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“Eugène Lami” Peintre et décorateur de la maison d’Orléans
au Cabinet d’Arts Graphiques - Domaine de Chantilly

du 23 février au 19 mai 2019



www.domainedechantilly.com

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse - exposition Eugène Lami et restauration des appartements privés du duc et de la duchesse d’Aumale, le 12 mars 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Eugène Lami, Une soirée chez le duc d’Orléans (1810-1842) au pavillon de Marsan. Chantilly, musée Condé, 2018.1.1 © Galerie Terradès. RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly. © Michel Urtado.
2/  Eugène Lami, Projet pour le petit salon du duc de Nemours au Palais des Tuileries. Graphite, plume, encre brune, aquarelle et gouache sur papier ; H. 16 cm ; L. 32.3 cm. © Paris, musée des Arts décoratifs, 32458.A.
3/  Sophie Lloyd, Le Salon de Guise et La Chambre de la Duchesse, après restauration. © Sophie Lloyd.

 


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Interview de Nicole Garnier,
conservateur général du Patrimoine, chargée du musée Condé et co-commissaire de l’exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Chantilly, le 12 mars 2019, durée 10'28". © FranceFineArt.com

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :
Mathieu Deldicque, conservateur du patrimoine au musée Condé
Nicole Garnier-Pelle, conservateur général du patrimoine, chargée du musée Condé
Avec la collaboration de Caroline Imbert, spécialiste d’Eugène Lami




Le 23 février 2019, les appartements privés du duc et de la duchesse d’Aumale ouvriront leurs portes après presque deux ans de travaux. Aménagés entre 1845 et 1847 et décorés par Eugène Lami, ces huit salles ont bénéficié d’une restauration fondamentale de leur décor et mobilier. Une occasion inédite, pour les visiteurs, de revivre les fastes de la monarchie de Juillet dont le château de Chantilly abrite les seuls appartements princiers entièrement conservés en France.


En écho à la restauration des Appartements Privés décorés par Eugène Lami, le Domaine de Chantilly organise, au sein de son cabinet d’arts graphiques adjacent, la première exposition jamais consacrée à cet artiste de talent.

Issu d’une famille d’obédience napoléonienne, Lami eut une carrière d’une exceptionnelle longévité. Il fit ses débuts en 1815 auprès d’Horace Vernet. Deux ans plus tard, il acquit avec Gros ses qualités de coloriste hors pair. C’est dans l’atelier de ce dernier qu’il se lia à Géricault et surtout à Bonington qui l’introduisit dans l’art de l’aquarelle où il excella sa vie durant. Commençant par produire quelques dessins, lithographies et aquarelles, il se lança comme peintre militaire au Salon en 1824. Deux ans plus tard, sans doute sur les conseils de Bonington, il partit en Angleterre, étudia Reynolds et Lawrence et réalisa nombre de croquis et d’aquarelles en grande partie conservés dans l’album du musée Condé. Revenu à Paris en 1827, il fut introduit auprès de la duchesse de Berry pour laquelle il créa l’album lithographique commémorant le bal de Marie Stuart (exposé).

Connu comme peintre militaire, il reçut des commandes du roi Louis-Philippe dès le début de la monarchie de Juillet et peignit des compositions militaires pour le musée du château de Versailles imaginé par le roi. Il fut nommé maître de dessin du duc de Nemours, ce qui lui permit de se lier de manière intime à la famille d’Orléans qu’il suivit un temps dans son exil anglais. Il devint en quelque sorte le peintre officiel des fêtes et des fastes du régime, délaissant la peinture militaire au profit de la représentation de la société élégante. « Peintre du dandysme officiel », selon Baudelaire, il sut décrire avec verve les loisirs aristocratiques et l’élégante modernité des princes d’Orléans.

Eugène Lami fut également un décorateur de génie, précurseur des grandes figures de décorateurs que l’histoire a retenues. C’est aux Tuileries puis à Chantilly qu’il créa des décors d’un éclectisme précurseur, annonçant ceux du Second Empire. L’artiste était polyvalent, à la fois peintre, décorateur, architecte, chineur et ami des grandes familles de l’époque. Ainsi, après les Orléans, ce sont les Rothschild qui se l’attachèrent. A Ferrières ou à Boulogne, il imagina des projets baroques et grandioses, où les références historicistes étaient là encore légion. L’exposition sera l’occasion de les étudier.

Grâce à de nombreux prêts français et internationaux, provenant de collections publiques et privées, l’exposition se proposera de découvrir plusieurs aspects de son oeuvre, en lien avec Chantilly et les collections du musée Condé. L’album de Chantilly permettra de suivre une partie de la carrière et les processus de création de cet artiste virtuose. Des projets de décoration intérieure témoignant d’un certain goût Orléans feront écho aux appartements restaurés ; les portraits enlevés des membres de la famille royale accompagneront les scènes familiales où l’intime rejoint l’histoire. Les scènes de chasses, de courses ou de la vie militaire évoqueront enfin avec panache les activités des membres de la famille d’Orléans.



#Les appartements privés à travers l’histoire

Situés au coeur de la partie la plus ancienne du château de Chantilly, au sein du Petit Château Renaissance bâti à partir de 1557-1558 par l’architecte Jean Bullant pour le compte du connétable Anne de Montmorency, les appartements privés du duc et de la duchesse d’Aumale, appelés aussi Appartements Privés, figurent parmi les espaces les plus chargés en histoire et en émotion du château de Chantilly.

Au XVIIIe siècle déjà, de fastueux appartements y avaient été aménagés pour le duc et la duchesse de Bourbon. La chambre de la duchesse, transformée par la suite en « salon violet », avait ainsi accueilli la mise au monde du duc d’Enghien, dernier descendant de la dynastie de Bourbon-Condé, fusillé dans les fossés du château de Vincennes en 1804 sur l’ordre de Bonaparte. Ne demeure de ces appartements que le boudoir attenant ou « Petite Singerie » (par opposition à la « Grande Singerie » qui se trouve au sein des Grands Appartements), peint par Christophe Huet en 1735 et restauré en 2010-2013.

C’est donc au rez-de-chaussée du Petit Château, entre cour et étang, qu’Henri d’Orléans, duc d’Aumale, héritier du dernier prince de Condé, confia au soin de l’architecte Victor Dubois et du décorateur Eugène Lami l’installation de ses appartements privés après son mariage avec sa cousine Marie-Caroline-Augusta de Bourbon-Siciles le 25 novembre 1844.

Le duc d’Aumale et Eugène Lami ont imaginé une oeuvre d’art totale, où chaque objet et chaque pièce de mobilier a été soigneusement choisi, en adéquation avec les décors créés, le tout au sein d’une distribution repensée, partagée en deux appartements symétriques.



#L’un des premiers ensembles éclectiques conservés en France

L’époque romantique plaça l’histoire au coeur de ses préoccupations et de ses aspirations. Les princes de la famille d’Orléans s’y attachèrent tout particulièrement, et notamment le duc d’Aumale, héritier d’un château séculaire où il succédait à de brillantes dynasties, celles des Montmorency et des Bourbon-Condé. Le duc historien prenait, avec la création de ces nouveaux appartements, officiellement possession des lieux et souhaitait s’inscrire dans une trame historique ininterrompue en rendant hommage à ses prédécesseurs.

Cette ambition fut servie par l’inventivité et les recherches d’Eugène Lami qui fit parfois preuve d’un véritable souci archéologique et historique, reconstituant le pavement du portrait d’Henri IV par Pourbus (musée du Louvre) dans la chambre de marbre ou copiant la cheminée du château de Villeroy (Louvre) pour le salon de Condé. Chantilly abrite ainsi parmi les premiers exemples d’ensemble décoratif aussi complet évoquant les styles historiques ou les néo-styles, formule soumise à un brillant avenir sous le Second Empire et au-delà.

Chez la duchesse, c’est le XVIIIe siècle qui règne en maître, avec les styles Louis XV et Louis XVI qui s’entremêlent indistinctement. Ici comme aux Tuileries, les appartements féminins se devaient d’évoquer ce style précieux, conforme au statut des princesses d’Orléans. Lami s’inspira visiblement des boiseries des Grands Appartements de Chantilly et des décors peints des Singeries, tout en leur conférant une théâtralité inédite.

Chez le duc, on entre dans l’Histoire. Si la salle à manger, transformée plus tard en bureau, présente un style néo-Renaissance, entre les époques d’Henri II et d’Henri IV, le salon de Condé attenant rend hommage aux princes illustres de la branche cadette de la maison de Bourbon dans un style néo-Louis XIV de bon aloi. La chambre du duc, plus éclectique, présente des boiseries du XVIIIe siècle remployées ; les dessus-de-porte évoquent la vie à Chantilly à travers les siècles : Aumale se plaçait ainsi au cœur de son domaine et de son histoire.

Face à la destruction quasiment totale de tous les palais de la Monarchie de Juillet (le Palais-Royal, les Tuileries, Neuilly, Randan, Eu), Chantilly a la chance de renfermer les seuls appartements de l’époque intégralement préservés en France, conservatoire d’un style et d’innovations décoratives prometteurs, oeuvre d’un commanditaire éclairé et d’un décorateur de génie.



#Une restauration spectaculaire

Un ensemble unique et quasiment intouché
Ouverts aux visites guidées en 1993, les Appartements Privés sont restés quasiment dans l’état où ils avaient été laissés à la mort du duc d’Aumale. Quelques restaurations ont été cependant été réalisées depuis, pour maintenir un état de présentation satisfaisant : la tenture de la chambre de la duchesse avait été remplacée à l’identique grâce aux Amis du Musée Condé en 1971. Plus récemment, plusieurs pièces de mobilier ont été restaurées en 2009- 2010, la tenture en satin de soie du salon violet a été retissée en 2008-2009 et la Petite Singerie restaurée en 2010-2013. Un chantier de grande ampleur devenait nécessaire pour redonner à cet ensemble unique en France sa juste valeur.

État des lieux
Boiseries désordonnées et grisâtres, planchers affaissés, tentures et textiles insolés et décolorés, dorures usées, tableaux jaunis… Les injures du temps se faisaient sentir et ne rendaient pas justice aux lieux. Grâce à l’Institut de France, la Fondation pour la sauvegarde et le développement du Domaine de Chantilly et la Direction régionale des affaires culturelles des Hauts-de-France, une restauration des structures et des décors a été menée, sous la maîtrise d’oeuvre de Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des monuments historiques.

Le parti de restauration
Le parti de restauration, fidèle à celui qui régit la restauration du Domaine en général, a été de restaurer en conservation les lieux et leurs oeuvres, selon les dispositions de 1897, date de la mort du duc d’Aumale, connues notamment grâce aux inventaires testamentaires et les photographies d’époque. Une attention particulière a été apportée à la conservation préventive des lieux et des collections. Les conditions climatiques ont été améliorées avec l’augmentation des surfaces des grilles de soufflage ; de même, une attention particulière a été portée à l’apport en lumière, avec l’installation de panneaux occultant permettant de filtrer la lumière extérieure et de produits verriers adaptés. La durabilité des travaux fut un souci constant : ainsi, un sous-parquet a été installé sous le parquet historique de façon à supporter le passage des visiteurs. Au-delà de la restauration en conservation des tableaux, des bronzes dorés, des meubles de menuiserie et d’ébénisterie, la conservation des textiles a été l’un des grands enjeux de ce chantier. Les solutions ont été choisies au cas par cas, selon l’état de conservation des textiles existants. Dès que cela était faisable, le choix a été de conserver les textiles anciens, de les restaurer et de les consolider ou vivifier à l’aide de crêpeline teintée. Quand les textiles ne pouvaient être sauvés, ils ont été soigneusement conservés, en sous-couche sur place ou en réserve. Des fac-similés soigneusement choisis ont remplacé les oeuvres graphiques originales désormais rangées en réserve. Les travaux ont enfin permis de réfléchir à une meilleure mise en valeur muséographique, avec l’aide notamment de nouveaux systèmes d’éclairage.