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“Marc Lathuillière” Fractal Factory
à la galerie binome, Paris

du 12 octobre au 1er décembre 2018



www.galeriebinome.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Marc Lathuillière, le 11 octobre 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Marc Lathuillière, Les cheminées, série Fractal Spaces, 2013-18. Courtesy Galerie Binome.
2/  Marc Lathuillière, L’atelier de couture – Khalida Djellab, couturière, textiles de scène Teviloj, Vienne (Isère), série Musée national, 2004-18. Courtesy Galerie Binome.
3/  Marc Lathuillière, Le bain d’émail – Pascal Soton, finisseur émaillage, Scop CERALEP, Saint-Vallier (Drôme), série Musée national, 2004-18. Courtesy Galerie Binome.

 


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Interview de  Marc Lathuillière,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 11 octobre 2018, durée 25'17". © FranceFineArt.com.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Au cours des deux dernières années, Marc Lathuillière a développé un important corpus de travaux photographiques sur le monde de l’industrie. Thématique centrale de sa récente exposition au Creux de l’enfer, elle est pour lui une zone sismographique où s’observent les crises des sociétés occidentales. Pour ces prises de vue, le centre d’art a invité l’artiste en résidence à Moly-Sabata (Fondation Albert Gleizes), située dans la vallée du Rhône, au croisement de plusieurs bassins industriels : textile, chimie, céramique... C’est d’abord aux personnes y exerçant qu’il s’est intéressé. Une trentaine de portraits sont ainsi venus prolonger sa série iconique Musée national : ouvriers principalement, classe qui, fragmentée par la désindustrialisation, a largement perdu de sa visibilité, mais aussi dirigeants d’entreprise. Tout comme le millier de Français déjà photographiés à travers le pays pour cette série, tous portent un même masque : il dit la précarité de leur relation aux usines dans lesquelles ils posent, pourtant fiers de leur savoir faire, tout comme notre tentation de percevoir celles-ci comme un patrimoine figé.

Pour Marc Lathuillière, le remplacement de l’usine par le réseau comme moteur de l’économie globalisée nécessite une nouvelle représentation des géographies impactées par cette mutation. Dans la même région, il a saisi des zones d’activité à travers d’épaisses végétations, point de vue sauvage qui inverse celui de l’homme sur la nature altérée adopté par la photographie topographique habituelle. Montées sur miroir, ces images d’architectures industrielles et les arborescences fractales qui les masquent se reflètent en couches successives dans la profondeur du tain, invitant à se positionner face à elles. Les pièces de cette nouvelle série, Fractal Spaces, plongent ainsi le regardeur dans le paysage contemplé et, réflexion sur l’anthropocène, suggèrent un point de vue de l’homme partagé avec le vivant.

Dans « Fractal Factory », ce changement de forme – du portait masqué au paysage réfracté – se traduit par un dispositif évoquant un atelier fictionnel : celui, mental, de l’artiste, quand, préparant son exposition au Creux de l’enfer, il a choisi de réserver les paysages sur miroirs pour des expositions ultérieures. Celle présentée aujourd’hui à la Galerie Binome se veut donc fabrique d’autres dispositifs possibles. Elle offre pour cela un premier regard sur des étapes de Territorisme, essai critique sur la photographie de territoire dont Marc Lathuillière est en train d’achever l’écriture. Mettant en exergue les mutations expérimentales à l’œuvre dans son travail, « Fractal Factory » reflète ainsi nos questionnements sur les transformations économiques et climatiques de l’ère post-industrielle.



Musée national, 2004-18

Vaste inventaire photographique entamé en 2004, Musée national est un corpus de plus de 1000 portraits contextuels réalisés à travers une trentaine de départements français. Tous les sujets, de l’artisan aux élites et célébrités, portent un même masque. Le dispositif instaure un regard critique sur le lien des Français à leurs patrimoines et sur la construction de leur mémoire collective. En le figeant, le masque met en exergue, et en doute, tout le hors visage de la représentation : costume, mobilier, architecture, paysage, geste professionnel ou domestique. Il manifeste le mouvement de muséification à l’oeuvre dans la société française, tout autant que le rôle de l’image dans la catégorisation identitaire que ce processus induit. Présenté pour la première fois en 2014 par la Galerie Binome dans le cadre du Mois de la photo à Paris, soutenu par un texte de Michel Houellebecq, le corpus Musée national effectue depuis 2016 un « Tour de France » à l’occasion d’expositions personnelles et collectives; à la Friche la Belle de Mai avec l’anthropologue Marc Augé, au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg, ou encore à la Bibliothèque nationale de France, et fait l’objet de plusieurs résidences de création.

Au début de l’année 2016, dans le cadre d’une résidence à Moly Sabata et sur l’invitation du Creux de l’enfer, Centre d’art contemporain de Thiers, Marc Lathuillière a enrichi le corpus Musée national d’un volet consacré aux métiers de l’industrie des bassins de la région Auvergne Rhône-Alpes, dans des secteurs aussi variés que la porcelaine (Revol), les cannes (Fayet), la coutellerie (Deglon), le textile (Tiba, Teviloj), la métallurgie (CMS), la chimie (Trédi)... Ce travail a donné lieu à l’exposition « Fabrique nationale » au Creux de l’enfer, entre octobre 2017 et janvier 2018, sous le commissariat de Frédéric Bouglé. Synthèse de l’ensemble de la série, elle dressait aussi le portrait d’une des régions françaises les plus industrialisées à travers celui de ses ouvriers, cadres et dirigeants. L’exposition a fait l’objet d’un partenariat avec les Galeries Lafayette, dont le magasin de Clermont-Ferrand présente quatre portraits en grand format jusqu’en 2022.


Fractal Spaces, 2013-18

Interrogation sur notre rapport à l’ère industrielle et sur sa représentation, Fractal Spaces est un corpus de photographies de paysages périurbains saisis depuis des couverts végétaux. Après de premiers essais pour l’exposition Disperse à L’attrape-couleurs, à Lyon en 2013, l’essentiel de la série a été développé lors d’une seconde résidence en Rhône-Alpes, à Moly-Sabata (Fondation Albert Gleizes), en 2016, sur invitation du Creux de l’enfer.

Les images ont été prises dans la vallée du Rhône, région la plus industrialisée de France. L’exposition « Fractal Factory » à la Galerie Binome est la première présentation extensive de la série. Elle fait suite à l’acquisition d’un triptyque par le FRAC Auvergne début 2018.

Photographiés à la saison du bourgeonnement, entre hiver et printemps, les paysages représentés miment, pour les détourner, les codes établis de la photographie de territoire : usines, zones industrielles, cités HLM… sont représentés à distance, sous un ciel pâle et sans figure humaine. Ces stéréotypes de l’imagerie contemporaine sont mis en doute par deux formes de masquage.

Le premier, l’entrelacement des branches devant l’arrière plan construit, opère un retournement de perspective : ce n’est pas, comme habituellement dans la photographie topographique, la nature qui est ici altérée, mais bien elle qui guette des espaces industriels menacés. Il s’agit de placer le point de vue du côté du non humain, végétal ou animal. Celui-ci questionne le processus de désindustrialisation actuel, généré notamment par une économie en réseau dans laquelle notre rapport au monde s’étend en arborescences fractales.

Le second masquage passe par la technique employée : un tirage transparent monté sur miroir. Le reflet de la végétation et des architectures dans le tain, sur des plans successifs, suggère une lecture plus spéculaire que documentaire. La pièce est activée par le regardeur, invité à se situer par rapport au paysage dans lequel il se reflète. Dans la logique des écrits d’Eduardo Viveiros de Castro et Philippe Descola, c’est ainsi une tentative de dépasser, à l’ère de l’Anthropocène, la césure entre nature et culture, regardeur et paysage, sujet et objet.