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“HammershØi” le maître de la peinture danoise
au Musée Jacquemart-André, Paris

du 14 mars au 22 juillet 2019



www.musee-jacquemart-andre.com

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 13 mars 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Vilhelm Hammershøi (1864-1916), Intérieur avec un pot de fleurs, Bredgade 25, 1910 – 1911. Huile sur toile, 78,5 x 71 cm. Malmö Konstmuseum, Suède © Vilhelm Hammershøi /Matilda Thulin / Malmö Art Museum.
2/  Vilhelm Hammershøi (1864-1916), Paysage, 1900. Huile sur toile, 63 x 78 cm. Stockholm, Thielska Galleriet. Photo credit: Tord Lund.
3/  Vilhelm Hammershøi (1864-1916), Intérieur avec une femme debout, n.d. Huile sur toile, 67,5 x 54,3 cm. Ambassador John L. Loeb Jr. Danish Art Collection © TX0006154704, registered March 22, 2005.

 


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Interview de Jean-Loup Champion, historien de l'art et co-commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 13 mars 2019, durée 8'28". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Cinq hommes assis autour d'une table regardent le spectateur dans un silence glacial. Sur le drap blanc donnant à la table l'aspect d'un cercueil, deux bougies et trois verres vides renforcent la présence du néant, le sentiment d'interrompre une veillée funèbre. Vilhelm Hammershøi ôte de sa peinture toute futilité, tout ce qui pourrait distraire la contemplation méditative, il vide sa palette des rouges et des verts, la refroidit dans un nuancier de gris à peine bleutés, un peu d'ocre et de jaune.

Ses amis Peter Ilsted ou Carl Holsøe peignent des foyers vivants, colorés et chaleureux dans lesquels des femmes dressent des tables, élèvent des enfants. A ces scènes domestiques Hammershøi répond par des intérieurs sobres comme des cellules monacales. La vie semble avoir déserté ces murs et ni le jeune homme lisant debout à la lumière d'une fenêtre, ni le secrétaire et la chaise derrière lui ne peuvent contrer le sentiment de stérilité. Lorsqu'il peint son épouse Ida portant un plateau, posant une tasse de porcelaine blanche sur une table, nous sommes loin de la domesticité. La scène grave, figée, semble un lourd rituel religieux n'ayant rien à voir avec un geste du quotidien. Le silence de Vermeer, sa quête spirituelle devient ici le sujet du tableau.

Des paysages, étendues vierges de champs et de collines, bosquets muets sous un ciel immobile invitent à la même prière solitaire que le clocher de l'église de Copenhague. Une minuscule croix noire au bout de l'horizon rappelle presque à regret l'humanité et ses moulins à vent. Les fenêtres d'une école sont sombres, ne reflètent rien du ciel gris en cette matinée d'hiver où l'air ne frissonne même pas. La surface est glacée par une multitude de fines couches superposées. Des voiles imperceptibles finissant dans une infinie patience à animer d'un léger souffle de vie une herbe d'automne, un groupe de nuages transparents. La toile ne ressemble plus à un tableau, elle est brillante et fragile comme de la porcelaine.

De ses études de nu ressort l'impression d'une expérience difficile, douloureuse. Les visages, quand ils ne sont pas effacés per des griffures furieuses trahissent un ennui absent, les doigts sont crispés dans une tension. Hammershøi se retire dans son appartement, peint des intérieurs dans lesquels son unique modèle, sa femme, nous tourne le dos, cachant ce qu'elle est en train de faire. Le silence se fait dans cette immobilité. La nappe sur une table, une porte, un rideau sont le blanc lumineux, la pureté s'opposant au noir d'une robe, l'obscurité d'une table ou d'une chaise, dualité autour de laquelle se structure le monde.

Puis l'habitante s'efface, disparait, et il ne reste plus que les murs, les portes et les fenêtres, quelques meubles. Là ou les peintres amis de Hammershøi représentent un extérieur que l'on voit à travers les vitres, une porosité de la maison ouverte sur le monde, ici l'appartement est l'univers tout entier. La lumière qui projette les carrés de la vitre sur le mur ou le sol ne vient pas du dehors, elle est le personnage, le sujet qui remplit l'espace et l'habite. Dans cette peinture photographique, le jour divise les lignes du parquet, le trait blanc d'une porte ouverte, les moulures, les carreaux d'une fenêtre en trajectoires verticales et horizontales. La peinture entre dans l'abstraction, annonçant ce que fera Mondrian plus tard.

Il fallait bien un musée à échelle humaine, un espace propice au recueillement pour apprécier la peinture de Vilhelm Hammershøi. Sa quête intimiste, son entrée dans l'abstrait ne se livrent pas immédiatement, elles nécessitent de la patience, de savoir arrêter le temps.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :
Jean-Loup Champion, historien de l’art
Pierre Curie, conservateur du musée Jacquemart-André.




Au printemps 2019, le musée Jacquemart-André et Culturespaces organisent une exposition consacrée au grand maître de la peinture danoise, Vilhelm Hammershøi (1864-1916). Pour la première fois depuis 20 ans, des oeuvres mystérieuses et poétiques du peintre seront réunies à Paris.



Hammershøi : silhouettes du quotidien, atmosphères étranges
“Rendre une visite à l’artiste chez lui, c’est comme pénétrer à l’intérieur de l’un de ses tableaux”, rapporte un article de 1911 à propos de Vilhelm Hammershøi (1864-1916). Le peintre a en effet choisi comme sujet de la plupart de ses oeuvres son environnement quotidien et les membres de son cercle intime. De tempérament taciturne, il représente dans ses toiles un monde à son image, baigné d’un étrange silence. Hammershøi joue avec ses intérieurs pour les dépouiller et refuse toute interaction avec son modèle que le spectateur surprend dans une infinie rêverie solitaire. C’est à la découverte de cet univers mystérieux que vous invite l’exposition : en illustrant les liens de l’artiste avec sa famille et ses amis, artistes eux aussi, elle éclairera l’œuvre de Hammershøi d’un jour nouveau.


Une rétrospective du maître de la peinture danoise
Découvert à Paris au Petit Palais en 1987 puis à Orsay en 1997, Hammershøi fascine par ses peintures représentant, dans des gammes de gris et de blanc, des intérieurs vides et subtils où figure parfois la silhouette d’une femme de dos. Les tableaux exposés, dont une partie n’a pas été présentée à Orsay en 1997, évoquent l’ensemble de l’oeuvre de Hammershøi et son atmosphère profonde et mystérieuse. Hammershøi a passé sa vie entière dans un cercle restreint qu’il n’a eu de cesse de représenter : ses modèles sont sa mère, sa soeur, son frère, son beau-frère et quelques amis proches. Ses oeuvres représentent également Ida, son épouse, que l’on retrouve dans nombre des intérieurs qui l’ont rendu célèbre..


Hammershøi face à son cercle proche
Le musée Jacquemart-André abordera l’art de Hammershøi dans une perspective nouvelle en illustrant ses liens avec les artistes de son entourage. Pour la première fois, cette rétrospective permettra de confronter ses oeuvres à des tableaux de son frère Svend Hammershøi, de son beau-frère Peter Ilsted et de son ami Carl Holsøe. Cette mise en regard soulignera leurs affinités, leurs différences et le génie singulier de Vilhelm Hammershøi, l’artiste de la solitude, du silence et de la lumière.