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“Jômon” Naissance de l’art dans le japon préhistorique
à la Maison de la culture du Japon, Paris

du 17 octobre au 8 décembre 2018



www.mcjp.fr

 

© Sylvain Silleran, vernissage presse, le 16 octobre 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Figurine de sanglier. Bien culturel important. Jômon récent (-2000 – -1000). Site de Tokoshinai n° 2, Hirosaki, département d’Aomori. Terre cuite. Hauteur 9,6 cm / longueur 18,2 cm. Hirosaki City Museum, Aomori. Photo : Tadahiro Ogawa.
2/  Poterie ornée d’un personnage. Bien culturel important. Jômon moyen (-3000 – -2000). Site d’Imojiya, Minami-Alps, département de Yamanashi. Terre cuite. Hauteur 54,8 cm / diamètre de l’encolure 24,0 cm / diamètre maximal de la panse 36,0 cm. Minami Alps City Board of Education, Yamanashi.
3/  Figurine dite « Déesse masquée ». Trésor national, Jômon récent (-2000 – -1000). Site de Nakappara, Chino, département de Nagano. Terre cuite. Hauteur 34,0 cm. Chino City (en dépôt au Chino City Togariishi Museum of Jomon Archaeology).

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Des lignes circulent sur la surface de la jarre, serpentant en sillons parallèles comme celles tracées par le râteau d'un jardin zen. Des arrondis doux se resserrent en motifs floraux évoquant l'art déco, ou s'énervent en vagues et en flammes. Eloignés de nous par plusieurs milliers d'années, des artistes de la période Jômon ont dessiné sur ces surface de terre cuite comme nous le ferions sur une toile. À partir d'un vocabulaire de cercles, de spirales et de triangles, ils ont élaboré un vrai langage graphique. Les formes se remplissent de motifs à chevrons, de hachures, le plein s'oppose au vide, traçant des volutes de nuages ou de fleurs.

Le contour de l'objet se précise, l'arrondi devient parfait, le galbe équilibré. Ronde ou conique, la poterie s'allège, s'élance vers le ciel et pourtant en la regardant on voit dans sa forme les mains qui la tiennent, les bras qui la portent. Ce peuple dont un pot à bec verseur a l'exacte forme d'une théière de nos cuisines, nous semble bien proche finalement. Une figurine de mère assise, les jambes repliées, la représente portant son enfant dans ses bras. La connexion se fait avec cette mère d'il y a 5000 ans. Les figurines nous présentent une humanité hybride, au corps puissant de son animalité. Les femmes ou les hommes tatoués ont des yeux de grenouille, une tête et un museau de chat, un nez de cochon. Leur anatomie devient fluide, la courbure des reins se creuse, les hanches, les fesses se galbent comme des jarres, les jambes sont humoristiquement arquées. Un peuple bien campé sur ses jambes comme des colonnes a la tête tournée vers les étoiles. Les visages, surfaces lisses en forme de triangle ou de cœur sont presque anonymes, les corps sont eux recouverts d'un réseau de lignes et de spirales, de cartographies et de constellations. La précision du dessin d'une spirale sur un casque de chevelure donne au personnage représenté une dimension divine, tout comme les bras qui se muent en ailes en font des créatures volantes.

La vie quotidienne nous est contée par des ustensiles de chasse et de pêche : des pointes de harpons ou des hameçons son accompagnées par des petites statuettes représentant singes, sanglier ou chiens. Les bijoux, épingles à cheveux en bois de cervidé et boucles d'oreilles en terre cuite sont autant de témoignages que le concept de mode existe déjà. Des anneaux d'oreilles de pierre blanche, brune, verte de jade, sont autant des symboles de beauté que les bijoux d'aujourd'hui. De simples cercles lisses, épurés, sont de petites parures du quotidien mais leur perfection mathématique est un élan vers le savoir, un questionnement philosophique.

Un petit panier de bois noir tressé est exposé avec posé à côté, la petite noix qu'il contenait lorsqu'il a été trouvé. De la modestie de cette petite noix dans son panier à la déesse Jômon, cosmique et féconde, il y a toute l'histoire de l'éveil d'un peuple et sa beauté, les pieds enracinés dans l'humus des forêts et les yeux vers le ciel.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat / organisation : Fondation du Japon, Musée national de Tokyo, Agence pour les affaires culturelles du Japon



Cet automne, ce sera le grand retour de la période Jômon (11 000 à 400 avant notre ère) à Paris depuis l'exposition Jômon, l'art du Japon des origines organisée en 1998 à la MCJP. L’exposition réunira de nombreux objets archéologiques, dont plusieurs pièces classées «Trésor national» et «Bien culturel important». Figurines doge, jarres et ustensiles permettront de (re)découvrir l’étonnante vie culturelle et spirituelle qui se développe durant la période Jômon.

L’ère glaciaire ayant pris fin peu après le début de la période Jômon, le Japon jouit alors d’un climat doux où se développent les activités de chasse, de pêche et de cueillette. L’apparition de la poterie marque l’entrée dans cette époque qui tire son nom des motifs obtenus par impression de cordes. La première section de l’exposition présente 10 000 ans d’évolution de beauté plastique à travers divers types de motifs des poteries Jômon : marques d’ongle, de doigts, de cordes ou de coquillages, application d’argile, dessins gravés... La jarre flamboyante aux volumineuses saillies en crête de coq est l’une des pièces illustrant la richesse des formes de ces céramiques.

La deuxième section est consacrée aux objets évoquant les croyances et la spiritualité du peuple Jômon. Les doge – statuettes anthropomorphes en argile cuite – sont un exemple remarquable de l’esthétique liée au domaine spirituel. La majorité de ces doge sont des figurines féminines, les plus anciens représentant de simples bustes aux seins généreux. Celles aux formes opulentes auraient eu un rôle dans les pratiques propitiatoires liées à la fertilité ou aux ressources alimentaires. Alors que la mortalité infantile était élevée, les doge de femmes enceintes, allaitant ou évoquant un accouchement, de même que les empreintes de mains d’enfants sur plaques d’argile, semblent exprimer l’intense désir des parents de voir leur progéniture croître de façon saine. D’autres figurines utilisées comme offrandes funéraires ou ossuaires renseignent elles aussi sur les relations des hommes de Jômon avec l’au-delà.

Les scènes de chasse ornant des jarres et les doge zoomorphes pourraient également être liés à certaines croyances. Gibier de prédilection, le sanglier occupe une large place dans ce bestiaire préhistorique composé de coquillages, de singes, etc.

Même les objets du quotidien tels que les jarres pour la cuisson et le stockage des aliments, les haches, les paniers en bois tressé ou encore les hameçons possèdent, au-delà de leur aspect fonctionnel, une beauté saisissante. Tout aussi surprenants sont les récipients laqués présentés dans cette denière section : on peine à croire que l’emploi de la laque remonte à une si lointaine époque. Créées à partir de divers matériaux, les parures indiquaient le rang social de ceux qui les portaient. Elles témoignent elles aussi de l’admirable capacité du peuple Jômon à marier le beau et l’utile.