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“Thomas Schütte” Trois actes
au 11 Conti - Monnaie de Paris, Paris

du 15 mars au 16 juin 2019



www.monnaiedeparis.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 14 mars 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Thomas Schütte, Mein Grab, 1981. Painting, framed: 132 x 114 cm; lacqeur on wood,lacqeur on paper.
2/  Thomas Schütte, United Enemies (a play in 10 scenes) 7/10, 1994. 69 x 99 cm, color offset print. Musée national d’art Moderne - Centre Pompidou.
3/  Thomas Schütte, Glaskopf C, Nr.4, 2013. Murano glass, 37 x 36 x 27 cm. Photo : Luise Heuter.

 


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Interview de Camille Morineau,
Directrice des Expositions et des Collections de la Monnaie de Paris, et commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 14 mars 2019, durée 11'04". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire :
Camille Morineau, Directrice des Expositions et des Collections de la Monnaie de Paris
Commissaire associée :
Mathilde de Croix, Commissaire d’exposition à la Monnaie de Paris.




Le 11 Conti - Monnaie de Paris organise la première rétrospective parisienne de l’artiste allemand, majeur et inclassable, Thomas Schütte (né en 1954 et vivant à Düsseldorf). Élève de Gerhard Richter à la Kunstakademie de Düsseldorf jusque dans les années 1980, il est aujourd’hui reconnu comme l’un des principaux réinventeurs de la sculpture. Il est autant marqué par l’art minimal et conceptuel que par la sculpture classique et ses grands codes de représentation. Il a bénéficié de plusieurs grandes monographies et rétrospectives européennes dont dernièrement, le Moderna Museet, Stockholm (2016) la Fondation Beyeler, Bâle (2013), la Serpentine Gallery, Londres (2012). Il a reçu le Lion d’Or à la Biennale de Venise en 2005. Ses oeuvres font partie des collections des plus grands musées et sont très régulièrement exposées.

Cette rétrospective est intitulée « Trois Actes », traduction de Dreiakter, oeuvre la plus historique de l’exposition, datant de 1982 et appartenant aux collections du Centre Pompidou. «Mes oeuvres ont pour but d’introduire un point d’interrogation tordu dans le monde». Le choix des oeuvres témoigne de sa troublante et grinçante analyse de l’organisation de la société et de son impact sur les individus. L’exposition est construite en trois temps, trois actes qui s’entrecroisent en permanence d’une salle à l’autre. Elle inclut la présentation de plusieurs séries majeures de son travail comme les United Enemies, les Aluminium Frau et Vater Staat ainsi que des œuvres inédites.

Le premier acte s’articule autour de la représentation de la figure humaine – homme et femme – tantôt monumentale, tantôt minuscule, qui se plie à toute sorte de distorsions et transformations. Le deuxième acte conduit le visiteur à découvrir la relation étonnante que l’artiste entretient avec la mort et ses possibles représentations : masques mortuaires, esprits facétieux, fleurs fanées, urnes funéraires... Le troisième acte présente les modèles architecturaux qui sont autant de monuments de notre civilisation faisant grimacer, à l’instar de One Man House, tout à la fois lieu de retraite et prison, ou Ferienhaus für Terroristen aux accents modernistes. Plusieurs de ses maquettes ont été réalisées à l’échelle 1 dont Kristall II installée dans le Salon Dupré, maison de contemplation dans laquelle le visiteur pourra entrer. L’artiste passe de la maquette à l’architecture grandeur nature, de la miniature à la sculpture monumentale. Les oeuvres de Thomas Schütte investissent l’espace public et s’exposent dans la totalité des cours intérieures avec des sculptures magistrales et inédites, accessibles à tous. Ainsi cette rétrospective est construite en tandem, à l’image de son oeuvre, les espaces intérieurs faisant écho aux espaces extérieurs de la Monnaie de Paris.

L’exposition est le fruit d’une étroite collaboration avec Thomas Schütte grâce à son exceptionnelle implication. Elle bénéficie également de partenariats avec des musées français dont le Musée National d’Art Moderne, le Musée de Grenoble, le Carré d’Art de Nîmes et la Pinault Collection.

Cette exposition prolonge des axes forts de la programmation de la Monnaie de Paris : exposer les grands sculpteurs des XXe et XXIe siècles, et réfléchir sur le savoir-faire et le geste artistique sur un site dont l’usine est encore en activité.


L’exposition sera accompagnée d’une publication bilingue (en français et anglais) incluant les oeuvres exposées, une introduction et des essais inédits.






Extrait du catalogue de l’exposition - introduction de Camille Morineau, directrice des expositions et des collections de la Monnaie de Paris

« Thomas Schütte entretient avec la France des relations précoces et particulières. C’est là qu’il a trouvé ses premières galeries – Philip Nelson, à Lyon en 1984 puis à Paris, Pietro Sparta à Chagny en 1989 – qui ont souvent présenté son travail et permis sa présence importante dans les collections publiques françaises : au Centre Pompidou (dès 1984), au Carré d’art de Nîmes, au musée d’Art moderne de la Ville de Paris et au musée de Grenoble, pour n’en citer que quelques-uns, ces trois dernières institutions ayant régulièrement montré l’œuvre de l’artiste tôt (1990 à Paris, 1994 à Nîmes, 2003 à Grenoble). À cela s’ajoute l’engagement passionné de grands collectionneurs privés français comme Anne-Marie et Marc Robelin, ou Anne Dias, certaines des collections ayant ouvert des lieux publics comme la Pinault Collection, qui comporte un fond exceptionnel du travail de Schütte, ou encore, cette-fois au-delà de nos frontières, la collection Flick à Berlin. Toutes et tous ont été essentiels à ce projet et je les en remercie, ainsi qu’au premier chef, l’artiste : de sa générosité et de sa loyauté, deux qualités devenues si rares et sans lesquelles cette exposition n’aurait pu se tenir.

Cela fait quinze ans que l’oeuvre de Thomas Schütte n’a pas été montrée en France, presque trente que les parisiens ne l’ont pas vue et il n’existe quasiment pas de publication en français sur celle-ci.

(…)

Qui suit son travail de près – conservateur, collectionneur ou critique d’art – est certes habitué à la surprise, mais n’y est jamais correctement préparé, si bien que maintes fois l’arrivée dans son atelier ou dans une exposition de ses oeuvres récentes provoque la même stupéfaction mêlée d’admiration. Alors qu’on s’était habitué au sérieux des modèles d’architecture qui marquèrent son entrée dans le monde de l’art, qui s’attendait à ce que surgissent des figures grotesques et gesticulantes dix ans après ? À peine ces figures masculines s’étaient-elles imposées jusqu’à devenir monumentales, qu’il fut nécessaire d’admettre que leur contrepoint, des nus féminins d’abord de petite taille et en céramique, puis couchés sur des grandes tables, allait peu à peu les supplanter en nombre. Juste au moment où le dialogue entre figures – masculines et féminines – et architectures est intégré, et que la critique s’habitue à une association pourtant improbable entre le tragique et le grotesque, le politique et l’érotique, voilà que l’artiste arrive, avec un humour presque enfantin, à déplacer encore le « jeu ». Depuis quelques années, il produit des fontaines à partir d’un bestiaire fantastique où nous sommes bien en peine de reconnaître un lapin, un chien ou un dragon – d’autant que Schütte raconte qu’il s’est contenté d’agrandir des objets en pâte à modeler réalisés par ses enfants lorsqu’ils étaient petits, et gardés dans des boîtes en souvenir. En 2017, d’étranges tableaux-sculptures en céramique, qui peuvent aussi être interprétés comme des drapeaux, nous ont laissés sans voix : Schütte devenait-il abstrait ? La réponse sous forme d’estocade eut lieu il y a quelques mois à la galerie Freeman à New York, où une série de portraits à l’aquarelle de jazzmen ouvrait encore une nouvelle porte dans cet univers mobile, en expansion.

À y bien réfléchir, Schütte a toujours été là où personne n’allait, s’est déplacé là où personne ne l’attendait. Cela peut vouloir dire rester trente années dans la même ville et dans le même atelier, alors que tout le monde bouge; se concentrer sur la forme, le « faire » et les lois des matériaux, sur le conseil des artisans, céramistes, verriers, fondeurs, alors que l’art est conceptuel ou politique ; utiliser les matériaux dont personne ne veut, par ordre d’apparition et sans exhaustivité : le carton, les planches de bois, la céramique, la cire, la pâte à modeler, le verre; être le premier à faire du modèle d’architecture un chapitre essentiel de la sculpture ; montrer la figure quand elle n’est plus regardée et la travailler en profondeur, sans craindre de se mesurer aux épaisseurs de l’histoire, y compris de celle de l’art public et donc de l’art politique et devenir, enfin, un artiste-architecte et pousser jusqu’à la construction d’un lieu, où il ne montrerait son travail que par intermittence, entre deux expositions des sculpteurs qu’il admire, la Skulpturhallen.

C’est là que j’ai découvert, il y a quelques mois, une typologie d’oeuvres inédites, les Modelle des objets de la taille de la main, souvent des assemblages, qui sont depuis les années soixante-dix des esquisses de sculptures, à l’image des carnets d’aquarelle que Thomas Schütte tient depuis longtemps et qui restent aussi en grande partie inédits. Du minuscule au très grand, du collage à la sculpture et du dessin à l’architecture : une caractéristique essentielle de son travail est que tout était déjà là. Être devenu directeur d’un centre d’art et parfois commissaire de ses expositions n’est sans doute pas étranger à la décision récente de l’artiste de révéler ce réservoir de formes, ce processus qui consiste à travailler librement un même motif à plat et en volume, en plusieurs matériaux, de l’échelle de la main à celle de l’architecture, parfois à plusieurs décennies d’intervalle».

(…)