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“Léonard de Vinci et la Renaissance italienne” Dessins de la collection des Beaux-Arts de Paris
au Cabinet des dessins Jean Bonna, Beaux-Arts de Paris

du 25 janvier au 19 avril 2019



www.beauxartsparis.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Emmanuelle Brugerolles, le 24 janvier 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Léonard de Vinci (Vinci, 1452 - Amboise, 1519), Tête de vieillard de trois quart. Pointe d’argent sur papier légèrement préparé ocre rosé. H. 0,095 ; L. 0,085 m. Inv. n°EBA427.
2/  Léonard de Vinci (Vinci, 1452 - Amboise, 1519), Feuille d’études pour l’Adoration des Mages. Plume et encre brune sur tracé préliminaire à la pointe de plomb.. H. 0.179 ; L. 0.263 m. Inv. n°EBA 424.
3/  Benozzo Gozzoli (Florence vers 1420-1421 -Pistoia, 1497), La Vierge et l’Enfant Jésus (verso). Pointe d’argent, pinceau, encre brune et gouache blanche sur papier préparé ocre vert.

 


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Interview de Emmanuelle Brugerolles, conservateur des dessins de maître,
responsable du Cabinet des dessins Jean Bonna - Beaux-Arts de Paris et commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 24 janvier 2019, durée 9'21". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Des petits papiers, des pages de carnets de croquis où le crayon, la plume ont couru jusque dans les coins, des papiers tatoués laissant affleurer l'encre du dessin au verso... Ces papiers on la patine d'un cuir, la mémoire d'une peau qui a traversé les âges; on voudrait s'approcher et les sentir, savoir le parfum de la Toscane d'il y a six siècles. L'étude de corps de Timoteo Viti est superposée à une tête de profil qui a été reportée sur une toile par un pointillé de minuscules trous. La chèreté du papier pousse aux promiscuités: un vieil homme dans le coin d'une feuille du carnet de Baldassare Peruzzi crie de douleur aux magnifiques hommes tout de musculature et d'idéal prêts à accompagner Saint Christophe.

Dans l'étude pour La Charité de Saint Martin (attribué à Francesco di Simone Ferrucci), l'encre se travaille comme de la peinture, sculptant les formes, les faisant surgir, charnues et nerveuses, de la surface du papier. Le cheval lève sa patte avant en un angle droit fier et martial. La posture classique de statue équestre s'anime dans un mouvement circulaire et ample: le cheval de Saint Martin avance, mais tourne la tête pour regarder en arrière, ralentissant son allure. Le saint tranche son manteau d'un geste de l'épée pour l'offrir au mendiant au bras tendu, tout le corps engagé dans un élan ascensionnel vers le divin.

Un ange soulève une draperie, nous contemplant du haut de son coin de ciel. Fra Bartolomeo fait naitre un enchantement de rondeurs toutes chérubines, délicatement grasses et sucrées. L'enfant ondule comme une vague, flottant en apesanteur dans un élan doux et espiègle. L'étude pour une Annonciation réalisée par un de ses élèves oppose à la célérité de l'ange Gabriel entrainé par la force de son élan la retenue simple et pudique de la Vierge assise.

Une page d'études de Vierges et l'Enfant par une plume florentine anonyme explore non plus le récit biblique mais cherche le divin dans la relation mère-enfant. La tendresse maternelle, la spontanéité innocente de l'enfant, l'adoration se lisent dans les fines gestuelles, les échanges de regards rapidement esquissés mais incroyablement présents. Une double page d'études de l'enfant Jésus pour la Madone au baldaquin de Raphaël ressemble à une partition musicale. Quelques boucles d'encre brune, douces et souples comme des cheveux d'enfant, ont une élégance infinie. Le visage de la Madone est très légèrement évoqué: les yeux, une bouche à peine esquissée et le profil d'un nez suffisent à matérialiser une présence aimante et protectrice. Son dessin préparatoire pour son Couronnement de la Vierge, visage pensif réalisé à la pierre noire, n'est pas idéalisé; le dessin est descriptif et pourtant Raphaël trouve le juste angle du cou, le point exact où la tête penchée devient divine humilité, la femme ordinaire rejoint Marie.

Le Jeune homme assis tenant le manche d'un instrument de Filippino Lippi s'élève sur son papier teint de rose. Les rehauts de blanc sont une lumière liquide qui modèle les plis du drapé comme des doigts le feraient d'une glaise humide, souple et brillante. Un homme assis, tracé en lignes presque imperceptibles sur un papier bleuté prend forme par quelques reflets, suggestion devenant une évidence. L'homme s'extrait de l'obscurité, des ténèbres; ce n'est que dans la lumière du divin qu'il peut enfin être. Voilà peut-être ce qui caractérise la beauté et la grâce de la Renaissance italienne.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire : Emmanuelle Brugerolles, Conservateur des dessins de maître et des dessins d’architecture aux Beaux-Arts de Paris



Les Beaux-Arts de Paris rendent hommage à Léonard de Vinci et ses contemporains, en exposant trente dessins de maîtres de la Renaissance italienne, témoignant des pratiques d'atelier de la fin du XVe siècle et du début du XVIe siècle.

À cette occasion, les Beaux-Arts de Paris présentent pour la première fois un ensemble de chefs-d'oeuvre in situ, dont quatre dessins de Léonard de Vinci reçus en don en 1883 et 1908, ainsi que des dessins de peintres prestigieux, contemporains du maître : Raphaël avec trois dessins exécutés avant son départ pour Rome, en particulier une étude pour une Madone à l’Enfant et des études de draperie et de profil d’homme, mais aussi Benozzo Gozzoli et Filippino Lippi dont les feuilles séduisent par leur technique à la pointe de métal sur papier coloré, très prisée à Florence à cette époque.

La mort de Léonard de Vinci va être commémorée en 2019 par de nombreuses expositions et manifestations en France et à l’étranger. L’École des Beaux-Arts qui accueillit La Joconde en janvier 1914 après son vol au musée du Louvre, l’exposa pendant deux jours dans le vestibule du Palais du quai Malaquais. Un siècle après cet épisode mémorable, Léonard de Vinci est de retour sur les cimaises du Cabinet Jean Bonna.

Traitant de sujets variés, ses oeuvres donnent un aperçu précieux du talent graphique de l’artiste et des nombreux domaines qu’il explora durant une carrière qui le mena de Florence à Milan, puis à Venise, avant de s’achever en France auprès de François Ier.

Cette exposition est l’occasion de dévoiler des trésors italiens jamais exposés qui ont fait l’objet de recherches récentes faisant le point sur leur attribution. Les trente dessins exposés offrent ainsi au visiteur un parcours passionnant sur la pratique du dessin d'atelier à la Renaissance : copies d’après les maîtres, exercices d’après le modèle vivant, répertoires de modèles dessinés, études préparatoires pour des compositions peintes ou sculptées.

Riche de plus de 60 000 dessins, la collection des Beaux-Arts compte 25 000 dessins de maîtres et constitue le deuxième fonds le plus important en France après le musée du Louvre. Il couvre une période large allant de la Renaissance à nos jours et est doté de feuilles exceptionnelles où se côtoient Léonard de Vinci, Raphaël, Rubens, Poussin ou Boucher.