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“De l’autre côté” Photographies de Jeanne Mandello, Hildegard Rosenthal et Grete Stern
à la Maison de l'Amérique latine, Paris

du 12 octobre au 20 décembre 2018



www.mal217.org

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 11 octobre 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Jeanne Mandello, Motif pour une publicité Thephorin Roche (antihistaminique), photogramme, 1950. © Isabel Mandello.
2/  Grete Stern, Barque de papier, 1949. Courtesy Galería Jorge Mara - La Ruche, Buenos Aires.
3/  Hildegard Rosenthal, Femme au parapluie, São Paulo, Brésil, ca. 1940. © Instituto Moreira Salles, São Paulo / Rio de Janeiro.

 


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Interview de Gabriel Bauret, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 11 octobre 2018, durée 13'08". © FranceFineArt.com.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat de l’exposition :
Gabriel Bauret, en collaboration avec Anne Husson, directrice culturelle de la Maison de l’Amérique latine.
Sandra Nagel, historienne allemande, est associée en tant que spécialiste de l’oeuvre de Jeanne Mandello.




L’exposition De l’autre côté présentée à la Maison de l’Amérique latine réunit trois femmes photographes originaires d'Allemagne et qui, portées par le vent de l’histoire, se sont exilées à la fin des années 1930 en Amérique du Sud. Après une formation en Allemagne, fréquentant des photographes comme Paul Wolff ou des écoles aussi réputées que celle du Bauhaus, et bénéficiant de l’effervescence qui régnait alors dans les milieux artistiques, elles ont commencé d’exercer leur métier en Europe : à Berlin, Paris et Londres. Puis elles ont traversé l’Atlantique pour poursuivre leur carrière, chacune dans un pays différent. Elles laissent des oeuvres qui reflètent les facettes multiples de la photographie de leur époque.



extrait du catalogue de l’exposition aux éditions Loco - De l’autre côté, en quête d’un monde libre … par Gabriel Bauret

Les trois photographes dont cette exposition confronte les oeuvres sont originaires d’Allemagne ; elles ont toutes trois émigré vers la fin des années 1930 en Amérique du Sud, en raison de la montée du nazisme et des persécutions qui ont engendré en Europe un climat d’insécurité. Auparavant, elles avaient suivi une formation artistique et photographique en Allemagne, dans la légendaire école du Bauhaus ou au studio de Paul Wolff dont le nom reste étroitement associé à la célèbre marque d’appareils Leica. Fortes de ces enseignements, elles ont commencé d'exercer leur métier, monté leur propre studio et se sont rapprochées d’autres photographes, que ce soit à Berlin, Paris ou Londres.

Chacune d'entre elles a abordé et développé la pratique de la photographie sous un angle particulier. Et c’est précisément cette diversité qui participe du désir de rassembler ici les travaux de ces trois artistes. Jeanne Mandello a surtout opéré en studio, effectué dans son laboratoire des recherches pour la publicité et la mode, répondant également aux commandes des magazines. Hildegard Rosenthal a adopté le petit format de prise de vue (24x36) pour pratiquer dès son arrivée à São Paulo le reportage et le paysage urbains, dans un style empreint des avant-gardes européennes de l’entre-deux guerres. Quant à Grete Stern, elle a consacré une grande partie de son oeuvre au photomontage et a illustré de cette manière une rubrique de psychologie dans le magazine argentin Idilio. À l’exception du photojournalisme, elles ont incarné à elles trois les principaux usages de la photographie de leur époque – de la nature morte au portrait –, et le recours à des techniques telles que le photogramme ou la solarisation ; certains de leurs travaux ont même pris pour motif la ville moderne telle que les cinéastes avaient pu la sublimer.

Chacune a rejoint un pays différent de l'Amérique du Sud : Jeanne Mandello l’Uruguay (en 1941), Hildegard Rosenthal le Brésil (en 1937), Grete Stern l’Argentine (en 1936), et cette dispersion géographique constitue l’une des facettes de l’exposition. Le parcours que suivent ces trois femmes est d’autant plus exemplaire qu’elles appartiennent sensiblement à la même génération : Jeanne Mandello est née en 1907, Hildegard Rosenthal en 1913 et Grete Stern en 1904. Poussées à l’exil par la guerre et l’antisémitisme, elles ont dû quitter les lieux où elles ont travaillé afin de reprendre le cours de leur activité dans des climats plus sereins. Mais ce ne sont pas les seules femmes photographes d’origine européenne à avoir connu un tel destin, c’est-à-dire contraintes de reconstruire un avenir sur un autre continent : on pourrait citer la hongroise Kati Horna qui a abandonné l’Europe pour rejoindre le Mexique, l’allemande Gisèle Freund qui s’est exilée de 1942 à 1946 en Argentine, où vit et travaille sa compatriote Annemarie Heinrich, ou encore Gertrudis de Moses qui adopte le Chili, Alice Brill et Claudia Andujar qui émigrent au Brésil.

Pour certaines d’entre elles, comme Jeanne Mandello, seule une infime quantité d’oeuvres, en comparaison de tout ce qu’elles ont pu produire, témoigne aujourd’hui de leur activité en Europe : le départ forcé s’est accompagné de l’abandon d’un studio et a souvent signifié la disparition – voire la destruction – des archives. Heureusement, l’histoire n’a pas tout effacé et la reconstitution du parcours de ces photographes peut aujourd’hui s’opérer grâce à l’intérêt porté à leurs oeuvres par des institutions, des galeries, voire une famille, qui ont su préserver de tels patrimoines : le musée Folkwang d'Essen en Allemagne, l'Institut Moreira Salles au Brésil, la galerie La Ruche de Jorge Mara en Argentine ou encore le fonds Jeanne Mandello en Espagne. Préservation, mais aussi valorisation à travers des expositions et des ouvrages d’édition. Dans ce domaine, c’est sans doute Grete Stern qui a bénéficié jusqu’à aujourd’hui de la plus grande attention – notamment grâce à une exposition récente au MoMA à New York où elle figure aux côtés d’Horacio Coppola. En revanche, les oeuvres de Jeanne Mandello et Hildegard Rosenthal constitueront pour beaucoup des découvertes.

À l’heure où le statut de la femme dans les domaines les plus divers est largement commenté, ces trois photographes nous montrent à travers leur parcours et leur oeuvre qu’elles n’ont pas attendu une reconnaissance sociale, politique ou culturelle, pour s’exprimer et s’approprier un métier – celui de la photographie, que l’on considérait habituellement comme réservé aux hommes. Leur destin et leur art disent la force de leur caractère et leur liberté.

Gabriel Bauret



Hildegard Rosenthal
est née en 1913 à Zürich, mais sa naissance sera enregistrée à Francfort. Après avoir fréquenté le studio de Paul Wolff qui l’incite à pratiquer le petit format - Wolff est l’ambassadeur du Leica -, elle commence à travailler en 1936. Elle rejoint l’année suivante le Brésil et s'installe à São Paulo. Cette ville sera l’un des territoires favoris de ses recherches sur le paysage urbain et de reportages qu’elle réalise jusqu'à la fin des années 1950. Elle meurt en 1990.

Jeanne Mandello est née à Francfort, en Allemagne, en 1907. Elle suit une formation photographique à Berlin puis, après un retour à Francfort où elle monte son atelier, elle émigre à Paris en 1934. Elle répond à des commandes dans le domaine de la mode et du parfum puis abandonne la France pour gagner en 1941 l’Uruguay où elle travaille surtout pour le tourisme et l’architecture. Elle meurt à Barcelone en 2001, après avoir quitté l'Uruguay en 1953 et séjourné plusieurs années au Brésil.

Grete Stern est née à Wuppertal, en Allemagne, en 1904. Installée à Berlin en 1927, elle prend des cours de photographie avec un professeur du Bauhaus, Walter Peterhans, puis s'associe avec une autre photographe, Ellen Auerbach, pour fonder l’atelier ringl & pit. Après avoir émigré à Londres, elle rejoint en 1936 son mari, Horacio Coppola, en Argentine. Elle illustre alors une rubrique de psychologie pour un titre de la « presse du coeur », Idilio, de 1948 à 1951. Elle meurt en 1999.