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“Une avant-garde polonaise” Katarzyna Kobro, Władysław Strzemiński
au Centre Pompidou, Paris

du 24 octobre 2018 au 14 janvier 2019



www.centrepompidou.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 23 octobre 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Katarzyna Kobro, Akt (2) [Nu (2]), ca. 1925 – 1927. Muzeum Sztuki, Lodz. © Muzeum Sztuki, Lodz & Ewa Sapka-Pawliczak.
2/  J. Przybos, W. Strzemiński, K. Kobro, vers 1930. © Archive Muzeum Sztuki, Lodz.
3/  Władysław Strzemiński, Kompozycja morska. Wenus [Composition marine. Vénus], 1933. Muzeum Sztuki, Lodz. © Muzeum Sztuki, Lodz & Ewa Sapka-Pawliczak.

 


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Interview de Karolina Ziebinska-Lewandowska,
conservatrice, musée national d’art moderne, cabinet de la photographie et co-commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 23 octobre 2018, durée 22'30". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissaires de l’exposition
Karolina Ziebinska-Lewandowska, conservatrice, musée national d’art moderne, cabinet de la photographie
JarosŁaw Suchan, directeur du Muzeum Sztuki, Łódz




À la suite de l’exposition « L’avant-garde russe à Vitebsk (1918-1922) » présentée ce printemps au Centre Pompidou et dans la politique d’ouverture du musée vers les avant-gardes s’inscrivant au-delà de l’Europe occidentale, « Une avant-garde polonaise : Katarzyna Kobro et Władysław Strzemiński» permet de découvrir l’oeuvre, les théories artistiques et les engagements sociaux de ces deux artistes, couple moderne, révolutionnaires discrets. Membres majeurs de « l’internationale » progressiste, étudiés par plusieurs spécialistes, ils restent encore injustement méconnus du public français. Cette exposition propose un parcours historique complet autour de ce couple d’artistes et permet d’apprécier la beauté de leur travail.

Katarzyna Kobro (1898-1951) et Władysław Strzemiński (1893-1952), à l’origine d’un des premiers musées d’art moderne au monde, le Muzeum Sztuki à Łódz´, ouvert au public en 1931, sont des figures majeures de l’avant-garde constructiviste polonaise. Radicaux dans leurs postures artistiques, ils inscrivaient leurs idées dans une pratique quotidienne à travers l’enseignement, les publications et l’organisation de la vie artistique.

En couple dans la vie privée, ils travaillaient main dans la main, chacun développant de son côté le langage moderne de la sculpture pour Kobro et de la peinture pour Strzemiński. S’il était connu pour la théorie de l’unisme poussant à bout l’idée de l’autonomie organique de la peinture, elle l’était pour la théorie de la sculpture comme manière d’appréhender l’espace. Les sculptures suspendues de Kobro de 1920 sont de très beaux exemples de sculpture constructiviste. La radicalité de ses constructions géométriques la place parmi les sculptrices les plus importantes de la première moitié de 20e siècle. Les peintures abstraites de Strzemiński – es reliefs, les « Compositions architecturales » ou « Compositions unistes » sont des propositions uniques dans ce domaine.

Nés en Russie, elle d’origine allemande-russe, lui d’origine polonaise, ils commencent leur carrière artistique alors qu’éclate la révolution d’Octobre. Proches de Kasimir Malévitch qu’ils rencontrent à Moscou et qui leur confie le développement d’une filiale de l’école Ounovis à Smolensk, ils font partie des artistes révolutionnaires de la gauche radicale, qui s’engagent dans la réforme de l’enseignement artistique et qui mettent l’art au service de la société socialiste. À la suite du resserrement croissant de la politique culturelle dès les débuts des années 1920, le couple quitte la Russie soviétique pour s’installer en Pologne qui vient d’être reconstituée.

Ils se rapprochent aussitôt des cercles des réformateurs d’art – cubistes, suprématistes et constructivistes ‑ dont des poètes et des architectes. Ils sont membres de plusieurs groupes des avant-gardes artistiques polonaises comme Blok, Praesens, pour créer finalement leur propre groupe a.r. (artistes révolutionnaires ou avant-garde réelle) avec le peintre Henryk Stazewski et les poètes Julian Przybos et Jan Brzekowski.

Strzemiński devient un fervent divulgateur de l’art moderne, organisant des expositions de groupe ou monographiques comme celle de Malévitch. Le couple d’artistes s’engage également dans les mouvements de l’avant-garde internationale en participant aux groupes de Cercle et Carré puis Abstraction-Création. Ils échangent aussi avec De Stijl. Ils publient dans les revues de ces mouvements qu’ils font à leur tour connaître en Pologne. Aidés par leurs contacts internationaux, notamment Hans Arp et Fernand Léger, les membres d’a.r. commencent à constituer dès la fin des années 1920, grâce à des dons, une collection internationale d’art contemporain, et envisagent dès le départ son ouverture au public. La coordination en Pologne est effectuée par Strzemiński. La collection comptant les oeuvres de Hans Arp et Sophie Tauber-Arp, de Léger, de Sonia Delaunay, de Jean Hélion, de Vilmos Huszar, d’Enrico Prampolini, de Kurt Schwitters, de Georges Vantongerloo, de Theo van Doesburg et d’autres, ouvre au public en 1931 dans le cadre des collections du Muzeum Sztuki de Łódz´ inauguré un an plus tôt.

À la réouverture du musée après la Seconde Guerre mondiale, Strzemiński arrange une salle appelée néoplastique, où, à l’exemple du « C abinet des abstraits » d’El Lissitzky, il organise lui-même l’accrochage d’une partie de la collection qui comprenait plus de cent oeuvres.

Longtemps absents des histoires des avant-gardes internationales, Kobro et Strzemiński comptent parmi les piliers de l’art moderne polonais. Tous deux élaborèrent dès le début le chantier de l’abstraction.

Dans le courant des années 1930, le style des deux artistes change. Kobro se tourne vers le figuratif schématisé. Strzemiński introduit la ligne organique qui marquera aussi bien ses paysages maritimes que ses nombreux dessins réalisés pendant l’Occupation. Il applique aussi ces dessins à une série unique de collages « À mes amis les Juifs », au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, traitant de l’extermination des Juifs polonais. Il devient aussi de plus en plus préoccupé par la physiologie de la perception qu’il développe dans les séries des « Images rémanentes ». Sa dernière oeuvre théorique, Théorie de la vision, qui correspond à sa version de l’histoire de l’art analysée du point de vue de l’évolution de la conscience visuelle, a été déterminante pour le développement des avant-gardes polonaises de la deuxième moitié du 20e siècle.

Kobro et Strzemiński complètent aujourd’hui l’histoire des avant-gardes internationales, mais servent aussi de figures exemplaires. Pour eux, l’art jouait un rôle primordial dans la réforme de la société. Croyant profondément en ce rôle, ils ont consacré toute leur vie à tourner l’art le plus moderne et le plus radical vers la société. En cela, ils comptent parmi les utopistes réels, qui ne croient plus à l’efficacité des grandes révolutions, mais à celle des actions à une échelle plus accessible. Par la multiplication de ces actions, le changement voulu lentement s’instaure. Décédés relativement tôt, en 1951 et 1952, en pleine époque stalinienne, ils n’ont pas pu voir le succès de leurs idées.

L’exposition présente plus de 180 oeuvres de Katarzyna Kobro et Władysław Strzemiński et une vingtaine d’oeuvres des artistes majeurs de l’avant-garde international tels Jean Arp, Stanislaw Grabowski, Karol Hiller, Fernand Léger, Kurt Schwitters, Henryk Stazewski ou encore Mieczyslaw Szczuka. Le parcours est divisé en six sections : « D ans le creuset de la révolution » montrant leur travail des débuts, très ancrés dans la révolution artistique russe de l’an 1918 ; « Utopie uniste » réunissant les oeuvres abstraites les plus connues du couple ; « Art pour tous » dédiée à la collection internationale d’art moderne rassemblée par les artistes dans les années 1930 ; « Design au service des utopies » qui regroupe la majorité des projets graphiques ou du design industriel du couple ; « Matérialisme de la vision » illustre le changement dans la création de Kobro et Strzemiński qui se rapprochent de la réalité, notamment à travers les dessins de la période de la Seconde guerre mondiale et la pièce d’une grande importance « À mes amis, les Juifs » ; Enfin, « Réalisme utopiste » dernière partie dédiée à l’oeuvre tardif de Strzemiński, de la fin des années 1940.