extrait du communiqué de presse :
Commissaires généraux de l’exposition : Françoise Gaultier, conservateur général du Patrimoine, directeur du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, musée du Louvre, Paris Laurent Haumesser, conservateur au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, musée du Louvre Anna Trofimova, directeur du département des Antiquités grecques et romaines musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg
Commissaires associés : Françoise Barbe, conservateur au département des Objets d’art, musée du Louvre Marc Bormand, conservateur au département des Sculptures, musée du Louvre Dominique Thiébaut, conservateur au département des Peintures, musée du Louvre Dominique Vingtain, directeur du Musée du Petit Palais d’Avignon
Le musée du Louvre et le musée de l’Ermitage s’associent pour une exposition exceptionnelle autour de la très riche collection du marquis Campana, constituée pour l’essentiel entre les années 1830 et les années 1850. Pour la première fois depuis sa dispersion en 1861, l’exposition permettra de donner une image complète de la plus ambitieuse collection privée du XIXe siècle, qui se caractérise par sa diversité (collections d’antiques aussi bien que de modernes), sa richesse (plus de 12 000 pièces archéologiques, peintures, sculptures, objets d’art…) et sa qualité.
L’exposition rassemble plus de 500 œuvres, dont de nombreux chefs-d’œuvre, comme le Sarcophage des Époux ou la Bataille de San Romano de Paolo Uccello. Elle présente la figure romanesque de Giampietro Campana, sa passion de collectionneur et la manière dont il a réuni cet ensemble extraordinaire : les fouilles, le marché des antiques et de l’art, le réseau des collectionneurs entre Rome, Naples et Florence et les liens avec les institutions scientifiques. Le marquis Campana entendait donner une image du patrimoine culturel italien, aussi bien antique que moderne : à ce titre, la collection constitue un moment fondateur de l’affirmation de la culture italienne, dans le contexte du Risorgimento, l’émergence de la nation italienne au cours du XIXe siècle.
Au terme du procès retentissant intenté à Campana en 1857, la collection fut saisie et vendue par l’État pontifical et sa dispersion à travers l’Europe a suscité une émotion qui témoigne de son importance dans la conscience culturelle italienne et européenne. Une part importante de la collection Campana a été achetée en 1861 par le tsar Alexandre II et est venue enrichir les collections du musée de l’Ermitage. Le reste de la collection – plus de 10 000 objets – a été acheté par Napoléon III et partagé entre le musée du Louvre et de nombreux musées de province.
Enfin, la collection s’est révélé une source d’inspiration dans la culture artistique européenne et dans l’artisanat, notamment dans l’orfèvrerie.
Introduction du parcours de l’exposition
Giampietro Campana, directeur du Mont-de Piété de Rome, était l’une des figures les plus brillantes de la société romaine de son temps et un personnage éminemment romanesque. Il a rassemblé la plus importante collection privée du 19e siècle, mais entraîné par sa passion pour l’accumulation d’oeuvres d’art, il fut arrêté en 1857 pour malversations financières, condamné à la prison puis à l’exil. Sa collection fut alors mise en vente.
Campana n'a cependant pas été qu'un collectionneur compulsif et sa collection peut être aussi vue comme un geste politique, à l’époque du Risorgimento, de la (re)naissance de la nation italienne : sa volonté de présenter un tableau complet des richesses archéologiques et artistiques de l’Italie atteste sa sympathie envers le mouvement qui, contre le pouvoir du pape, militait pour l’unité du pays. À ce titre, la collection Campana a eu une importance majeure dans la définition culturelle et politique du patrimoine italien.
L’influence de la collection Campana a dépassé l’Italie. L’Angleterre, la Russie et la France ont rivalisé pour acquérir la collection, témoignant du prestige dont jouissait encore le modèle culturel italien en Europe. C’est particulièrement vrai en France : l’achat en 1861 de la majeure partie de la collection et sa répartition entre le musée du Louvre et de nombreux musées de province ont constitué un chapitre décisif de la politique culturelle de Napoléon III et de l’histoire des collections françaises.
Campana et la société romaine À la suite de son grand-père et de son père, Giampietro Campana, marquis de Cavelli, avait été nommé dès 1833 directeur du Mont-de-Piété, une institution financière majeure des États pontificaux. À ce titre, il était en relations étroites avec l’administration pontificale et avec toute la haute société romaine. Son mariage en 1851 avec Emily Rowles lui assura également des relations précieuses avec l’élite des grandes capitales européennes. Banquier, mais aussi entrepreneur, mécène, philanthrope, archéologue et collectionneur, Campana appartenait à nombre d’institutions économiques, culturelles et scientifiques, en Italie et en Europe.
Une collection célèbre dans toute l’Europe La collection Campana, qui compta rapidement au nombre des plus prestigieuses d’Italie, figurait dans les guides de voyage de l’époque. Une recommandation auprès du marquis suffisait en général à accéder à certaines salles de la Villa Campana, du Palais du Corso ou du Mont-de-Piété et plusieurs textes et dessins témoignent de l’émerveillement des visiteurs venus de toute l’Europe. Toutefois, très peu d’entre eux ont pu se faire à l’époque une idée exacte de l’étendue de la collection, très dispersée et dont Campana ne laissait voir qu’une partie.
Les lieux de la collection Campana avait réparti sa collection entre différents lieux à Rome. Les marbres antiques étaient disposés pour la plupart dans les salles et le jardin de la Villa Campana près de Saint-Jean-de-Latran, aujourd’hui détruite, mais dont plusieurs tableaux et photographies nous gardent le souvenir. Le Palais du Corso accueillait les séries de vases antiques et les collections modernes de sculptures, majoliques et peintures. Des salles d’exposition avaient également été aménagées au Mont-de-Piété pour présenter les terres cuites. Enfin, Campana avait acquis au fil des années, dans le centre de Rome, un certain nombre de lieux pour entreposer sa collection toujours croissante.
Le projet de Campana Le développement apparemment démesuré de la collection obéissait-il à un véritable projet ? C’est ce qu’entendait montrer le catalogue publié vers 1858, au moment où Campana était déjà en prison : ces Cataloghi Campana, précédés par plusieurs catalogues partiels, avaient sans doute été rédigés d’abord pour rendre perceptible la richesse de la collection et en faciliter la vente, à un moment où Campana était pressé par des problèmes d’argent. Mais cette mise en ordre de la collection, avec ses huit classes antiques et quatre classes modernes, chacune partagée en plusieurs séries et sections, rend également compte de la logique du collectionneur et apparaît comme le véritable testament culturel de Campana : une somme des productions artisanales et artistiques de l’Italie antique et moderne. C’est cet ordre des Cataloghi que suivra l’exposition.
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