’est vue caricaturée et sortie de son contexte, renvoyant l’image d’une France d’Épinal éloignée des préoccupations sociales et politiques du temps. Plusieurs photographies assimilées à ce courant sont devenues les icônes d’une imagerie parisienne aux allures de carte postale.