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“Laëtitia Badaut Haussmann”Sas Villa Psy 2
à fabre, Paris

du 22 novembre 2018 au 26 janvier 2019



http://alexandrafau.com/fr
http://www.galerieallen.com/
http://fabredeglantine.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l’exposition avec Alexandra Fau, Annabelle Ponroy et Laëtitia Badaut Haussmann, le 23 novembre 2018.

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Légendes de gauche à droite :
1/2/3/ Laetitia Badaut Haussmann, SAS Villa Psy 2 pour Fabre, 2018. Courtesy Laetitia Badaut Haussmann, galerie Allen. Photographies © Guillaume Onimus.

 


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Interview de Alexandra Fau, commissaire de l'exposition, et de Laëtitia Badaut Haussmann,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 23 novembre 2018, durée 18'39". © FranceFineArt.
(de gauche à droite : Alexandra Fau, Annabelle Ponroy et Laëtitia Badaut Haussmann)

 


extrait du communiqué de presse :

 

curatrice : Alexandra Fau



FABRE est le fruit d’une collaboration inédite entre une amateur d’art, une commissaire d’exposition, une artiste et son galeriste. FABRE, une nouvelle adresse à proximité de la Place de la Nation à Paris présentera à intervalles réguliers un environnement artistique, au sens où l’on n’en voit plus ; dans son ajustement à l’espace, son attention portée au détail, son raffinement dans le rapport à l’autre. Dans un appartement haussmannien - à ses heures, cabinet de psychanalyse -, Annabelle Ponroy invitera régulièrement un créateur à renouer avec « l’esprit salon » d’antan dans sa dimension exclusive, mondaine et sociale.



Sas Villa Psy 2

Pour cette première édition, FABRE a offert une carte blanche à Laëtitia Badaut Haussmann. L’installation conçue spécifiquement pour le lieu oscille entre un désir de paraître et une forme de lâcher-prise en regard des conventions artistiques imposées. L’adresse intimiste invite à venir y déposer des oeuvres mais aussi des objets, reflets d’une personnalité, marquée par des voyages, des lectures, des amitiés. Là où l’on pense agir en toute simplicité et sans calcul, à l’abris du foyer, le regard de l’Autre posé sur nous opère et conditionne notre manière d’être. « Le dit réel déjà théâtral, trop théâtral » rappelle Michel Thévoz dans L’art du malentendu. Laëtitia Badaut Haussmann force les traits de ce qui pourrait passer pour une minauderie sans importance, au même titre que ce ton pris malgré nous (maternel pour sa mère, enjôleur pour son amant, posé pour son patron) lors d’une conversation téléphonique. Comme pour La chambre de Poe (2010) inspirée de la lecture de la « philosophie de l’ameublement », son intervention n’est pas une simple transcription spatiale mais un espace « domestique » chargé d’abstraction. Elle s’en saisitpour imaginer une ambiance qui force la dimension scénique de nos comportements.

Le design a pris le pas sur tout, y compris les relations sociales. Pour autant, les œuvres et la parole libérée entre ces murs, laissent place à des interprétations multiples, parfois ambiguës. Est-ce une assise, un socle ou une estrade ? Peu importe. La subtilité vient se nicher dans une hauteur d’assise - les 26 centimètres réglementaires qu’affectionne la designer Charlotte Perriand- , une inclinaison ou un coloris. L’installation fait coïncider des temps passés et présents, des expériences de vie liées notamment à la résidence de l’artiste à la Villa Kujoyama à Kyoto en 2016. Ses vues du Musée d’art moderne de Kamakura au Japon (construit par Junzo Sakakura, architecte moderniste japonais, ami de Perriand et élève du Corbusier), en vacance institutionnelle, évoquent la mémoire d’un autre lieu, lointain, « à investir ».

SAS VILLA PSY 2 opère à double détente, entre projection de l’image de soi, si désirable, aussitôt rattrapée par sa propre histoire. La découpe visuelle en biais spectacularise ce qui se joue en nous. Détachement, dédoublement et dichotomie font écho à l’histoire même du lieu. Pour Laëtitia Badaut Haussmann, les intérieurs renvoient à ce rapport de classes. « Des rapports sociaux, qui au Moyen Age, étaient des rapports de force, se déplacent et se subtilisent dans le registre de la représentation : on affiche son pouvoir pour ne pas avoir à l’exercer, on le signifie par le luxe, par le raffinement esthétique, par le concours d’artistes de renom. Le bon goût, c’est donc le fait d’une société, ou plus précisément d’une classe sociale, qui parvient à maîtriser sa violence primitive par le symbole. L’art qui se sécularise et le goût, qui s’esthétise, sont donc en présupposition réciproque »1.

L’une des images extraites des publicités des années 80 de la série Maisons françaises, une collection réinjectée dans l’univers visuel contemporain offre une image saisissante de ces rapports qui ne disent pas leur nom. De même, la présence presque insignifiante de la petite chaise en bois, extraite du film Il Boom de Vittorio de Sica, serait un peu le Rosebud de cet homme prêt à tout pour maintenir son train de vie. Ce petit rien qui nous trahit en nous dévoilant aux autres. Reproduite à l’identique par un atelier d’ébénisterie cher à l’artiste, elle est l’expression dans le décor du transfuge social incarné par l’acteur Alberto Sordi en plein boom économique et transformation sociale d’après-guerre. Le personnage principal du film ira jusqu’à vendre son oeil pour échapper à la déchéance sociale. L’oeil, image d’une bourgeoisie déviante de Georges Bataille à Luis Buñuel, flottait déjà dans la piscine de la maison Louis Carré d’Alvar Aalto (La Politesse de Wassermann, 2017). Un organe flottant, sans corps, sans gravité. Pour ne plus s’embarrasser de ce qui nous tient.

Alexandra Fau


Pour visiter l’exposition, uniquement sur rendez-vous via le mail Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Adresse : 20 rue Fabre d'Eglantine - 75012 paris


1 Michel Thévoz, L’art comme malentendu, Les éditions de Minuit, 2017, p. 67