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“Make it new. Conversations avec l’art médiéval” Carte blanche à Jan Dibbets
à la BnF François Mitterrand, Paris

du 6 novembre 2018 au 10 février 2019



www.bnf.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 5 novembre 2018.

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1/ 2/ 3/  Raban Maur, Louange à la sainte croix, vers 847. Latin 2422, BnF, dpt. des Manuscrits.

 


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Interview de Charlotte Denoël,
conservateur en chef au département des Manuscrits à la BnF et co-commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 5 novembre 2018, durée 11'57". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :
Jan Dibbets
Charlotte Denoël, conservateur en chef, département des Manuscrits, BnF
Erik Verhagen, maître de conférences en histoire de l’art contemporain, Université de Valenciennes




Rencontre inédite entre l’art médiéval et l’art contemporain, cette exposition met en regard une sélection de manuscrits enluminés de la Louange à la sainte croix, un livre extraordinaire de Raban Maur datant du IXe siècle, avec une trentaine d’oeuvres issues des courants minimaliste, conceptuel et du land art, choisies par Jan Dibbets. Figure majeure de la scène artistique contemporaine, l’artiste néerlandais invite ainsi à contempler et faire dialoguer des oeuvres d’art que plus de 1000 ans séparent.

L’art ancien constitue l’une des sources d’inspiration de Jan Dibbets, comme le montre cette exposition dans laquelle il s’est investi à la fois en tant que commissaire et en tant qu’artiste. C’est à la faveur d’une consultation de manuscrits médiévaux à la Bibliothèque nationale de France qu’il a manifesté un intérêt particulier pour les manuscrits enluminés de Raban Maur et choisi de les présenter aux côtés de ses propres oeuvres et d’oeuvres d’artistes de sa génération : Carl Andre, Alan Charlton, Ad Dekkers, Donald Judd, Sol LeWitt, Richard Long, François Morellet, Niele Toroni et Franz Erhard Walther.

Reprenant à son compte un slogan incontournable de l’art moderne, Make it new*, l’exposition explore les rapports qu’entretiennent les oeuvres de ces artistes contemporains - photographies, dessins, peintures et sculptures - avec un art médiéval non figuratif qui a trouvé l’une de ses expressions les plus spectaculaires avec Raban Maur.



De Raban Maur à l’art contemporain

Personnalité majeure de la renaissance carolingienne, Raban Maur doit en grande partie sa postérité à la Louange à la sainte croix, oeuvre réalisée entre 810 et 814 alors qu’il est simple moine au monastère de Fulda, en Germanie. Voué à la gloire du Verbe divin, cet ouvrage est d’une étonnante inventivité formelle : il se présente comme une suite de 28 poèmes figurés, structurés autour du signe matriciel de la croix.

Ces illustrations, qui confinent à l’abstraction, offrent des parallèles saisissants avec un ensemble d’oeuvres issues des mouvances minimaliste, conceptuelle et du land art, qui occupent le devant de la scène artistique dans les années 1960-70 et au-delà. Les points communs sont leur rapport à la géométrie, à la couleur, aux proportions, à la perspective et, pour certaines, à l’écriture. Si les objectifs sont différents, l’oeuvre de Raban Maur étant toute entière tendue vers l’exaltation du Christ, son esthétique abstraite présente des analogies avec celle de ces artistes qui explorent de nouvelles voies en matière de renégociation de l’espace.

L’exposition permet ainsi de mettre en lumière la propre démarche artistique de Dibbets et d’artistes de sa génération, par le biais de la rencontre de médiums artistiques variés. Elle est aussi l’occasion de montrer comment les qualités formelles et esthétiques de l’art médiéval peuvent être réactualisées aujourd’hui.



Jan Dibbets

Né en 1941 à Weert, aux Pays-Bas, fréquemment associé à l’art conceptuel, Jan Dibbets fait depuis les années 60 un usage très personnel de la photographie qu’il associe ponctuellement à la peinture ou au dessin. Il l’utilise entre autres pour déconstruire la notion de perspective centrale telle que nous la connaissons depuis la Renaissance, en exprimant celle-ci au travers d’une multiplicité de points de vue. Les notions d’espace, de géométrie et de perception jouent un rôle essentiel dans son oeuvre.

La réputation internationale de Jan Dibbets l’a conduit à exposer dans les plus grands musées d’art contemporain. Il a présenté ses oeuvres à maintes reprises en France et répondu à des commandes publiques – en particulier les vitraux de la cathédrale Saint-Louis de Blois où il a donné toute la mesure de sa passion pour l’art médiéval.

Quant aux manuscrits de Raban Maur, ils ont également stimulé son inspiration pour le décor de vitraux qu’il a réalisés en 2016 dans l’église Saint-Bavon de Haarlem aux Pays-Bas.


*Make it new est le titre d’un recueil d’essais littéraires d’Ezra Pound, paru en 1934, où l’écrivain « réactualise » à partir d’un point de vue moderne les qualités littéraires et poétiques de la littérature médiévale.






Présentation

« Par un bel après-midi d’avril 2014, Charlotte Denoël, conservatrice en chef des manuscrits médiévaux, m’invita à la Bibliothèque nationale de France pour consulter un document qui pourrait m’intéresser, disait-elle. Nous nous étions rencontrés auparavant grâce à un ami commun, et elle m’avait alors montré certaines pièces rares enluminées. Mais cette fois-ci, c’était complètement différent.

L’ouvrage en question, De laudibus sanctae crucis, qu’elle me présenta avec soin sur un futon de velours rouge, avait été rédigé au début du IXe siècle par un moine mystérieusement nommé Raban Maur (« corbeau noir »).

Lorsque nous l’ouvrîmes, ce fut un coup de foudre ; je me rendis compte que c’était une oeuvre résolument unique, aussi bien à son époque qu’après. Une oeuvre totalement différente de tout ce que j’avais vu jusque-là, si moderne, si originale et minimaliste, radicalement contemporaine.

Au fil des pages, mon étonnement grandissait : il était difficilement concevable qu’un pareil objet puisse exister et fût resté si méconnu.

Les pages magiques remplies de lettres, mathématiquement ordonnées avec des formes simples et colorées – cercles, croix, triangles, carrés –, harmonieusement intégrées dans le texte, formaient un magnifique ensemble abstrait. On avait l’impression qu’une personne du XXIe siècle avait oeuvré il y a 1200 ans.

Nous discutâmes de la manière de présenter cet ouvrage au public d’aujourd’hui et nous fûmes d’avis que monter une exposition pourrait être une possibilité intéressante. Nous avons essayé de transposer le manuscrit de Raban Maur à notre époque en l’entourant d’oeuvres d’art contemporaines, afin de montrer comment cet écrit carolingien pouvait s’intégrer sans peine à cet environnement.

Cette exposition, volontairement anhistorique, entend démontrer que l’art s’enracine infiniment dans le passé. Les célèbres paroles d’Ezra Pound « Make it new » font toujours sens, que ce soit pour l’art d’aujourd’hui ou du passé lointain.

Je suis convaincu que Raban Maur en est une illustration aussi étonnante que sublime. »

Jan Dibbets, Amsterdam, 2017 Extrait du catalogue de l’exposition.





Cette exposition trouve ainsi son origine dans la rencontre entre l’artiste néerlandais Jan Dibbets et les manuscrits enluminés de la Louange à la sainte croix (De laudibus Sanctae Crucis), célèbre ouvrage rédigé par le théologien Raban Maur entre 810 et 814, alors qu’il était moine à Fulda.

Entretenant un dialogue constant avec l’art ancien, Jan Dibbets a été accueilli à deux reprises, en 2005 puis en 2014, au département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, afin d’examiner des manuscrits enluminés carolingiens et flamands. La découverte des poèmes figurés carolingiens de Raban Maur et de leur extraordinaire inventivité formelle fut une révélation pour l’artiste.

L’exposition est ainsi née de la volonté conjointe de la BnF et de Jan Dibbets de mettre en regard ces poèmes figurés avec des oeuvres d’artistes contemporains, de renommée internationale, sélectionnés par lui : Carl Andre, Alan Charlton, Ad Dekkers, Donald Judd, Sol LeWitt, Richard Long, François Morellet, Niele Toroni, Franz Erhard Walther ainsi que les siennes propres.

Copiés entre le IXe et le XIIe siècle, les manuscrits de la Louange à la sainte croix de Raban Maur proviennent des collections de la BnF, ainsi que des bibliothèques municipales de Lyon, Montpellier et Orléans. Une dizaine d’agrandissements de reproductions de deux autres manuscrits de La Louange à la sainte croix sont présentés : ils comptent parmi les plus luxueux exemplaires de cette oeuvre, produits à Fulda du vivant de Raban. L’un est conservé au Vatican, l’autre à Amiens.

Les oeuvres des artistes contemporains choisies par Jan Dibbets proviennent pour la plupart de collections privées, ainsi que de la BnF, du CAPC de Bordeaux, de la galerie Kamel Mennour (Paris) et de la Franz Erhard Walther Foundation (Fulda).