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“De l’Asie à la France libre” Joseph et Marie Hackin, archéologues et compagnons de la Libération
au Musée de l’Ordre de la Libération, Hôtel national des Invalides, Paris

du 15 juin au 16 septembre 2018



www.ordredelaliberation.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Vladimir Trouplin, le 19 juin 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Marie Hackin filmant Joseph à Begram en 1937. © Musée national des arts asiatiques – Guimet.
2/  Ria Hackin et Joseph Hackin (3e en partant de la gauche), extrait d’un album de photographies de voyages (Japon, Inde, Afghanistan). © Musée national des arts asiatiques – Guimet.
3/  Joseph Hackin, Georges-Marie Haardt et plusieurs membres de la Croisière Jaune au pied du grand Buddha de Bamiyan, 1931. © Fonds de dotation Peugeot pour la mémoire de l’histoire industrielle.

 


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Interview de Vladimir Trouplin,
conservateur du musée de l’Ordre de la Libération et co-commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 19 juin 2018, durée 15'31". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires de l’exposition
Vladimir Trouplin, conservateur du musée de l’Ordre de la Libération
Pierre Cambon, conservateur en chef des collections Corée, Pakistan et Afghanistan au musée national des arts asiatiques – Guimet
Vincent Giraudier, responsable du département de l’historial Charles de Gaulle au musée de l’Armée




L’exposition De l’Asie à la France libre. Joseph et Marie Hackin, archéologues et compagnons de la Libération, est organisée par le musée de l’Ordre de la Libération avec la collaboration exceptionnelle du musée national des arts asiatiques – Guimet et en partenariat avec le musée de l’Armée, du 15 juin au 16 septembre 2018. Elle retrace la vie de ce couple d’archéologues de renom, Joseph et Marie Hackin, qui furent parmi les premiers à rejoindre la France libre en 1940.


Joseph et Marie Hackin

Bras droit d’Émile Guimet, Joseph Hackin remplit de nombreuses missions en Asie et est détaché en qualité d’archéologue, en 1931-1932, à l’expédition Citroën Centre-Asie, dite la « Croisière Jaune ». Quant à sa femme, Marie Hackin, elle est à l’origine de la découverte, en 1937, du trésor de Begram. Leurs nombreuses campagnes en Afghanistan ont ainsi beaucoup apporté au monde archéologique que ce soit par leurs découvertes sur la rencontre des arts eurasiatiques entre la Chine, l’Inde et la Grèce ou par leurs recherches sur l’art oriental, bouddhique, sassanide et indien.

Archéologues engagés, ils refusent la défaite et se rallient au général de Gaulle dès juillet 1940. À Londres, ils se mettent activement au service de la France libre avant d’être envoyés pour une longue mission politique et diplomatique en Asie et en Orient. Mais, le couple n’y parviendra pas, puisque leur bateau est torpillé par un sous-marin allemand en février 1941, au large des îles Féroé. Joseph et Marie Hackin disparaissent dans le naufrage avec la quasi-totalité de l’équipage et des passagers. Ils sont faits, le 13 mai 1941, compagnons de la Libération à titre posthume.


L’exposition

Afin de faire connaître deux figures méconnues de la France libre, le musée de l’Ordre de la Libération a décidé de programmer une exposition temporaire consacrée à Joseph et Marie Hackin, qui furent aussi des personnalités importantes de l’archéologie et du monde des musées de l’entre-deux-guerres. L’objectif de cette exposition est de faire découvrir à un public non spécialiste l’engagement mais aussi la carrière de deux personnalités exceptionnelles. Cette exposition à forte teneur archéologique et d’histoire de l’art permettra ainsi de présenter au public une thématique assez inattendue au sein des Invalides – celle d’un pan de l’archéologie pionnière de la première moitié du XXe siècle – grâce à la coopération d’institutions muséales dont l’objet est a priori assez éloigné.

Ainsi, après la présentation biographique du couple compagnon de la Libération, le parcours muséographique revient sur leur travail archéologique. Le visiteur pourra ainsi admirer des pièces uniques comme le Bouddha de Païtava ou les ivoires du trésor de Begram, fruits des découvertes de Joseph et Marie Hackin. Le musée de l’Ordre de la Libération rend ainsi hommage aux archéologues et dévoile des extraits de prises de vues ethnographiques réalisées par Marie Hackin en Afghanistan.

Il n’est pas possible de parler du couple Hackin sans évoquer leur engagement dans la France libre ; ainsi, l’exposition s’attache à présenter les conditions de leur engagement précoce auprès du général de Gaulle et détaille les responsabilités qui leur incombent, à la direction des relations extérieures de la France libre pour Joseph, ou dans l’organisation du corps des volontaires françaises pour Marie.

Cette exposition biographique ouvrira ses portes le 15 juin 2018, à l’occasion des Journées nationales de l’Archéologie et coïncidera également avec la date anniversaire de l’appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle qui marque les débuts de la France libre.


Le parcours

L’exposition s’attache, dans un premier temps, à présenter la vie des époux Hackin et notamment le parcours de Joseph Hackin, avant sa rencontre avec Marie Parmentier. De vingt ans son aîné, il a déjà un parcours riche au moment de son mariage. Il a notamment servi au cours de la Grande Guerre et a été décoré de la Légion d’honneur et de la croix de guerre.

Mais il a, surtout, en tant qu’archéologue, une carrière impressionnante. Il a déjà fait plusieurs fouilles en Asie, dirigé plusieurs publications scientifiques, et est conservateur au musée Guimet qu’il s’emploie à moderniser.

Dès leur mariage, Joseph et Marie Hackin collaborent et réalisent de nombreuses fouilles en Asie. Ensemble, en l’espace de onze ans, ils effectuent quatre missions archéologiques, d’une durée cumulée de sept ans, principalement en Afghanistan.

Leur parcours est étroitement lié à l’ouverture à la France des fouilles sur le territoire afghan (à partir de 1922) et à l’histoire de la Délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA) dont Joseph est un des pionniers puis le directeur de 1934 à 1940.

Cette présentation offre également l’occasion de découvrir le contexte géopolitique de l’Afghanistan durant l’entre-deux-guerres au travers des troubles politiques de Kaboul en 1929 auxquels Marie et Joseph Hackin ont assisté ou encore au travers des conditions des missions archéologiques en Orient.

Tous deux grands savants, ils sont également des résistants de la première heure. Ils disparaissent d’ailleurs, en février 1941, au cours du voyage qui les conduit en Asie pour une mission diplomatique au service de la France libre. Joseph et Marie Hackin sont le seul exemple d’époux nommés compagnons de la Libération parmi les 1 038 titulaires de cette haute distinction. Cette marque de reconnaissance prestigieuse tient à la fois à leur ralliement immédiat, à leur rôle dans la France libre naissante mais sans doute aussi au caractère indissociable de leur couple dans la vie, dans le travail et jusque dans la mort.






Les premières campagnes archéologiques (1924-1930)
En 1924, Joseph Hackin réalise sa première mission en Orient et il y affirme son goût pour les expéditions archéologiques. D’abord à Kaboul, il part à Roui où il découvre des peintures portant des influences bouddhique et Sassanide (Iran), ce qui semble être la conséquence de la conquête de la Bactriane par les Sassanides. Il réalise ensuite sa première étude des Bouddhas géants de la vallée de Bamiyan avec Alfred Foucher (premier directeur de la DAFA) de septembre à novembre 1924. Enfin, il fouille à Païtava et y découvre, le 20 décembre un Buddha au grand miracle du IIIe ou IVe siècle avant de repartir pour la France en février 1925. En 1929, en dépit des avertissements et des dangers liés aux troubles politiques locaux, Joseph Hackin décide de repartir pour une seconde mission en Afghanistan, accompagné de sa jeune épouse, Marie, ainsi que de l’architecte Jean Carl. Durant cette expédition, ils sont témoins du soulèvement et de la prise de pouvoir de Nadir Shah à Kaboul où Joseph participe, tout comme Jean Carl, à la protection de la légation française, ce qui lui vaut d’être promu officier de la Légion d’honneur par décret du 19 mars 1930. Par la suite, il supervise la remise en ordre du musée de Kaboul avant de procéder à l’exploration des sites de Bamiyan et de Kakrak ce qui débouche en 1933, à la publication des Nouvelles recherches archéologiques à Bamiyan, avec la collaboration de Jean Carl.

La maison Franco-japonaise à tokyo (1930-1933)
En 1930, Joseph Hackin est nommé directeur de la maison franco-japonaise à Tokyo qu’il gagne avec Ria qui retourne en France en mars 1931. Elle rapporte ainsi les clichés de la mission 1929-1930 ainsi que les relevés et plans de Jean Carl. Détaché à la mission Citroën, Joseph quitte le Japon au début de l’année 1931 pour y revenir un an plus tard. En 1932, il assiste avec sa femme à des fouilles japonaises en Corée via Shanghai et Pékin. Au cours de son voyage, il fait de nouvelles acquisitions qu’il poursuit de retour à Tokyo. Il entre ainsi en possession de miroirs et peintures ainsi que d’ouvrages pour la bibliothèque du musée Guimet tandis que Ria rapporte, du Japon, une collection de petits jouets en bambou (conservés au musée de l’Homme). Joseph fait, à la fin de l’année 1932, une série de conférences sur l’art bouddhique, rassemblées dans L’œuvre de la Délégation archéologique française en Afghanistan (1922-1932). En 1933, il devient titulaire de la chaire d’art et d’archéologie de l’Inde à l’Ecole du Louvre.


La Croisière Jaune
La mission Citroën Centre-Asie ou « Croisière jaune » est une expédition, composée de deux groupes (Chine et Pamir) partant l’un de Chine et l’autre du Liban, qui doit relier la Méditerranée à la Chine en empruntant la route de la soie. En mai 1931, Joseph Hackin est détaché comme archéologue au groupe Pamir qu’il retrouve à Girishk (Afghanistan, entre Hérat et Kaboul). Il leur fait découvrir le site de Bamiyan puis mène la première des trois équipes de groupe Haardt reconnaître le route entre Srinagar et Misgar ( actuel Pakistan). Il accompagne cette expédition jusqu’à Pékin en février 1932. Les résultats scientifiques décevants sont dus aux difficultés politiques qui bouleversent la Chine (sécession du Sin Kiang, agression japonaise en Mandchourie) et à l’interdiction de procéder à des fouilles. Toutefois, Alexandre Iacovleff réalise de nombreuses prises de vue et copies tandis que Joseph Hackin réalise des achats pour Guimet et pour le Louvre (scythes, miroirs, fibules, etc.) avant de rejoindre Tokyo le 18 mars 1932.


Le site de Bamiyan et le Séistan afghan
Bamiyan, ancien centre d’échanges commerciaux, placé sur la route de la Soie, fut également un important centre d’enseignement bouddhique. Ville d’Afghanistan mentionnée dès le Ve siècle, elle possède des vestiges de l’art statuaire et d’architecture rupestre présentant de nombreuses fresques pouvant être reliées, stylistiquement, à celles du Turkestan chinois. La ville passe sous domination musulmane à partir du VIIIe siècle. S’il découvre le site de Bamiyan en 1924 et qu’il publie en 1928, avec André Godard, Les Antiquités bouddhiques de Bâmiyân, Joseph Hackin n’en fait l’exploration qu’en 1929 avec Ria et Jean Carl. Il y conduit également la mission Citroën en 1931 et y repasse en 1933 lors de son voyage du Japon pour la France. C’est à ce moment-là qu’il publie, avec Jean Carl, les Nouvelles recherches archéologiques à Bâmiyan avant de publier, en 1934, Le Site archéologique de Bamiyan. Guide du visiteur, en collaboration avec Ria. En 1934, Joseph Hackin obtient du ministre afghan, l’autorisation d’effectuer une première reconnaissance au Séistan (du 10 au 31 décembre 1934). Accompagnés de Jean Carl et Jacques Meunié, le couple Hackin mène, en 1936, des fouilles à Kunduz (Bactriane afghane). Ils mènent ensuite une seconde reconnaissance des sites islamiques et protohistoriques au Séistan où Joseph Hackin s’inspire directement des moyens techniques mis en oeuvre lors de la Croisière jaune (tracteur Laffly S15T autochenille).


Les fouilles de Begram
Toujours en 1936, après la reconnaissance au Séistan, la mission Hackin fouille à Shotorak (site archéologique du Gandhara situé dans la plaine de la Kapisa au pied de l’Hindou-Kouch) et initie le chantier de fouilles de Begram, à 60km au nord de Kaboul. En 1937, la mission ouvre les fouilles de Fondukistan (entre Kaboul et Bamiyan) puis celles de Begram de la mi-avril à la mi-juillet où deux chantiers sont ouverts ; le premier est confié à Jean Carl et le deuxième à Ria Hackin. Begram est l’ancienne capitale des rois bactriens au IIIe et IIe siècle avant notre ère. Sous le nom de Kapishi, elle devient la résidence d’été des rois de la dynastie Kouchane (Ier-IIIe siècle). Le « trésor de Begram », mis à jour par Ria Hackin, fut enfoui au IIIe siècle pour le protéger. La plupart des pièces découvertes (128 objets ou fragments) sont des verres, albâtres ou bronzes d’art gréco-romains et des ivoires indiens. Remises au musée de Kaboul, elles attestent de la rencontre des arts eurasiatiques entre la Chine, l’Inde et la Grèce mais l’explication de leur présence à Begram demeure mystérieuse. Après un retour en France en 1938, Ria et Joseph Hackin, toujours avec Jean Carl et Pierre Hamelin, reprennent en mai 1939 les fouilles à Begram confirmant les rencontres entre l’art indien chinois et hellénistique. C’est là que la déclaration de guerre de septembre 1939 surprend l’équipe de la mission Hackin qui poursuite cette dernière campagne de fouilles à Begram jusqu’au 3 juillet 1940.


Ria Hackin et l’intérêt pour le Vivant
« L’archéologie passe dans le grand public pour la science du passé, c’est-à-dire des choses mortes. Ceux qui ont eu le bonheur de faire des fouilles comprennent au contraire qu’elle exige une confrontation incessante entre le passé et le présent. Ainsi considérée, l’archéologie est profondément humaine. Si les oeuvres d’art répondent à ceux qui savent les interroger dans les musées, elles ne livrent pleinement leur secret qu’au moment où elles réapparaissent à la lumière dans le pays même qui les a vues naitre. Les gens et les choses du pays, le sol, le ciel, le climat créent une atmosphère qui facilite la compréhension de ce que les artistes et les penseurs d’autrefois ont voulu expliquer symboliquement » Joseph Hackin, L’Archéologie, science humaine, Le Mois, N°63 (1er mars au 1er avril 1936). En écho à cette citation et de son intérêt pour le vivant, Marie Hackin s’intéresse aux conditions de vie des populations locales. Elle récupère de nombreux objets appartenant aux Afghans, écrit un ouvrages sur les légendes et coutumes afghanes. Elle tourne de nombreux films grâce auxquels les visiteurs pourront comprendre les conditions de fouilles en Afghanistan à cette période de l’entre-deux-guerres.






L’engagement du couple dans la France libre

Dès mars 1940, Joseph Hackin est affecté auprès de la légation de France de Kaboul et est promu chef de bataillon. Après l’armistice, il adresse un message d’adhésion au général de Gaulle le 6 juillet 1940. Refusant un poste proposé par le gouvernement de Vichy, il rejoint, avec Ria, Londres dès la mi-octobre. Joseph Hackin s’engage alors dans les Forces françaises libres dès le 19 octobre et sa femme le 26 décembre 1940.

Affecté aux services civils de Carlton Gardens, Joseph Hackin est chargé du service des Affaires Étrangères, sous la direction de Pierre-Olivier Lapie qu’il remplace en novembre 1940. Il établit des contacts avec les groupes de Français libres, qui commencent à former, à travers le globe, les futurs comités de la France libre. Le commandant Hackin coordonne leurs efforts et leur donne informations et directives. En janvier 1941, il est nommé aux affaires politiques à la création de la conférence administrative, instance de délibération collective qui regroupe les services civils de la France libre et qui fait figure de « conseil des ministres ».

En novembre 1940, la France libre crée le corps féminin des volontaires françaises qui offre aux Françaises de toutes origines un statut militaire, à l’image du Women Military Service britannique. Marie Hackin fait partie des 29 premières volontaires et des trois à avoir obtenues le grade d’officier (sous-lieutenant), en raison de son bagage intellectuel. Elle participe à la mise sur pied et à l’encadrement du corps qui ne comprend alors que quelques dizaines de volontaires. Son passage à la caserne de Hill Street laisse le souvenir d’une femme officier humaine et souriante, attentive à la vie des volontaires. En 1941, après la destruction partielle par bombardement de la caserne, les volontaires féminines sont relogées à Moncorvo House dont un bâtiment annexe reçoit le nom de « caserne Marie Hackin » en hommage à la première volontaire féminine morte pour la France en février.

Joseph Hackin est chargé d’une mission diplomatique et politique en Inde, en Asie et au Moyen-Orient. Il doit également établir un rapport sur la situation dans les Établissements français de l’Inde, ralliés à la France libre le 9 septembre 1940 et créer un comité de la France libre à Calcutta.

Ria, qui avait demandé à rester avec son mari, embarque en qualité de secrétaire avec lui à Liverpool le 20 février 1941 sur le steamer Jonathan Holt. Le 24 février, au large des îles Féroé, leur convoi est attaqué et le Jonathan Holt torpillé par le sous-marin allemand U-97. Il sombre et tous deux disparaissent dans le naufrage avec la quasi-totalité de l’équipage et des passagers.