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“Laurence Leblanc” Le souffle
à la FLAIR Galerie, Arles

du 30 juin au 12 septembre 2018



www.flairgalerie.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Laurence Leblanc, le 6 juillet 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Laurence Leblanc, Rithy, Chéa, Kim Sour et les autres N°2, Cambodge, 2001. Prise de vue argentique, tirage numérique, 35 X 35 cm. © Laurence Leblanc.
2/  Laurence Leblanc, Famous Mares N° 1, France, 2016. Prise de vue et tirage numérique 24 X 70 cm. © Laurence Leblanc.

 


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Interview de Laurence Leblanc,
par Anne-Frédérique Fer, à Arles, le 6 juillet 2018, durée 23'41". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

FLAIR Galerie présente du 30 juin au 12 septembre une exposition des photo­graphies de Laurence Leblanc. Lauréate du prix Niépce 2016, collectionnée très tôt par Marin Karmitz, son image iconique Chéa, a fait le tour du monde.

Elle s’est prêtée au jeu de FLAIR Galerie en sélectionnant dans son oeuvre une vingtaine de photographies liées au monde animal. On retrouve dans cette exposition la permanence de son regard qui relie et unit, comme un souffle.

L’objectif ouvert, à l’image de son état d’esprit, Laurence Leblanc voyage seule, en elle et au monde. Sans barrière, exposée, sans défense pour paraphraser Emmanuel Levinas. C’est ainsi que les liens se tissent, de visage à visage, de personne à quelqu’un, dans une relation qui existe, même fugace. Comme si dans chacune de ses images, un dispositif invisible de mise en présence véritable entre les hommes était mis en oeuvre. Véritable, c’est-à-dire sincère, que l’on ne trompe pas. On ne vole pas des regards, on ne tire rien de la couche visible du monde sans donner de soi. Cette exposition met en évidence ce paradigme du « nous » qui prévaut sur le « je ». Les photographies rendent ici toutes compte de cet axiome du lien et de la présence à l’autre dans une forme de parenté universelle.

De lien, il s’agit bien lorsque la photographe met en évidence, dans sa série « Famous Mares », le licol qui permet à l’homme de tenir un cheval. A l’origine de ce travail, une découverte. Au fin fond d’une médiathèque à Deauville, l’artiste tombe nez-à-nez avec un album photographique. Un exemplaire unique, rare, venu tout droit du Kentucky qui documente certaines juments célèbres, pleines. Elles sont toutes tenues par un lad. Qui pose ? Le cheval ? L’homme ? Le cheval et l’homme. De cette présentation formelle, officielle, quelque peu pompeuse car il s’agit bien dans cet album format carte postale de montrer la puissance et la gloire de ces animaux de compétition, elle choisit d’en écrire une nouvelle histoire. Elle photographie certaines images de cet album, les recadre, en retouche la chromie. Dans ce nouveau cadrage resserré (le visage, le licol, la tête de l’animal) se loge une symbolique implicite où le règne animal n’est plus dompté, où la condition sociale du lad est réinvestie, repensée, où la domination s’efface au profit du lien horizontal. Pour preuve, le licol est parfois gommé, effacé par le travail du temps sur ces photographies datant de 1927.

D’un document, Laurence Leblanc en tire une série artistique dans lequel son geste de photographe semble s’apparenter au montage cinématographique. Certaines figures sont en effet récurrentes, ici ou là un lad, de face ou de pro­fil, qui par le dispositif de monstration, disons plus simplement, l’accrochage, semble se retourner, bouger devant une caméra imaginaire. Sensible à l’état latent, Laurence Leblanc réussit par réinterprétation à animer un album photo, à le charger d’un souffle nouveau, d’une deuxième vie. Comment ici ne pas penser à la chronophotographie de Edward Muybridge mais à rebours, dans une recomposition du mouvement ?

Lisons enfin ses mots « Ce n’est plus l’homme qui domine le cheval, ni le cheval comme parangon d’une toute puissance. C’est un face à face ». Un face à face, un continuum entre deux enveloppes charnelles que l’on découvre dans une image prise au Cambodge au tournant des années 2000 qui illustre le sauvetage d’un buffle. Le buffle, emboué, aurait pu s’enfoncer jusqu’à disparaître sans l’aide des enfants. Cette image, composée comme un tableau, s’apparente aussi d’un point de vue formel à un bas relief de terre glaise où l’animal y tient un rôle sacré. Une main d’enfant est posée sur le corps de l’animal comme signe d’humanité. On ne sait d’ailleurs plus ce qui appartient au corps des enfants, ou aux membres du buffle. Et de ces entrelacs, se dessine une écriture photo­graphique sans doute née d’une incompréhension de la distance. Dans cette scène d’entraide, on devine qu’il faut sauver quelque chose dans le monde de Laurence Leblanc.

Ce qu’il faudrait sauver, garder, ce serait sans doute cette notion d’enlacement et de bienveillance, illustré avec force et dans la pierre dans Le baiser de Brancusi, variation sur le même thème d’une quarantaine de sculptures de deux êtres qui s’embrassent et s’entourent de leur amour réciproque. Ainsi de cette petite fille cambodgienne, assise sur un parapet tenant dans ses bras un chien et tout le poids du monde. Laurence Leblanc prolonge-t-elle par cette image le geste du sculpteur ? Il est permis de le penser tant ce motif est récurrent. On le retrouve dans l’image du petit enfant qui dans ses mains tient un oiseau prêt à s’envoler. Dans ce rite cambodgien saisi par Laurence Leblanc, l’oiseau, dressé ou attaché (dans tout ce que suggère la double définition du mot attaché) revient toujours dans les mains de l’enfant. Comme si de l’oiseau à l’enfant un fil invisible s’était avec le temps tendu.

Léa Chauvel-Levy, 2018