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“Rina Banerjee” article 2507
à la Galerie Nathalie Obadia - Cloître Saint-Merri, Paris

du 8 septembre au 27 octobre 2018



www.galerie-obadia.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition, le 10 septembre 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Rina Banerjee, Wedding thieves, they stole her away on that blessed day, full that was a day full of frills and ruffles, borders draped,- dragged, pinched to anchor, barefoot petticoat and chemise, shoulder pads and anklets, stole her from her family, waked her in mourning baked her if fires of ceremony, cooked in her in modernity, 2018. Techniques mixtes. 85 x 79 x 49 cm. Crédit photo : © Bertrand Huet / tutti image. Courtesy de l’artiste et Galerie Nathalie Obadia, Paris / Bruxelles.
2/  Rina Banerjee, Take my hand in marriage and matrimonial money with offers of dowry and grandiose public weddings, 2018. Techniques mixtes. 80 x 50 x 30 cm. Crédit photo : © Bertrand Huet / tutti image. Courtesy de l’artiste et Galerie Nathalie Obadia, Paris / Bruxelles.
3/  Rina Banerjee, Inheritance of females, this stranger is more a intruder of families than family, making our family as well, skillful as a decorated monkey and impervious to British Liberal thinkers, not like the ignorant “other people” inheritance must be reconsidered when she waits to be widow left behind not of daughter or not of son, 2018. Techniques mixtes. 97 x 58 x 27 cm. Crédit photo : © Bertrand Huet / tutti image. Courtesy de l’artiste et Galerie Nathalie Obadia, Paris / Bruxelles.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

L'œuvre de Rina Banerjee utilise autant la matière que les mots. La poésie des cartels a la légèreté shakespearienne de ces petites choses qui nous échappent au moment où nous pensons les saisir, nous entrainant plus profondément encore dans le terrier d'Alice. Ce monde floral aux couleurs chaudes évoque un parfum, un bouquet de fragrances se matérialisant soudain en une forme physique, charnelle. Le voile et la dentelle comme parures nuptiales sont des obligations de disponibilité. Le féminin se doit d'attirer le masculin et de s'y accoupler.

Il y a beaucoup de rouge, en éventail, en fils s'écoulant comme le sang des menstrues ou celui de l'enfantement. La maternité est triomphante, souffrante, potentiel inassouvi s'écoulant comme du sable entre les doigts. Elle est mère nourricière au corps incandescent, allaitant, les seins comme des coupes remplies de liquide bouillant, lave fumante et infernale.

Des fleurs dont les pétales sont faites de plumes donnent des fruits en grappes de flacons de médicaments ou d'ampoules. Des coquillages sont des matrices, utérus brillants de nacre auxquels s'opposent des cornes de verre, cornues d'alchimistes forçant un enfantement chimique de Frankenstein. La mère incomplète est déchirée entre la nature et l'artifice. Les plumes, l'os et la corne, le fil de coton se voient complétés par des perles et de la pacotille de bazar dans une confusion séductrice. Hérissées de piquants de porcs-épics et de cornes pointues, ces belles plantes demeurent redoutables.

La vie célébrée ici dans son chant et sa danse a la troublante beauté du mélange de la nature et de l'artificiel. Cette féminité a dévoré son maquillage. L'œuf blanc et pur prêt à éclore est tendu par l'immensité qu'il renferme. L'os sec et absurde n'est déjà plus rien. Si le potentiel de vie est indissociable de celui de mort, la fertilité n'a qu'un temps, bien vite elle se mue en stérilité. Les femmes-déesses se dépêchent d'enfanter, d'arroser leur enfant comme une plante, hâtant la croissance de leur corps malhabile. Elles sont assaillies de monstres et de démons mais continuent à offrir, nourrir, asperger le monde de graines et de nectar.

Les divinités peintes à l'aquarelle ont des peaux bleues et jaunes, de multiples bras. Elles s'ancrent dans la tradition hindoue puis rejoignent l'esthétique grunge par les motifs répétés, tamponnés, les superpositions, la couleur s'écoulant en taches liquides. Sur des squelettes de métal, les tissus multicolores forment un cœur géant, un organe déconstruit puis ré-assemblé. Un petit masque de bois posé dessus comme un oiseau nous regarde, à la fois locataire des lieux et étranger. La douceur de la tulle et de la gaze, la transparence acidulée de l'encre, toute cette tendresse qui attire comme une jolie fleur ou un plumage, révèlent à celui qui s'est trop approché des crocs acérés. Après la fête du mariage, l'apparat de strass et de cristal, la réalité devient toute autre. La jeune fille se dénude, enlève ses voiles, animal muant au printemps, et devient mère.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

La Galerie Nathalie Obadia présente Native Naked: Unworldly to others, the sweetness of her steel arrival, as bride to others coined worldly, no longer beast, now coiled in father-kinship’s sweep, her tendrils like tribes, her toe nails like seed dug deep in dry earth, leaking bloodlines, back curved to tow hard against current and cries, her wiry corners sting with salt and scent, blowing sacred conch with hot breath she could be stowed away wrapped in sharp oyster shells to reach shores where Empires broke, bottled her to go back and forth, la quatrième exposition individuelle de Rina Banerjee à la galerie de Paris.

Après avoir présenté un ensemble de six sculptures au Pavillon de l’Arsenal lors de la 57e Biennale de Venise Viva Arte Viva en 2017, Rina Banerjee bénéficiera cette année d’une rétrospective dans plusieurs musées américains. Après une première étape au Pennsylvania Academy of the Fine Arts en octobre 2018, l’exposition Make Me a Summary of the World voyagera ensuite au San Jose Museum of Art en Californie au printemps 2019 avant de poursuivre son itinérance aux États-Unis. À cette occasion, une monographie sera publiée par le Pennsylvania Academy of the Fine Arts et le San Jose Museum of Art.

Au sein de l’exposition à la galerie, Rina Banerjee utilise différentes techniques - oeuvres sur papier, peintures sur panneaux de bois et sculptures. Alors que certaines sculptures sont accrochées aux murs, d’autres sont dispersées à même le sol, debout ou encore posées dans l’espace de la galerie. Par la radicalité de ces choix, Rina Banerjee fait référence à la question du positionnement et de la localisation géographique. Ces sculptures faisant figure de trophées ornent les murs : l’artiste nous invite dans une chasse onirique entre formes animales et structures en acier.

Rina Banerjee use d’une grande variété de matériaux : plumes, graines, coquillages, perles de verre, gourdes, fils colorés, feuilles d’or et d’argent, minéraux, nids, cornes, filets, objets chinés, soie, coton, lin, fioles, bouteilles diverses. Ces différents objets viennent habiller les squelettes que sont ses structures métalliques.

Peintures sur panneaux de bois et aquarelles sur papier témoignent également des origines de l’artiste qui a quitté l’Inde en 1968. Rina Banerjee intègre au sein de ses oeuvres sa conception de la beauté, de la spiritualité, de la diaspora. L’artiste se refuse à traduire littéralement ses recherches. En explorant les thèmes de l’union, des pays, de la nation, de l’identité et de la souveraineté, l’artiste nourrit ses réflexions au profit d’une quête engagée de transformation et de renouveau. L’esthétique tranchée de ses figures exotiques, parfois grotesques et fantasmagoriques, rappelle les mythologies indiennes et universelles. Les titres de ses oeuvres métaphoriques, écrits comme des poèmes naïfs, évoquent un monde contemporain intranquille. L’exposition fait écho à une réalité abrupte, tout en jouissant de la stabilité héritée d’empires passés.

Suite à ses précédentes expositions à la galerie, Foreign Fruit en 2007 puis Human Traffic en 2015, Rina Banerjee contemple aujourd’hui les migrations globales plus intensément. Elle se concentre sur un thème particulier, le mariage, à travers son marché et son industrie.

«  Les côtés sombres et illégitimes des iniquités ne se lassent jamais de révéler une industrie de femmes à marier commandées par correspondace, femmes de réconfort, enfants mariées, violences liées à la dot... A travers l’Histoire, les cultures ont appréhendé le mariage comme une monnaie et l’industrie du mariage s’est développée selon la notion victorienne comme un échappatoire à l’oppression et assurant une mobilité sociale. La capacité à choisir judicieusement était une tâche exercée par les femmes pendant cette période coloniale, leur garantissant ainsi une mobilité en tant que gardiennes du pouvoir. Cette industrie matrimoniale demeure un carrefour culturel fécond, où des arguments provocateurs en faveur du mariage homosexuel et de la rencontre sur Internet nous permettent aujourd’hui de plus vastes choix. Alors qu’autrefois l’église ou le temple exerçaient ce rôle d’entremetteur de manière exclusive, les mariages civils nouvellement ordonnés ont ouvert par contrat une intersection entre les domaines publics et privés. Le passage des mariages en temps de guerre aux mariages mêlant différents groupes religieux ou ethniques ont créé des phénomènes de migrations et une mobilité entre les classes et les genres. » Rina Banerjee, 2018.

La sculpture Take my hand in marriage and matrimonial money with offers of dowry and grandiose public weddings, présente une main de femme offerte, couronnée et dorée. L’artiste pose la question de qui est offert, qui décide, qui donne la permission, et comment ces codes de représentation sont transgressés.

L’armature en acier que Rina Banerjee utilise pour assembler ses sculptures est laissée apparente dans l’oeuvre Wedding thieves, they stole her away on that blessed day, full that was a day full of frills and ruffles, borders draped, dragged, pinched to anchor, barefoot petticoat and chemise, shoulder pads and anklets, stole her from her family, waked her in mourning baked her if fires of ceremony, cooked in her in modernity. Elle est ici seulement couverte de tissu transparent, tandis que d’autres parties sont délicatement perlées, brodées de sequins, de fils colorés, de coquillages. « Les femmes sont traditionnellement habillées et décorées pour leurs mariages, à cause de la violence inhérente à l’échange et l’espoir de la promesse et du renouveau ».

L’artiste revient de façon récurrente sur les thèmes des vêtements de mariée ainsi que sur la représentation du corps de la femme habillée et déshabillée dans ses peintures et ses oeuvres sur papier. Le titre de l’exposition renvoie aux corps nus de ces femmes qui, issues de mouvements migratoires, sont en quête de leurs origines. L’artiste se demande alors ce que signifie être indigène. Entre l’inné et l’acquis, qu’est-ce qui définit nos origines ?