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“Ren Hang” LOVE
à la Maison Européenne de la Photographie, Paris

du 6 mars au 26 mai 2019



www.mep-fr.org

 

© Anne-Frédérique Fer, journée de tournage, le 4 mars 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Ren Hang, Untitled, 2016. 100 x 67 cm. © Courtesy of Estate of Ren Hang and stieglitz19.
2/  Ren Hang, Untitled, China, 2015. © Courtesy of Estate of Ren Hang and OstLicht Gallery.
3/  Ren Hang, Untitled. © Courtesy of Estate of Ren Hang and OstLicht Gallery.

 


2650_Ren-Hang audio
Interview de Jean-Luc Soret,
chargé d’exposition à la Maison Européenne de la Photographie et co-commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 4 mas 2019, durée 14'54". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Des jeunes gens allongés sur le toit d'un gratte-ciel ne regardent même pas la vertigineuse mégapole chinoise qui s'étend à perte de vue. Leurs corps nus sont incongrus ici, les rendant étrangers, parasites dans cette immensité minérale de béton froid, persona non grata d'un univers qui n'a pas d'autre place à leur offrir qu'une chute de centaine de mètres.

Cinq jeunes femmes allongées en étoile forment une fleur, leurs bras délimitent les pétales d'une sakura, fleur de cerisier japonais. D'autres forment, cambrées les unes contre les autres, un sommet montagneux. Une chevelure noire ondule comme un océan, vagues recouvrant les visages d'un masque organique, algues ou latex SM, qui sait ? La photographie de Ren Hang est désarmante de naturel. Instinctive et pourtant mise en scène avec une précision chorégraphique. L'innocence, la fraîcheur de son approche lui permettent de tout oser comme si la photographie n'avait pas existé avant lui. Les couleurs primaires, le rouge, le vert, le noir d'encre, appartiennent aux arts populaires, participent d'une humilité, d'une économie de moyens au service de la sincérité. Loin de l'ennui maussade si familier ailleurs, les modèles remplissent le cadre d'une réelle présence, participent à l'écriture d'un roman intime inventif et ludique.

L'appareil photographique simple, compact, est celui de la photographie familiale, celui, bon marché du souvenir d'un repas d'anniversaire ou d'un week-end à la plage. Chez Ren Hang, la lumière crue du petit flash frontal intégré, la marque d'infâmie identifiant l'amateur, dénude le sujet en brûlant sa chair ; elle détoure les personnages de son ombre directe, dure et impudique, en fait des héros révolutionnaires de poster. Ces héroïnes ont les ongles et les lèvres rouge comme un aplat de gouache sur un dessin d'enfant. La candeur de ce maquillage devenu uniforme éclate sur le fond blanc en tache de peinture sur une toile vierge, tache de sang sur un drap.

Sur le mur d'une chambre d'un banal appartement, les corps dansent un ballet immobile, forment des figures géométriques, des triangles, des carrés, se plient pour tracer des lettres de l'alphabet, se nouent en symétries de nœuds marins, évoquent des logos d'affiches publicitaires. Des doigts de corail jaillissent d'un entrejambe, des mains se rejoignent en cristaux polygonaux se reflétant à l'infini dans un kaléidoscope.

Une femme à tête de cochon, groin maquillé de rouge à lèvres, portant des boucles d'oreilles ou bien chevauchant un cheval évoque les dieux et héros de la mythologie chinoise. Un arrière-plan de ville disparait dans la brume ; des corps allongés l'un derrière l'autre dont les fesses forment un paysage de montagnes enracinent l'œuvre de Ren Hang dans la peinture classique. Mais avec ses amis-modèles il propulse cette culture dans le présent, l'accélérant jusqu'au déclic d'un appareil photo, jusqu'à la collision, l'explosion libre et psychédélique du désir. Son univers né d'un minimalisme d'ascète est un Eden flamboyant de fleurs et d'animaux. On y enlace des arbres, des oiseaux se blottissent dans les cous, des poissons volent, un serpent se love contre son Eve, des papillons s'envolent. De l'intimité des sexes poussent des roseaux, des fleurs, une tulipe tendue dans un orgasme. Dans cet espace-temps clandestin les garçons et les filles sont libres d'être et de s'étreindre, de mêler leurs bras et leurs jambes, de fusionner leurs corps. On s'aime enfin les uns les autres quelque part... merci Ren Hang !

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Jean-Luc Soret, chargé d’exposition et responsable des projets nouveaux médias à la Maison Européenne de la Photographie
Simon Baker, directeur de la Maison Européenne de la Photographie




Avec « LOVE, Ren Hang », première exposition majeure et institutionnelle consacrée au photographe Ren Hang, la MEP honore la mémoire de l’artiste chinois le plus influent de sa génération, tragiquement disparu à l’âge de 29 ans.

Exposé dans de nombreuses galeries à travers le monde, régulièrement publié dans des magazines de mode tels que Purple et Numero, Ren Hang laisse, après son suicide en 2017, une oeuvre complète que l’exposition « LOVE, REN HANG » aborde à travers tous les aspects de sa pratique artistique, de la photographie à la création de livres et d’écrits auto-publiés. Présentées pour la première fois au sein d’une institution française - à Paris, une ville que l’artiste aimait particulièrement - 150 photographies sélectionnées par la MEP, au sein de collections d’Europe et de Chine, font prendre la mesure de ce corpus majeur.

Avec audace, l’oeuvre de Ren Hang quetionne la relation à l’identité et à la sexualité. Particulièrement influent auprès de la jeunesse chinoise, son ton subversif déstabilisait d’autant plus l’environnement politique et moral de son pays. Son travail, souvent censuré ou qualifié de pornographique - bien que Ren Hang affirmait qu’il n’était pas destiné à défier l’establishment politique - reste, vis à vis d’un contexte répressif, l’expression d’un désir de liberté de création, de fraîcheur et d’insouciance. Sa vision, unique, est une référence évidente au « réalisme cynique » (mouvement artistique chinois né des événements de Tian’anmen en 1989).

Immédiatement reconnaissable, l’oeuvre de l’artiste se compose essentiellement de portraits, de paysages et de nus. Ren Hang travaille avec ses proches - ses amis et sa mère - ou avec de jeunes chinois sollicités via internet ; il produit ses images emblématiques dans les espaces confinés de son appartement ou dans la ville et les jardins. Si ses photographies semblent mettre en scène ses sujets, elles sont pourtant le fruit d’une démarche spontanée et instinctive. Leur prise de vue, sur le vif, leur confère légèreté, poésie et humour.

Composée de grands et de petits tirages, l’exposition occupe tous les espaces du deuxième étage de la MEP. La scénographie n’offre pas une lecture par série de l’artiste mais met d’avantage en regard ses différents univers. Avec une approche chromatique, le visiteur traverse les différentes constellations de son univers onirique : la présence du rouge, les couleurs acidulées, une salle consacrée à sa mère, une autre, plus sombre, dédiée à des prises de vue nocturnes. Une dernière salle rassemble un travail plus « osé » sur le corps, créant un lien, fort et organique, entre l’érotisme et la nature.

À découvrir également au sein de l’exposition, un aspect moins connu du travail de l’artiste, ses poèmes et écrits qu’il consignait sur son site internet qu’il alimentait régulièrement. Ces textes étaient pour la plupart des méditations liées à son combat contre la dépression. « Si la vie est un abîme sans fond, lorsque je sauterai, la chute sans fin sera aussi une manière de voler » écrivait-il.

La présentation simultanée à La MEP de Ren Hang et Coco Capitán - qui ressentait d’ailleurs une grande affinité avec le travail de celui-ci - n’est pas une simple coïncidence. S’ils n’ont jamais eu l’occasion de se rencontrer, ils entretenaient cependant une relation épistolaire. Ensemble, leurs oeuvres offrent une vision alternative aux trajectoires croisées de la mode, de la performance, du texte et des approches les plus originales de l’image photographique.


Archives FranceFineArt.com :

Retrouvez l’interview de Ren Hang, rencontré lors de son exposition à la Nue Galerie en 2014.

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