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“Ana Mendieta” Le temps et l’histoire me recouvrent
au Jeu de Paume, Paris

du 16 octobre 2018 au 27 janvier 2019



www.jeudepaume.org

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 15 octobre 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Ana Mendieta, Corazón de Roca con Sangre, 1975. Film super-8. © The Estate of Ana Mendieta Collection, LLC. Courtesy Galerie Lelong & Co.
2/  Ana Mendieta, Esculturas Rupestres (Rupestrian Sculptures), 1981. Film super-8. © The Estate of Ana Mendieta Collection, LLC. Courtesy Galerie Lelong & Co.
3/  Ana Mendieta, Untitled: Silueta Series, 1978. Film super-8. © The Estate of Ana Mendieta Collection, LLC. Courtesy Galerie Lelong & Co.

 


2540_Ana-Mendieta audio
Interview de Howard Oransky, co-commissaire de l’exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 15 octobre 2018, durée 10'10". © FranceFineArt.com.
(avec l'aimable traduction de Marguerite Capelle)

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires : Lynn Lukkas et Howard Oransky



Première exposition muséale de grande envergure consacrée à l’oeuvre filmique d’Ana Mendieta (La Havane, 1948, New York, 1985), artiste cubano-américaine reconnue internationalement, « Ana Mendieta. Le temps et l’histoire me recouvrent » rassemble vingt films et près d'une trentaine de photographies associées.

Ana Mendieta est considérée comme l’une des artistes les plus prolifiques et novatrices de la période de l’après-guerre. Les expositions qui lui ont été récemment consacrées en Europe (Berlin, Londres, Prague, Salzbourg, Turin et Umeå) ont mis en lumière la puissance de sa vision artistique tout autant que l’influence qu’elle a exercée sur les générations d’artistes lui ayant succédé, une oeuvre dont le retentissement sur le public de tous âges et de toutes origines ne se dément pas.

Au cours de sa brève carrière, de 1971 à 1985, Ana Mendieta produit un ensemble remarquable d’oeuvres : dessins, installations, performances, photographies et sculptures, mais aussi films. Son travail filmique, moins connu, n’en constitue pas moins un corpus d’œuvres particulièrement impressionnant et prolifique : les 104 films qu’elle a réalisés de 1971 à 1981 lui ont conféré le statut de figure incontournable dans le domaine des arts visuels pluridisciplinaires qui a émergé au cours des années 1970 et 1980. S’appuyant sur des travaux de recherche inédits, l’exposition du Jeu de Paume replace ses films de la périphérie au centre de son travail. Elle s’articule autour des thèmes récurrents qu’ils explorent – la mémoire, l’histoire, la culture, le rituel et le passage du temps –, souvent évoqués au travers de la relation du corps et de la terre. Majoritairement tournés dans un environnement naturel, ils font la part belle à son intérêt pour les quatre éléments, la terre, l’eau, l’air et le feu.

Durant les années 1970, Mendieta se rend presque chaque été au Mexique où elle crée nombre d’œuvres importantes. La mémoire et l’histoire sont des thèmes abordés par Silueta del Laberinto et Burial Pyramid, deux films réalisés au cours de l’été 1974 à Yágul, dans lesquels Mendieta définit son esthétique singulière fusionnant le corps et la terre dans l’environnement culturel antique que symbolise ce site. Outre ces films, l’exposition présente Mirage (1974) et Untitled: Silueta Series (1978). Le premier évoque un souvenir personnel et l’histoire de la séparation de Mendieta et de sa famille restée à Cuba, par une double narration relatant la relation mère-fille. Le second montre l’intérêt de l’artiste pour les aspects rituels de l’art et la transformation de la terre en espace sacré.

Quatre des films présentés sont issus d’une série de dix-huit réalisés entre 1972 et 1975, et dont le sang est le matériau artistique. Nombre d’entre eux explorent les thèmes du corps, de l’identité, du sexe et des rituels. Datant de la même année, Sweating Blood est l’unique film où l’on voit en gros plan le visage de Mendieta dans une impression de temps ralenti. L’exposition inclut l'un des deux seuls films, datant de 1974, montrant Mendieta tracer des slogans en lettres de sang : Blood Sign. Blood Inside Outside, réalisé en 1975, est une étonnante étude psychologique de l’autonomie et de la vulnérabilité.

Les thèmes de la terre, du feu et de l’arbre de vie sont représentés au Jeu de Paume à travers sept films. Mendieta a utilisé le feu dans trente-huit de ses réalisations. Birth (Gunpowder Works), de 1981, est une oeuvre où la boue séchée et craquelée, ainsi que la lumière du paysage d’Iowa, donnent naissance à un rêve de magie et de puissance artistiques. Trois films réalisés en 1979 sont également présentés ensemble : Volcán, Untitled: Silueta Series (nº 72) et Untitled: Silueta Series (nº 73). Dans le premier, l’artiste fait appel à la forme du volcan comme métaphore de la terre source de réconfort et de désagrégation. Dans le deuxième, une Silueta brûle à l’intérieur d’une sorte de grotte dont la forme, sculptée par Mendieta, évoque sa silhouette emblématique. La troisième Silueta enflammée de ce groupe réunit sous une même forme abstraite les éléments constitutifs de la terre, du corps et de l’arbre.

L’arbre de vie, qui est de son propre aveu l’un des thèmes de prédilection de Mendieta, est représenté au Jeu de Paume par un ensemble de trois films apparentés. Untitled: Silueta Series, de 1978 (nº 62), montre un arbre dans un paysage d’Iowa ; tandis que l’arbre brûle, trois mains apparaissent comme par magie, formant la silhouette. Anima, Silueta de Cohetes (Firework Piece), datant de 1976, est l’une de ses œuvres les plus mémorables des années 1970. Une silhouette flottant verticalement dans le ciel nocturne d’Oaxaca, au Mexique, pourrait être vue comme un arbre de vie partageant sa lumière, le temps qu’il se consume. Energy Charge (1975), exprime une mystérieuse sensibilité gothique, ritualiste, associant performance, vidéo et film 16 mm pour incarner le concept d’arbre de vie.

Une série de cinq films éclairent la biographie personnelle, politique et spirituelle de Mendieta. Sur les 104 films qu’elle a réalisés, l’eau figure en bonne place dans 19 films et fonctionne comme une métaphore de l’unité spirituelle. Creek (1974), tourné à San Felipe Creek, à Oaxaca, est une oeuvre d’une simplicité trompeuse tant par sa composition que par la désagrégation qu’elle opère dans les structures narratives traditionnelles. Dans Silueta de Arena (1978), la silhouette apparaît à la place du corps de l’artiste : elle incarne l’idée du corps, l’eau ayant patiemment lissé la surface de la figure.

Les trois derniers films de l’exposition, tous réalisés en 1981, forment une trilogie portant sur les relations tissées entre le déplacement, le retour et la réconciliation. Esculturas Rupestres (Rupestrian Sculptures) est un cycle épique de figures sculptées par Mendieta sur les parois calcaires des Cuevas de Jaruco. Voyage dans le temps réel et métaphorique, ce film marque le retour de Mendieta à Cuba et sa relation avec les mythes antiques des grottes de Jaruco. Untitled est filmé sur les plages de Guanabo, non loin de La Havane, où l’artiste évoque la nostalgie pour sa terre natale et le temps distendu de la séparation. Ochún est une vidéo réalisée sur une plage de Key Biscayne : orientée en direction de Cuba, la figure de la Silueta est traversée par des vaguelettes issues de l’étendue d’eau qui sépare la Floride de Cuba. Intitulé d’après le nom d’une déesse de la santéria, Ochún métamorphose la douleur de la séparation en un sobre poème fait de couleurs, de lumière, de mouvement et de sons.