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“La Lune” Du voyage réel aux voyages imaginaires
au Grand Palais, Paris

du 3 avril au 22 juillet 2019



www.grandpalais.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 1er avril 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Leonid Tishkov, Private Moon, 2003-2017. Plexiglass, Led et générateur, H. 100 ; L. 200 : prof. 13 cm. Collection de l’artiste et RAM radioartemobile. © Léonid Tishkov.
2/  Hans Hartung, Lune, 1916. Épreuve gélatino-argentique contrecollée sur panneau, H. 38 ; L. 27 ; ép. 1,5 cm. Antibes, Fondation Hans Hartung et Anna-Eva Bergman. Photographie © Fondation Hartung-Bergman.
3/  Anne Louis Girodet, Endymion. Effet de lune, dit aussi Le Sommeil d’Endymion, 1791. Huile sur toile, H. 198 ; L. 261 cm. Paris, musée du Louvre, département des Peintures. Photo © Musée du Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Angèle Dequier.

 


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Interview de Philippe Malgouyres,
conservateur en chef, Département des objets d’art du musée du Louvre et co-commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 7 mars 2019, durée 24'25". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Alexia Fabre, conservatrice en chef, directrice du Mac Val, musée d’art contemporain du Val de Marne
Philippe Malgouyres, conservateur en chef, Département des objets d’art du musée du Louvre.



La célébration du cinquantenaire des premiers pas de l’homme sur la Lune nous offre l’occasion de célébrer la longue relation des hommes avec cet astre familier, à travers des d’oeuvres d’art qui ont incarné les multiples formes de cette relation. Cette exposition articulée en cinq parties propose au visiteur de se confronter aux créations artistiques de l’Antiquité à nos jours, de l’Europe et d’ailleurs, inspirées par la Lune.

De la lune à la Terre, du voyage réel au voyage imaginaire
L’exposition débute par le voyage réel, en juillet 1969. Elle propose ensuite de remonter le temps, à travers les voyages rêvés par la littérature et les arts vers la Lune. Depuis l’Antiquité, l’idée de se rendre dans la Lune par les moyens les plus fous déchaina l’inventivité et l’imagination la plus débridée. Avec l’expédition d’Apollo 11, le voyage, devenu réalité, inaugure le début d’une nouvelle ère. Pourtant, l’imagination n’y perd pas ses droits, bien au contraire : à la fantaisie s’ajoute de grandes interrogations sur l’humanité, la place des femmes, le nationalisme, l’inégalité du développement économique.

La Lune observée
La première tentative de dessiner la Lune est de Thomas Harriot en 1609. A partir de Galilée, des instruments de plus en plus précis ont permis d’en explorer la surface : la Lune est observée. Les premières cartes de la planète sont dessinées au milieu du XVIIe siècle. A la fin de ce siècle, Cassini réalise une carte plus précise que les précédentes qui restera une référence jusqu’à l’apparition de la photographie. La présentation de la réplique de la lunette de Galilée, des premiers dessins et cartes, puis de photographies illustreront l’évolution d’un regard de prise de connaissance, à la recherche d’une vérité objective dont ne sont jamais absente le rêve et la contemplation esthétique.

Les trois visages de la Lune
Le parcours articule en trois sections l’évocation des trois visages de la Lune ou de ses trois humeurs : caressante, changeante ou inquiétante. Le premier visage est bénéfique et caressant ; c’est la Lune qui protège et qui inspire. Sous sa protection, l’homme rêve, aime, dort, prie ou médite. Ainsi, dans le célèbre tableau de Girodet, Endymion endormi, Diane visite sous la forme d’un rayon lumineux le sommeil du beau jeune homme, et le caresse de sa lumière. Le second visage est celui de la Lune changeante, versatile, dont les mutations scandent le temps des hommes et organisent leurs calendriers. Les croyances populaires en font l’origine de l’humeur des femmes, qualifiée de « lunatique ». Ses rythmes deviennent phénomènes optiques inspirant de nombreux artistes du XXe siècle. Enfin, le troisième visage est celui de l’astre des ténèbres, de la mélancolie ou de la folie : la Lune noire ou démoniaque, source de fantasmes et de peurs.

La Lune est une personne
La quatrième partie de l’exposition montre que, depuis l’antiquité, cet astre lointain est une divinité proche, de forme humaine, tantôt homme, tantôt femme, ayant souvent différents aspects liés à ceux, changeants, de la Lune. Si en Egypte, en Mésopotamie ou dans l’hindouisme moderne la Lune est déifiée sous une forme masculine (Thot, Nefertoum, Sîn, Chandra), l’antiquité classique la fait femme : Artémis, Diane, Séléné, Hécate. Dans le christianisme, la Vierge, qui reflète la lumière mais ne la produit pas, va être aussi associée à la Lune.

Une expérience partagée de la beauté
La dernière partie de l’exposition montre la Lune comme source d’inspiration, proche et mystérieuse, qui dévoile la Nature sous une lumière réfléchie, étrange, intime, mélancolique, et toujours contemplative, propice à un renouvellement du thème du paysage. Elle est une expérience à part entière de la beauté. Une ultime promenade méditative sous le regard de la Lune.

L’exposition se clôt sur L’endymion endormi de Canova, moment paisible de contemplation.


 




Extraits du catalogue de l’exposition
- éditions Réunion des musées nationaux-Grand Palais, Paris 2019

Cette exposition est née d’une date anniversaire : il y a cinquante ans, dans la nuit du 20 au 21 juillet 1969, deux hommes marchèrent sur la Lune. L’immense portée de cet exploit, où l’Homme dépassa les limites assignées par la Nature, n’est pas seulement de l’ordre du progrès, de la technologie et plus largement de la « conquête ». L’événement est aussi puissamment symbolique, un caractère qui nous frappe aujourd’hui peut-être davantage, avec un demi-siècle de recul. Nous avons choisi d’y voir le point culminant de la relation que l’humanité entretient depuis toujours avec cet astre, luminaire de la nuit et marqueur du passage du temps.

Cette relation est aussi diverse que paradoxale et s’incarne de bien des manières : la fascination et la satire, l’attirance pour la Lune et la crainte de ses pouvoirs, la vénération pour le signe divin et la déception devant ce caillou stérile comparé à un fromage depuis l’Antiquité... La Lune est le lieu de tous les possibles, de toutes les rêveries : elle est une page blanche sur laquelle les Terriens peuvent écrire toutes les histoires. Séjour des âmes des morts, soeur du Soleil, demeure d’un vieil homme ou d’un lapin, elle est la destination de voyages improbables où nous découvrons les Sélénites, lesquels nous révèlent, comme dans un miroir sans complaisance, toute l’étendue de nos ridicules.

Nous avons pu mesurer cette déconcertante variété lors de la préparation de l’exposition : dès que nous avons parlé de ce projet aux amis, aux collègues, chacun avait immédiatement des idées, des suggestions. Cette prolifération même devint la difficulté à résoudre, que nous avons choisi de placer au coeur de cette exposition.

C’est pourquoi l’on n’y trouvera pas de récit encyclopédique des rapports de l’humanité avec la Lune, mais, au contraire, une diversité de voix, de moments, de cas et d’oeuvres d’art, qui exemplifient les thèmes privilégiés. Nous n’avons pas abandonné la belle idée de le faire aussi universellement que possible, mais toujours sous la forme de visions ou de fragments.

L’image kaléidoscopique qui en résulte nous semble au fond la plus juste : la Lune appartient véritablement à tous et ne se laisse enfermer dans aucun discours. Laissons l’imagination et la poésie régner dans le monde de la Lune. Ce sera là notre ultime ambition, renvoyer chacun à la contemplation et à la rêverie.

Alexia Fabre, Philippe Malgouyres, commissaires de l’exposition

 

 

 

Anthologie poétique 1350 - 1968 (extraits) établie par Joseph Laporte et Philippe Malgouyres
Marguerite Yourcenar (1903-1987), Endymion, 1929

Mère éthiopienne aux mamelles d’étoiles,
Matrice où l’univers éclôt avec lenteur,
Nuit dont la noire chair a de luisantes moelles,
Ombre laiteuse au Pôle et verte à l’équateur.
Nuit, secrète tiédeur où les corps se pénètrent,
Où l’âme se répand en de sombres parfums ;
Minuit, zéro de l’heure, étonnement des êtres,
Où rôdent, spectres blancs, d’autres minuits défunts.
[…]
Nuit qui fait resplendir sur la beauté du pâtre
La pâleur de la lune et celle du désir
Touffes noires de l’ombre au creux chaud d’un albâtre,
Sépulcre sidéral où saigne du plaisir.
[…]
Le jour, je me cherchais, la nuit, je me retrouve ;
Le sein primordial un instant s’est rouvert ;
Et ma chienne à mes pieds, comme une sombre louve,
Lèche sur mes orteils la blancheur de l’hiver.
La nuit emplit mes flancs, mes vaisseaux, mes vertèbres,
Le sein froid de Diane a de sombres appâts ;
Blotti comme un enfant sur le coeur des ténèbres,
Je glisse éperdument vers tout ce qui n’est pas.
J’ai cessé d’espérer, de poursuivre ou d’étreindre ;
Je ne suis qu’un oubli respirant et bercé.
L’ombre, secret giron où plus rien n’est à craindre,
Fait de l’immense vie un cauchemar passé.
La nuit résout en moi l’énigme qui m’obsède :
Mon corps fond comme un miel dans ce nocturne été ;
Et l’être, chaque soir, qui se livre et qui cède,
Passe des bras de Pan dans les bras d’Astarté.