contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Encore un jour banane pour le poisson-rêve” article 2454
au Palais de Tokyo, Paris

du 22 juin au 9 septembre 2018



www.palaisdetokyo.com

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 21 juin 2018.

2454_poisson-reve2454_poisson-reve2454_poisson-reve
Légendes de gauche à droite :
1/  Ugo Rondinone, Vocabulary of Solitude, 2016. Courtesy de l’artiste. Crédit : Stefan Altenburger.
2/  Caroline Achaintre, Todo Custo, 2015. Courtesy de Arcade, Londres. Photo : Andy Keate.
3/  Petrit Halilaj, Vue de l’exposition « ABETARE (Fluturat) », kamel mennour, Paris, 2017 – 2018. © Petrit Halilaj. Courtesy de l’artiste et kamel mennour Paris/Londres.

 


2454_poisson-reve audio
Interview de Sandra Adam-Couralet et Yoann Gourmel, commissaires de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 21 juin 2018, durée 12'30". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires : Sandra Adam-Couralet et Yoann Gourmel
Commissaire associée : Kodama Kanazawa
Dramaturge : Clément Cogitore
Scénographe: Laure Pichat




Comment le sens de l’émerveillement, la capacité à inventer des mondes mais également les peurs et les angoisses enfantines se construisent et se déterminent-ils en fonction des contextes ?

L’exposition Encore un jour banane pour le poisson-rêve d’après le titre modifié d’une nouvelle de J.D. Salinger, tente d’y répondre en nous faisant voyager de territoires quotidiens et intimes à des mondes fantasmés, qui sont autant de fragments d’une identité en construction permanente.

Se rapprochant dans son principe et dans sa construction d’un conte, avec ses multiples niveaux de lecture s’adressant tantôt aux enfants, tantôt aux adultes, et avec ses nombreux rites de passage, l’exposition invite le visiteur « de 7 à 77 ans » à traverser diverses épreuves initiatiques, en se confrontant à l’étrange et à l’étranger.

L’exposition, conçue grâce au partenariat avec la Fondation Bettencourt Schueller, est imaginée avec la complicité de l’artiste et réalisateur Clément Cogitore. Dramaturge de l’exposition, il a imaginé un ensemble de salles, d’atmosphères, de scènes en collaboration avec des artisans d’art. Ceux-ci sont invités à être les véritables interprètes des intentions du metteur en scène, les matériaux et leur mise en oeuvre ayant été choisis pour la puissance émotionnelle qu’ils dégagent. à travers cette collaboration est ainsi à nouveau mis en lumière le travail des artisans d’art qui conjuguent savoir-faire et audace créatrice.

Conçue avec la commissaire d’exposition japonaise Kodama Kanazawa et co-organisée avec la Fondation du Japon, l’exposition, qui fait partie de la manifestation Japonismes 2018, sera l’occasion pour le visiteur d’apprécier les oeuvres d’une vingtaine d’artistes internationaux, dont six artistes japonais, et de découvrir une collaboration inédite avec le dessinateur de manga Yûichi Yokoyama.



L’exposition par les commissaires, Sandra Adam-Couralet et Yoann Gourmel :

Imaginée comme un récit initiatique, ouvert et digressif sur le mode des livres « dont vous êtes le héros », l’exposition « Encore un jour banane pour le poisson-rêve » d’après le titre modifié d’une nouvelle de J.D. Salinger s’adresse aux enfants sans âge que nous étions, que nous sommes, que nous serons devenus. En abordant la manière dont nos souvenirs, nos rêves et nos jeux d’enfants influent sur la construction de nos identités et de leurs représentations, il ne s’agit pas tant d’y considérer l’enfance comme un thème, un sujet d’étude ou un monde clos sur lui-même, que de proposer une traversée et une déconstruction des archétypes généralement associés aux imaginaires de l’enfance, de ses mythes fondateurs à ses transformations contemporaines, de ses stéréotypes aux conventions qui les façonnent, pour évoquer le monde contemporain et les représentations dominantes de la société des adultes.

De fait, si l’enfance sous-tend un espace et un temps spécifique, elle n’y est pas considérée comme une totalité poétique séparée du reste de l’existence, de l’histoire, du monde et de la réalité politique et sociale. A l’instar de Seymour, personnage principal de la nouvelle de Salinger1, perdu entre son désir de renouer avec une innocence perdue et son inadaptation face aux valeurs de la société américaine consumériste et conservatrice de la fin des années 1940, l’exposition oscille entre émerveillement de la pensée magique et désenchantement face à la réalité du monde, de ses règles et de ses normes.

Loin d’une vision édulcorée de l’enfance, les oeuvres de l’exposition explorent tout à la fois la fantaisie, l’ingénuité, le sens du jeu, de l’apprentissage et du merveilleux, mais aussi la face sombre et parfois cruelle ou perverse de l’enfance, des sentiments d’abandon et d’ennui à la capacité d’effroi, de colère et de terreur qui l’animent parfois. Comme l’enfant à la poursuite d’une construction de soi supposant le passage de certaines étapes, le visiteur, parti à son tour en quête d’aventures, se voit ainsi tantôt emmené dans des situations séduisantes et extraordinaires, tantôt confronté à de cruels destins du familier et de l’étrange. Sur le modèle du roman d’apprentissage, les oeuvres de l’exposition se déploient comme autant d’épreuves que le visiteur « héros » est invité à vivre. Entre évocation féérique et régime obscur de l’imaginaire, les artistes et les artisans d’art invités jouent des mythes enfantins pour nous rappeler l’effroi et la fascination du premier regard, tapis dans l’inconscient, sur les chemins du rêve et de la petite enfance. Mais l’aptitude au merveilleux si souvent liée à l’enfance se teinte aussi des échos de réalités diverses, selon les origines et les trajectoires.

Soit une exposition à travers l’enfance, comparable en ce sens à Alice traversant le miroir pour découvrir un monde aux règles inversées dans lequel des rituels de la vie familiale figés en pierre se mêlent à des épopées fantasmées sur ordinateur, où des visages géants en laine côtoient des poissons d’argent et des clowns perdus dans une introspection colorée, où les salles de classe deviennent les témoins des conflits du monde et les jeux d’enfants sont contaminés par les logiques de l’économie mondialisée...

Imbriqués dans un récit halluciné imaginé par l’artiste et réalisateur Clément Cogitore en collaboration avec des artisans d’art, les différents niveaux de lecture de ce voyage qui alternent territoires familiers et espaces rêvés dessinent autant de strates mouvantes d’une identité en permanente révolution, métaphore possible de l’enfance.

De digressions en portes dérobées, de la capacité à enchanter le monde aux normes qui permettent autant qu’elles contraignent cet enchantement, du principe de plaisir régi par la prévalence du monde imaginaire au principe de réalité régi par les contraintes de la vie quotidienne, les oeuvres réunies dans « Encore un jour banane pour le poisson rêve » offrent le miroir déformant de récits sur l’art et notre présent. Une exposition cousue d’enfant.

1. Un jour rêvé pour le poisson banane, publiée dans The New Yorker, 1948



L’exposition par la commissaire associée, Kodama Kanazawa :

Chacune de nos enfances est différente de celle des autres. Je suis née dans la banlieue de Tokyo dans les années 1970, et comme vous pouvez l’imaginer, mon enfance a été bien différente de celle de mon père, né dans le Nord du Japon, l’année suivant la fin de la guerre qui s’est soldée par la défaite du pays. Il n’existe pas un modèle d’enfance que nous partagerions tous. Nous vivons différentes expériences à divers moments, en des lieux divers à travers le monde. De plus, au-delà du fait que chaque enfance est multiple, les enfants sont multiples. Ils sont les fruits hybrides d’éléments biologiques, sociaux, culturels et historiques.

L’exposition est conçue comme une histoire, dans laquelle sont entrelacés des sentiments et des formes que l’on retrouve de manière récurrente dans les livres et les jeux pour enfants. Tout au long de cette structure, le visiteur découvrira une autre caractéristique des représentations composées d’images et de matières hétérogènes. Ces expressions de l’hybridité, conçues par des artistes dont le sens de la contemporanéité est aigu, représentent sans doute une métaphore de l’enfance à la fin des années 2010. Grâce à elles, les visiteurs goûtent à la richesse, à la fraîcheur et à la folie de grands mouvements que nous percevons souvent comme ordinaires. Si l’on admet qu’une enfance unique n’existe pas, alors on peut considérer l’enfance comme l’aspiration et le désir d’un temps et d’un espace où l’âme est sensible, la créativité inépuisable et la liberté d’imagination illimitée. Un tel potentiel émerge ici au Palais de Tokyo.



Clément Cogitore, dramaturge de l’exposition

« En intervenant en tant que dramaturge de l’exposition, mon rôle consiste à concevoir, en collaboration avec des artisans d’art, des espaces de fictions qui, reliés les uns aux autres par le spectateur, construiraient un récit dit " canonique " - base structurelle de toute forme de récit. Ces espaces, pensés sous forme de passages ou de portes, ponctuent le parcours de l’exposition à la manière des chapitres d’un livre et je confie chacun d’eux à un artisan d’art comme un auteur de théâtre ou de cinéma confie une page de texte à un acteur. Ici, comme dans tous les mythes fondateurs, une énigme sera posée, le monde physique se verra déréglé - parfois hanté  -, un monstre sera à affronter, des disparus à pleurer, et comme tous les personnages ayant traversé un tissu problématique, le spectateur en sortira transformé et, avec lui je l’espère, sa perception et son imaginaire. »

Clément Cogitore