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“L'Asie rêvée d'Yves Saint Laurent” article 2518
au Musée Yves Saint Laurent Paris

du 2 octobre 2018 au 27 janvier 2019



https://museeyslparis.com/

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 27 septembre 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Yves Saint Laurent, Croquis d’illustration pour la collection haute couture automne-hiver 1977. Musée Yves Saint Laurent Paris.
2/  Yves Saint Laurent en compagnie d’une courtisane habillée en vêtements traditionnels lors de son premier voyage au Japon, Kyoto, avril 1963. © Droits réservés.
3/  Ensemble de soir, collection haute couture automne-hiver 1994. © Musée Yves Saint Laurent Paris / Sophie Carre.

 


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Interview de Olivier Flaviano, directeur du Musée Yves Saint Laurent Paris,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 27 septembre 2018, durée 16'52". © FranceFineArt.com.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire de l'exposition :
Aurélie Samuel, Conservatrice du Patrimoine, Directrice des collections du Musée Yves Saint Laurent Paris




Première exposition temporaire thématique du Musée Yves Saint Laurent Paris depuis son ouverture en octobre 2017, « L’Asie rêvée d’Yves Saint Laurent » rassemble une cinquantaine de modèles haute couture inspirés de l’Inde, de la Chine et du Japon. Ces pièces issues de la collection du musée sont pour la première fois présentées en dialogue avec des objets d’art asiatiques prêtés par le musée national des arts asiatiques - Guimet et par des collectionneurs privés, afin d’offir un regard inédit sur le travail du couturier.

« J’ai abordé tous les pays par le rêve. » Yves Saint Laurent



Les voyages imaginaires
Grâce à ses « voyages imaginaires » ou « immobiles », Yves Saint Laurent a livré, au fil de ses collections, une vision rêvée de contrées lointaines, teintée de connaissances puisées à la fois dans ses lectures et dans une approche directe des objets d’art. Le couturier a plongé immanquablement au coeur des coutumes locales, exploré le folklore, détourné les clichés afin de proposer une représentation sublimée de traditions vestimentaires. Parmi ses « exotismes », l’Asie occupe une place particulière qui ponctue toute son oeuvre.

L’Inde, la Chine et le Japon
Yves Saint Laurent propose une vision à la fois littérale et imaginaire de l’Asie. Tout au long de sa carrière, il a regardé les costumes traditionnels indiens, chinois et japonais, pour donner vie à des créations haute couture. Dès ses premières collections, il réinterprète les somptueux manteaux des souverains de l’Inde. Ensuite, la Chine impériale lui inspire la collection de l’automne-hiver 1977, pour laquelle il donne une image théâtrale et transformée du pays. Cette même année, le créateur met en exergue ces influences asiatiques à travers une nouvelle fragrance. La « sulfureuse » Opium suscite un vent de scandale qui lui confère un succès mondial. Fasciné par le Japon, et en particulier par le théâtre Kabuki, il revisite plus tard le kimono.



L’Inde

« Il me suffit de regarder un très beau livre sur l’Inde pour dessiner comme si j’y avais été. C’est le rôle de l’imaginaire. » Yves Saint Laurent

L’Inde est l’une des sources majeures dans l’oeuvre d’Yves Saint Laurent. La connaissance qu’il a de ce pays s’appuie essentiellement sur les livres qu’il possède, parmi lesquels quelques ouvrages de référence. Dès la première collection du printemps-été 1962, il réinterprète les vêtements de la garde-robe impériale, dans une vision personnelle et féminisée du manteau traditionnel indien. Pour sa dernière collection en 2002, il fait défiler plusieurs robes drapées qui reprennent les fondamentaux du sari, tenue traditionnelle de l’Inde du Sud.

Du costume princier…
Yves Saint Laurent revisite les somptueux manteaux des souverains de l’Inde du nord dans une vision élégante mêlée de féerie. Il va ainsi développer un goût pour les soieries précieuses brochées d’or, les broderies métalliques en relief et les costumes sophistiqués agrémentés de boutons-bijoux hérités des costumes princiers de la cour moghole, dynastie qui régna sur l’Inde du XVIème au XIXème siècle. Le couturier réinterprète aussi l’usage des bijoux de ces derniers en reprenant le boteh, un motif floral en forme de palme emblème du pouvoir royal, qu’il utilise de la même manière comme ornement de turbans (sarpech).

… au sari traditionnel
Yves Saint Laurent regarde aussi les tenues traditionnelles de l’Inde hindoue et propose une réinterprétation raffinée du costume drapé des femmes indiennes, le sari, tissé dans la plus fine des mousselines, dont la subtile transparence suggère le corps sans le dévoiler. La distinction entre le costume cousu d’Inde du nord et le costume drapé d’Inde du sud n’est pas sans rappeler la séparation des ateliers d’une maison de haute couture entre l’atelier tailleur et l’atelier flou.

Au sein de l’exposition, les créations d’Yves Saint Laurent sont présentées en dialogue avec de somptueuses tenues du XVIIIème et XIXème siècle ainsi qu’une statuette équestre en argent ou encore des portes de palais grandioses du Rajasthan dont les ornements sont proches de ceux dessinés par le couturier. Le lien esthétique s’applique aussi aux croquis originaux qui sont présentés en regard de miniatures indiennes.



La Chine

« Pékin, cependant, reste un souvenir éblouissant. Cette Chine, que j’avais si souvent interprétée dans mes créations, je l’ai trouvée exactement telle que je l’avais imaginée. Il me suffit d’ailleurs d’un livre d’images pour que mon esprit se fonde dans un lieu, ou un paysage. […] Je n’éprouve aucun besoin de m’y rendre. J’en ai tellement rêvé… » Yves Saint Laurent

À l’exception de l’exposition qui lui était consacrée à Pékin en 1985, Yves Saint Laurent ne voyagea pas en Chine. C’est donc principalement à travers sa vaste collection de livres, les films ou les objets d’art chinois qu’il possédait avec Pierre Bergé, qu’il se construit une Chine imaginaire que l’on retrouve principalement dans la collection automne-hiver 1977 mais déjà de manière plus diffuse à l’automne-hiver 1970.

La Chine impériale
La Chine suscite chez Yves Saint Laurent des vêtements amples, caractéristiques des habits chinois témoignant du statut social de ceux qui les portent. Si la forme évoque la veste traditionnelle portée par les femmes de l’ethnie Han (ethnie majoritaire de la Chine continentale), Yves Saint Laurent ne garde de ce vêtement que la coupe droite, le volume, ainsi que les manches larges, en s’appuyant sur une construction technique à occidental. Par ailleurs, les « chinoises » d’Yves Saint Laurent semblent se conformer à la tradition de l’Opéra de Pékin qui ne vise pas à restituer un vêtement authentique et historique mais à produire un effet esthétique, soulignant les mouvements des acteurs.

La Chine florale
Dans ses créations d’inspiration chinoise, Yves Saint Laurent emploie de façon récurrente des motifs floraux qui renvoient explicitement à l’Extrême-Orient. La collection de l’automne-hiver 1970 semble évoquer par son décor floral une vision personnelle du répertoire iconographique des robes informelles bianfu (vêtements de loisir) caractérisées par des motifs libres et variés de fleurs aux coloris vifs. Les formes générales du vêtement font à la fois écho à l’Asie et au monde des steppes par l’utilisation de la tunique floue, de la blouse longue et des manches en T. Le col, par sa fermeture sur le côté, évoque les robes dragons de la dynastie mandchoue (1644–1912).

La rencontre des tenues haute couture avec des robes et vestes à motifs de dragons empruntés à des collectionneurs privés permet de comprendre comment Yves Saint Laurent a évoqué la Chine en la réinterprétant sans cesse, comme en témoignent des imprimés ou motifs de ses créations qui reprennent ceux de la Chine antique visible sur certains vases de la dynastie Han ou sur des disques Bi en jade marbré à la culture de Liangzhu (3300-2400 avant J.C.)



Opium

« Si j’ai choisi Opium comme nom pour ce parfum, c’est que j’ai espéré intensément qu’il pouvait, à travers toutes ses puissances incandescentes, libérer les fluides divins, les ondes magnétiques, les accroche-coeurs et les charmes de la séduction qui font naître l’amour fou, le coup de foudre, l’extase fatale lorsqu’un homme et une femme se regardent pour la première fois. » Yves Saint Laurent

L’histoire d’un succès
En octobre 1977, Yves Saint Laurent organise un lancement au 5, avenue Marceau de son tout nouveau parfum Opium. En esthète cultivé, il s’implique très largement dans la création de ce parfum. Il dessine, écrit et valide chaque étape du processus de fabrication : du flacon au dossier de presse. Le musée conserve des dizaines de dessins et documents qui témoignent de l’implication du couturier et qui n’ont pour la plupart jamais été présentés au public. Un court film préparé spécialement pour l’exposition permet également de comprendre toutes les étapes de la création de ce parfum.

Différentes versions du célèbre flacon imaginé avec Pierre Dinand sont présentées aux côtés de véritables inrô japonais de l’époque d’Edo et de l’ère Meiji (XVIIème – XIXème siècle), dont ils reprennent la forme principale. Yves Saint Laurent est immédiatement séduit par ce flacon qui lui inspire le nom du parfum. La campagne publicitaire est transgressive et percutante. La photographie d’Helmut Newton avec Jerry Hall et le slogan provocateur de l’agence MAFIA « Opium, pour celles qui s’adonnent à Yves Saint Laurent » vont à la fois intriguer, créer le désir mais surtout provoquer un scandale sans pareil.

Un scandale aux États-Unis
Opium ne fait son entrée sur le sol américain qu’en septembre 1978 avec une spectaculaire soirée de lancement organisée sur une jonque nommée le Peking dans le port de New York. L’American Coalition Against Opium and Drugs déclenche alors une campagne contre Opium, aux côtés des associations de chinois américains qui voient en ce nom une provocation diplomatique. Cette fragrance reste l’un des plus grands succès de l’histoire des parfums.



Le Japon

« Très tôt je suis allé à la rencontre du Japon et tout de suite j’ai été fasciné par ce pays ancien et moderne et j’ai, depuis, à diverses reprises subi son influence. D’autres avant moi connurent cette admiration : Monet, Van Gogh et tous les artistes art-déco qui furent si importants à notre époque. Aujourd’hui, le Japon ne cesse de grandir et a réussi le miracle suprême de célébrer les noces du passé et du présent. » Yves Saint Laurent

Fasciné par l’époque d’Edo (1600-1868), durant laquelle l’art s’affranchit peu à peu du pouvoir impérial, et par le théâtre Kabuki, Yves Saint Laurent va revisiter le vêtement traditionnel qu’est le kimono. En forme de T, il en donne une version qui conserve la fluidité de ses lignes, accompagnant la silhouette dans le mouvement au lieu de la contraindre. Tout en reflétant la quintessence ancestrale du Japon et son raffinement délicat, l’interprétation du kimono par Yves Saint Laurent n’en reste pas moins une création originale.

Pierre Bergé et Yves Saint Laurent, un couple épris de culture japonaise
Pour Yves Saint Laurent, le Japon est plus qu’une inspiration, c’est un modèle qui constitue le point de départ d’une création rendant hommage à la grâce des courtisanes déambulant dans les rues de Gion, quartier réservé de Kyoto qu’Yves Saint Laurent et Pierre Bergé ont arpenté. Pierre Bergé déclarait ainsi « Nous étions passionnés par Kyoto et tout ce qu’il se passe dans Gion. Je suis beaucoup allé au Japon. C’est mon pays de prédilection. ». Au sein de l’exposition, le dialogue entre les créations d’Yves Saint Laurent et les tenues traditionnelles japonaises, comme un superbe costume de kabuki de type uchikake, ou certaines estampes représentant les courtisanes, témoigne de cette passion.

Le Japon rêvé des artistes
La nature occupe une place prépondérante dans l’art japonais et les iris constituent un thème récurrent popularisé en Europe notamment par les estampes d’Hokusai. Cet artiste prolifique fut collectionné et copié par les plus grands peintres européens tel Van Gogh, qui lui-même inspira Yves Saint Laurent pour sa veste brodée aux motifs d’iris, réalisée en 1988. Des objets anciens comme des plateaux ou des boîtes à thé en laque prêtés par le musée national des arts asiatiques – Guimet illustrent parfaitement cette thématique.