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“Madagascar” Arts de la Grande Île
au musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris

du 18 septembre 2018 au 1er janvier 2019



www.quaibranly.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 17 septembre 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Amulette, Ethnie : Sakalava (population), Pays : Ambato-Boeni, Continent : Afrique, N° inventaire  : 71.1929.1.61. Bois, métal, perles de verre, textile, matériaux organiques, 18 x 6,5 x 6,5 cm, 297 g. © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Thierry Ollivier, Michel Urtado.
2/  Bois de lit. © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Claude Germain.
3/  Eugène Joseph Bastard (1865 – 1910), Sans titre, [Portrait d'un Malgache vu de profil avec une pointe de lance], Vers 1898-1910. N° inventaire  : PV0057172. Positif au gélatino-bromure d’argent sous plaque de verre. Eugène Joseph Bastard © musée du quai Branly - Jacques Chirac.

 


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Interview de Aurélien Gaborit,
responsable de collections Afrique au musée du quai Branly – Jacques Chirac et commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 17 septembre 2018, durée 14'50". © FranceFineArt.com.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire : Aurélien Gaborit, responsable de collections Afrique au musée du quai Branly – Jacques Chirac



Pour la première fois depuis 1946, la France accueille une grande exposition consacrée aux arts de la Grande Ile.

Les publications sur le sujet sont nombreuses, souvent dédiées aux arts plastiques, mais elles n’abordent que rarement le sujet sous l’angle de l’histoire de l’art. L’exposition au musée du quai Branly - Jacques Chirac présente l’art de la Grande Île à travers près de 360 pièces sélectionnées pour leur intérêt historique, esthétique et ethnologique, depuis les époques anciennes jusqu’à la période contemporaine. Si l’art, l’histoire et la culture malgaches restent encore méconnus, cette exposition vise à les faire découvrir à travers des oeuvres et des documents, anciens ou contemporains, répartis en trois grandes sections.

La première section s’applique à replacer Madagascar dans l’espace et dans le temps. Cette très grande île située au large des côtes africaines orientales, est dotée d’un environnement exceptionnel. Si les Européens ne s’installent sur l’île qu’à partir de 1500, elle est depuis plusieurs siècles un carrefour d’influences des régions africaines, arabes, indiennes et d’Asie du sud-est (Austronésie). C’est ce que révèlent des objets archéologiques, des pièces évoquant des forces politiques et sacrées anciennes. De très nombreuses oeuvres du 19ème et 20ème siècle de l’exposition illustrent également la période de la constitution d’un royaume malgache et celle de la colonisation de l’île par les Français.

La deuxième section est consacrée à l’art du monde des vivants, et aux objets du quotidien. L’architecture, le mobilier, les ustensiles, les objets et effets personnels réalisés avec une grande économie de moyen se rapprochent des « formes utiles », concept fondateur du design. Néanmoins, chaque élément de la maison, chaque objet domestique ou personnel est soumis à la règle incontournable marquant la distinction entre des espaces sacrés et des espaces qui ne le sont pas. Le monde des vivants est véritablement régi par le zodiaque malgache, appelé le vintana.

La troisième section aborde le rapport entre les mondes invisibles et parallèles, et le monde des morts, qui marque profondément l’art de Madagascar. À travers les objets exposés, la frontière vers un monde intangible apparaît : le monde des esprits, celui des ancêtres, partout présents. Les croyances, le sacré sont matérialisés par des objets (plats rituels, textiles) impliqués dans les cérémonies qui unissent les vivants et les morts. A l’art des devins s’associent de très nombreuses réalisations (sculptures, amulettes et autres assemblages minutieux) dont l’aspect esthétique est indéniable et la fonction captivante. Le parcours s’achève avec la présentation d’oeuvres funéraires monumentales. Ces majestueux hommages aux ancêtres illustrent une vision de la mort singulière, non perçue comme une fin en soi, mais comme un autre voyage.

Chaque section de l’exposition présente des photographies, des documents graphiques (peintures, dessins) et des multimédias qui permettent d’évoquer le contexte historique ou les techniques de réalisation des oeuvres.

En rassemblant des témoignages très anciens, avec des pièces archéologiques, et très actuels, avec des oeuvres d’artistes vivants, l’exposition rend compte de l’histoire et de l’histoire de l’art de la Grande Ile sur près de dix siècles. Cette anthologie vise également à sortir d’un discours et d’une perspective coloniale, émaillée de jugement et d’apriori. Par le dynamisme des expressions actuelles et la force des oeuvres antérieures, les arts de Madagascar n’appartiennent pas au passé. A la croisée des mondes, ils ne peuvent être comparés à ce qui se fait ailleurs, se déploient sans contraintes de style ou de motifs et révèlent ici toute leur singularité.






Parcours de l’exposition :

1. Madagascar dans l’espace et dans le temps

Si Madagascar fut découverte par les Européens en 1500, son histoire, plus ancienne, commence avec l’établissement de populations venues d’Afrique et d’Austronésie. Les recherches récentes laissent supposer une occupation humaine dans le nord de l’île il y a plus de 4000 ans et au sud-ouest il y a 3000 ans. L’arrivée de populations austronésiennes se déroule entre le 5ème et le 8ème siècle, apportant le riz, l’igname et le cocotier ; les premières installations sur les côtes malgaches sont attestées au 9ème siècle. La période suivante, entre le 10ème et le 13ème siècle, est marquée à la fois par de nouvelles vagues de migrations et par un processus de sédentarisation jusqu’à l’intérieur de l’île. Venue d’Afrique de l’est et des Comores, la culture swahili, présente depuis le 8ème siècle, se développe principalement dans les régions du nord, à travers des comptoirs commerciaux et des petites colonies. Arrivées également du continent africain, les populations bantoues, qui pratiquent l’élevage des bovins et des caprins, provoquent des bouleversements environnementaux. Puis l’arrivée des marchands arabo-musulmans qui apportent avec eux céramiques chinoises et islamiques, et objets en verre venus de Perse, révèle l’insertion progressive de Madagascar dans les réseaux d’échanges internationaux.

2. Le monde des vivants
L’organisation de l’espace, que ce soit à l’échelle du cosmos ou de la vie quotidienne, est régie par le zodiaque malgache, le vintana. Les douze signes de ce zodiaque sont regroupés en quatre destins principaux, associés aux points cardinaux. L’orientation de toute construction, l’organisation de toutes activités et le déroulement des rituels sont soumis aux indications de l’astrologue mpanandro et du géomancien mpisikidy. Dans le village, c’est l’orientation nord-est qui détermine la disposition des maisons et la hiérarchie sociale. A partir de la maison du lignage fondateur, les constructions se répartissent vers le Sud-Ouest. Dans les demeures, les habitants et les objets ont une place déterminée en fonction du poteau central qui soutient la toiture et sépare symboliquement deux zones : le sacré au Nord, le profane au Sud. L’angle nord-est (celui de la direction du monde des ancêtres) est un lieu de prière. L’emplacement réservé au chef de famille, à l’autorité, se situe vers le mur oriental, également lié à la richesse et à la croissance. Ce qui est à l’Ouest et au Sud concerne les usages domestiques, tout ce qui est vulgaire, négligeable voire souillé et impur.

3. Le rapport entre les mondes invisibles et parallèles, et le monde des morts
Parallèlement au monde des vivants, des êtres immatériels – puissance suprême, ancêtres, esprits et forces naturelles – évoluent dans une autre dimension. Si le Dieu créateur est inaccessible aux prières et aux sollicitations des humains, les ancêtres, en tant qu’intermédiaires et surtout parce qu’ils peuvent régler un problème ou provoquer des désastres, sont honorés et omniprésents au quotidien. Leur influence est perceptible dans le monde profane : ils sont indispensables au domaine du sacré, qu’il s’agisse de cérémonies concernant un individu, de cultes impliquant toute la communauté ou de rites de guérison. De très nombreux objets personnels révèlent un lien au sacré et sont parfois aussi impliqués dans des cérémonies rituelles. Les textiles tissés habillent les vivants et enveloppent les morts ; les linceuls sont souvent plus précieux que les pagnes rectangulaires qui sont portés drapés par les habitants des villes et des villages. Au plus près de ces frontières avec les espaces invisibles, les astrologues et devins officient pour guider et protéger les membres de la communauté : les talismans, charmes et amulettes s’adressent au monde tangible alors que les tombeaux sont les dernières demeures de ceux qui vivent dans l’au-delà.