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“Laura Henno” Rédemption
à la Commanderie Sainte-Luce, Les Rencontres de la photographie, Arles

du 2 juillet au 26 août 2018



www.rencontres-arles.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Laura Henno, le 3 juillet 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Laura Henno, Ethan, Slab city (USA), 2017. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la galerie Les Filles du Calvaire.
2/  Laura Henno, Koropa, film, 2016. Avec l’aimable autorisation de la Galerie Les filles du calvaire, Paris - Spectre productions.
3/  Laura Henno, Revon et Michael, Slab city (USA), 2017. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la galerie Les Filles du Calvaire.

 


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Interview de Laura Henno,
par Anne-Frédérique Fer, à Arles, le 3 juillet 2018, durée 20'17". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire de l’exposition : Michel Poivert.



Fidèle à son exploration d’une humanité déchue, dont elle révèle la capacité à incarner de grands récits, Laura Henno, dont les travaux ont notamment porté sur les migrants comoriens – son film Koropa sera présenté dans le cadre du Grand Arles Express au FRAC PACA à Marseille – s’est immergée dans la cité perdue de Slab City au coeur du désert de Californie. Emblème d’une Amérique réduite à un campement mythique de marginaux, on y purge une vie de pionniers dont les rêves se seraient transformés en cauchemars. Installée avec sa chambre photographique, vivant dans sa caravane deux mois durant en 2017, Laura Henno rencontre, observe, échange pour briser les clichés et découvrir des personnages qui, pour certains, n’abandonnent pas l’idée d’un au-delà à défaut d’envisager un avenir. N’hésitant pas à réaliser de véritable tributes aux photographes qui, depuis Dorothea Lange jusqu’à William Eggleston ont bâti l’imaginaire visuel du Sud, la photographe et cinéaste qui remportait en 2007 le Prix Découverte des Rencontres d’Arles, revient dix ans plus tard avec une oeuvre toujours plus précise dans ses partis pris formels et ses enjeux éthiques.

Exposition coproduite par les Rencontres d’Arles et la galerie Les Filles du Calvaire (Paris) et le Bleu du ciel (Lyon), en partenariat avec le FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur.





Un territoire à l’orée des mondes
En plein désert de Sonoran au Sud de la Californie, Slab City est une « ville » qui n’apparaît sur aucune carte. À l’origine la zone est occupée par une base militaire pendant la seconde guerre mondiale, pour être démantelée en 1956. Une poignée de soldats décidèrent de rester sur les ruines du camps, bientôt rejoints par quelques travailleurs venus pour les entreprises locales. C’est le début de ce lieu de campement qui accueille depuis plus de 50 ans les laissés pour compte, un lieu où ceux qui souhaitent disparaître de la société viennent trouver refuge. Sans eau ni électricité, insoumis aux taxes ou à une quelconque loi, les résidents de Slab City ont complètement tourné le dos au rêve américain en choisissant de vivre dans le dernier territoire libre des Etats-Unis. Aux 150 habitants permanents, les « slabers », se greffent l’hiver environ 2000 campeurs mobiles les « snowbirds », des retraités en caravaning de luxe, ainsi que des travellers de tout bord, venus chercher le soleil et un sentiment de liberté dans le désert. Slab City a des allures de no man’s land post apocalyptique isolé dans le désert, à la lisière des deux plus grandes bases d’entraînement militaire américaine actuelle. La vision surréaliste du campement se double du son des explosions et du survol par les avions de châsse continus, faisant de Slab City un espace où l’utopie se heurte à la violence. Ce campement révèle les fractures de la société américaine que je souhaite explorer au travers du parcours de vie de ses résidents mais aussi via les interactions qu’ils ont avec la populations locale des villes voisines.

Outremonde
Un semblant de vie communautaire et de réjouissances semble émerger de la tonalité grave et anarchique qui règne au prime abord. De ces parcours de vie presque à bout de souffle jailli un profond désir de liberté et de tranquillité. Le passé de chacun est laissé de côté pour vivre au jour le jour. C’est à la recherche aussi de ce passé, de ces histoires de vie singulières que je vais orienter mon projet. Ce sont aussi les rencontres inattendues qui vont m’amener sur des terrains inconnus, en ouvrant de nouvelles perspectives dans ma recherche photographique. Slab City peut souffrir d’une image dantesque et déchue, pour autant il s’agira d’écarter tout misérabilisme et pathos inhérent à ce type de situation, pour capter dans cette fragilité humaine des moments de grâce et de poésie. Mes images enveloppent mes modèles d’une douceur et d’une pudeur qui révèlent toute l’attention que je porte à leur situation. C’est avec cette même sensibilité que je vais porter mon regard sur Slab City pour réaliser des images qui restituent toute la grandeur de ces personnages. Quels que soient les sujets que j’aborde, je cherche à être au plus proche des personnes que je souhaite représenter en prenant le temps de les connaître et d’instaurer un climat de confiance. J’ai effectué un premier séjour en totale immersion pendant deux mois à Slab City en janvier et février 2017. J’y ai vécu dans une caravane agrémentée de panneaux solaire et d’une réserve d’eau pour être autonome : l’Ideal Trailer. En créant mon propre campement, je souhaitais moi-même me confronter à cette expérience de vie dans le désert pour mieux cerner l’impact que cette mise à l’écart du monde induit.

Un espace migratoire historique
Les populations mobiles bercent la culture nord-américaine, des pionniers aux hobos, les travailleur migrants qui se déplacent selon les saisons et les chantiers en cours, en passant par les beatniks et les okies, des fermiers du sud-ouest des États-Unis migrant vers la Californie dans les années 1930 en vue d’une vie meilleure. Ces okies et les travailleurs migrants ont été photographiés entre autres par Dorothea Lange pour la FSA pendant la Grande Dépression. Ils trouvent leur écho contemporain parmi la population de Slab City. Ainsi depuis son origine jusqu’à aujourd’hui, le campement reflète une histoire migratoire américaine que je veux explorer dans ses formes actuelles et au travers de ses représentations historiques. J’aime partir d’un territoire précis pour tenter d’en donner une lecture au travers de son histoire passée et récente, tout en convoquant différents modèles iconographiques qui en élargissent l’interprétation.




“Grand Arles Expres”
Le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur, Marseille
Laura Henno - Koropa

du 30 juin au 23 septembre 2018.

Ben est pilote et réparateur de kwassa-kwassa, bateau de pêche traditionnel des Comores, archipel de l’océan indien traversée par une frontière violente, héritée de la colonisation. Comme en Méditerranée, ils sont nombreux à tenter au péril de leur vie la traversée depuis Anjouan vers Mayotte, seule île aujourd’hui française de l’archipel. Pour échapper à la misère, Ben est passé de pêcheur à passeur. Dans cette entreprise de l’ombre, il tente tant bien que mal de conserver son éthique et de veiller sur la sécurité de ses passagers. C’est ce métier qu’il transmet au coeur de la nuit à Patron. Pour éviter les condamnations, Ben n’a pas d’autre choix que de faire de cet enfant un « commandant » puisqu’il est trop jeune pour aller en prison. Koropa met en scène ce rite de passage silencieux, cet apprentissage solennel, la transmission d’un savoir qui doit autant à la ruse qu’à l’art de piloter sur un océan hostile. Par sa forme brève et radicale, son espace abstrait, le film s’échappe de la forme documentaire pour dessiner un drame antique, où deux figures mutiques, celles du père et du fils, deux corps partagent un périple au seuil du pays des morts sur un océan peuplé de fantômes. Une traversée qui en rappelle beaucoup d’autres dans un monde où la mer se dresse comme une frontière en forme de tombeau.