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“Magiques licornes” article 2480
au musée de Cluny, musée national du Moyen Âge, Paris

du 14 juillet 2018 au 25 février 2019



www.musee-moyenage.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 17 juillet 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Femme sauvage à la licorne, Tapisserie en laine avec soie et fils d’or, vers 1500-1510. Inv. 1926.40. © Historisches Museum Basel, M. Babey.
2/  Tenture de la Dame à la Licorne : la Vue. Tapisserie, vers 1500. Cl. 10836. © RMN-Grand Palais (musée de Cluny - musée national du Moyen-Âge) / M. Urtado.
3/  Livre d’heures dit de Yolande d’Aragon : « la Vierge Marie et la chasse à la licorne », Parchemin, vers 1460-1470, Ms 22 (Rés. ms 2). © Bibliothèque Méjanes, Aix-en-Provence.

 


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Interview de Béatrice de Chancel-Bardelot,
conservateur général au musée de Cluny et commissaire de l’exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 17 juillet 2018, durée 15'37". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Telle une relique dans un coffre de verre, une véritable corne de licorne accueille le visiteur. Cette haute colonne d'ivoire torsadée, vestige d'une créature géante, semble bien être la preuve que ce que racontent tous les manuscrits ouverts dans les vitrines sont de réels témoignages. Hélas! Il s'agit d'une dent de narval provenant du trésor de l'abbaye de Saint-Denis. La licorne que nous touchions presque s'éloigne déjà pour rejoindre ses terres mystérieuses.

L'animal fantastique est ancré dans la mythologie, accompagnant Adam et Eve au jardin d'Eden ou tirant en attelage le char de la déesse Diane. Sa portée symbolique en fait un élément intégré au récit biblique. Dans une tapisserie rhénane illustrant l'annonciation, l'ange Gabriel est un chasseur repoussant la licorne dans les bras de la Vierge assise dans un jardin.

Dans le roman courtois, un chevalier part à la conquête amoureuse d'une Dame à la licorne. Celle-ci symbolise en effet la pureté. Si sa corne a la vertu de purifier l'eau d'une fontaine ou d'un puits, par extension, la créature nous parle des pulsions humaines, de désir et de sauvagerie et donc inspire aux vertus de la tempérance voire de la chasteté. La femme belle et sauvage l'ayant apprivoisée est condamnée à demeurer seule malgré son immense pouvoir de séduction.

Prendre le temps de se replonger dans ces légendes, dans leurs sens et leurs symboliques permet de redécouvrir avec un œil plus ouvert la salle du musée consacrée à la tapisserie La Dame à la Licorne. La Demoiselle nous parait alors d'une blancheur virginale, cristalline, éclatante de solitude au milieu d'un univers riche et foisonnant au-dessus duquel elle s'élève. Elle explore ses cinq sens pour mieux s'en détacher, sa licorne l'emmenant hors du monde sensuel vers des plans divins.

Présente dans des récits de voyages en terres lointaines au milieu d'éléphants, de girafes ou de chameaux, la créature merveilleuse fait entrer le rêve dans la réalité, devient mirage. Le voyageur ivre de tant d'exotisme finirait presque par voir ce qu'il recherche avec une fièvre si intense. De mythes et légendes, la licorne descend sur terre pour errer tout au bord du monde, dans des espaces si éloignés que le réel s'y déforme pour se mêler aux songes.

Aujourd'hui aussi elle fait parte de notre mythologie devenue pop culture. Peluches, dessins animés et confiseries pour les enfants, Icône LGBT pour les plus grands, la pureté et la sensualité se confondent. Des costumes de ballet créés par Cocteau à l'ironie de Tomi Ungerer avec son affiche représentant une femme en bas et talons aiguille trayant une licorne blasée, la légende, bien que bousculée et réinventée continue de se transmettre.

Avec sa tapisserie oubli et mémoire de la dame à la licorne, Claude Rutault reprend les cinq tableaux de La Dame à la Licorne en en floutant le tracé progressivement. De silhouettes troubles, les images s'effacent petit à petit dans un halo de plus en plus faible jusqu'à n'être qu'une légère trace, presque une empreinte humide qui s'évapore. La licorne s'éloigne dans le temps et dans nos mémoires, retournant aux limbes d'où elle est venue.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat : Béatrice de Chancel-Bardelot, conservateur général au musée de Cluny



Mystérieuse, ambivalente… la licorne a dans l’histoire suscité bien des fantasmes.
Autour des années 1500, puis dans la période contemporaine, elle est l’objet d’un véritable engouement. Du 14 juillet 2018 au 25 février 2019, l’exposition « Magiques Licornes », présentée au musée de Cluny, musée national du Moyen Âge témoigne de la façon dont les artistes se sont emparés de cet animal légendaire, à travers ouvrages enluminés ou gravés, sculptures, tapisseries, mais aussi photographies et vidéos.

Les six tapisseries de La Dame à la licorne, chef d’oeuvre du musée de Cluny, constituent le coeur de cette présentation. Tissées vers 1500, au tournant du Moyen Âge et de la Renaissance, elles manifestent l’importance de la licorne à l’époque médiévale.

Créature « magique » - sa corne est réputée détecter les poisons et purifier les liquides – elle est également symbole de chasteté et d’innocence. Plusieurs manuscrits enluminés rappellent ainsi la tradition selon laquelle les licornes ne se laissent approcher que par de jeunes filles vierges.

Pour autant, d’autres représentations en font un animal puissant, agressif, voire malfaisant, sous l’influence entre autres de récits de voyageurs, qui affirment l’avoir aperçu en Orient. À la fin du Moyen Âge, villes, puissants seigneurs ou imprimeurs placent la licorne dans leurs armoiries, leur marque ou leurs emblèmes, sans doute pour témoigner de leur grande valeur.

En 1882, lorsque le musée de Cluny acquiert la tenture de La Dame à la licorne, celle-ci devient une inépuisable source d’inspiration. La beauté des figures féminines, le mystère des circonstances de sa création, la présence insistante de la végétation et d’animaux familiers, sauvages ou fantastiques retiennent l’attention.

Les artistes se l’approprient, comme l’attestent des oeuvres de Gustave Moreau ou de Le Corbusier. Jean Cocteau fait de La Dame à la licorne l’argument d’un ballet, dont des costumes sont présentés dans l’exposition.

Dans les oeuvres les plus contemporaines, la référence à la licorne peut se faire plus humoristique - dans un projet d’affiche de Tomi Ungerer notamment - ou parfois mélancolique, comme dans la vidéo de Maïder Fortuné. L’exposition se clôt sur un dernier hommage à La Dame à la licorne avec cinq tapisseries de Claude Rutault.

Le commissariat de l’exposition « Magiques Licornes » est assuré par Béatrice de Chancel-Bardelot, conservateur général au musée de Cluny. Autour de la tenture de La Dame à la licorne, de retour au musée après un prêt à l’Art Gallery of New South Wales de Sydney (Australie), des oeuvres médiévales et contemporaines proviennent d’institutions prestigieuses comme la Bibliothèque nationale de France, la Cité internationale de la tapisserie d’Aubusson, le musée de la Chasse et de la Nature, le Fonds national d’art contemporain ou le Mobilier national.