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“Génération en Révolution” Dessins français du musée Fabre, 1770-1815
au musée Cognacq-Jay, Paris

du 16 mars au 14 juillet 2019



www.museecognacqjay.paris.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Benjamin Couilleaux, le 25 mars 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  François-Xavier Fabre (1766-1837), Personnage nu saisissant un cube de pierre, 1787-1792. Dessin au crayon noir avec rehauts de blanc sur papier, 58 x 44 cm.
2/  Jacques Bertaux (1747-1819), L’Attaque des Tuileries, vers 1793. Plume, encre brun-noir, encre brune et lavis, lavis gris, rehauts de gouache blanche, mise au carreau au fusain, dessin préparatoire au crayon graphite sur papier vergé Üligrané, 44 cm x 68,2 cm.
3/  Anne-Louis Girodet de Roucy-Trioson (1767-1824), Énée et ses compagnons abordant dans le Latium, vers 1790-1793. Plume, encre noire et lavis, rehauts de gouache blanche sur papier vergé teinté brun, 21,4 x 16,3 cm.

 


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Interview de Benjamin Couilleaux,
directeur du musée Bonnat-Helleu et co-commissaire scientifique de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 25 mars 2019, durée 23'29". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat général :
Annick Lemoine, directrice du musée Cognacq-Jay
Rose-Marie Herda-Mousseaux, conservateur en chef pour l’époque moderne au Louvre Abu Dhabi
Michel Hilaire, directeur du musée Fabre

Commissariat scientifique :
Benjamin Couilleaux, directeur du musée Bonnat-Helleu, Bayonne
Florence Hudowicz, responsable du département des arts graphiques et des arts décoratifs au musée Fabre, Montpellier




L’exposition explore les choix d’une génération d’artistes qui ont eu trente ans pendant la Révolution. Le système artistique dans lequel ils évoluaient jusqu’alors est totalement bouleversé. Comment s’adaptent-ils ? Quelles sont leurs prises de position et leurs stratégies ? Les artistes sont amenés à repenser profondément leur pratique, leurs circuits de diffusion ainsi que les sujets traités ou les orientations stylistiques, entre néoclassicisme et préromantisme.

Support intime par excellence, le dessin reflète la richesse et la diversité de cette période charnière. Le musée Cognacq-Jay présente une sélection de 80 dessins exceptionnels issus de la collection du musée Fabre de Montpellier, qui témoignent de cette accélération de l’Histoire, prélude à la modernité. Ils sont exposés à Paris pour la première fois.

Les décennies qui marquent le passage du XVIIIe au XIXe siècle constituent une période de bouleversements politiques, économiques et sociaux majeurs. Le monde des arts est lui aussi métamorphosé : les commandes royales disparaissent, les Académies sont supprimées, les grands chantiers annulés.

L’exposition, élaborée avec le musée Fabre de Montpellier, rend compte du renouvellement des pratiques, des formes, des sujets et des sensibilités, issu de ces bouleversements. Tandis que la naissance d’un idéal patriotique et républicain incite des artistes à puiser leurs sujets dans l’Histoire antique, les représentations de scènes intimes et pittoresques connaissent aussi un essor sans précédent.

Centrée sur le dessin, l’exposition présente un corpus de près d’une centaine de feuilles remarquables, réunies pour la plupart par l’un des élèves préférés de David, le peintre François-Xavier Fabre, également collectionneur et expert. L’ensemble légué par l’artiste à sa ville natale constitue le noyau fondateur du musée Fabre. Autour de la personnalité de Fabre sont réunis les plus grands artistes de l’époque : David, Girodet, Vien, Fragonard ou encore Prud’hon.

Le parcours de l’exposition s’articule en quatre sections thématiques présentant les différents genres pratiqués par les artistes de l’époque, la constitution de mouvements artistiques et l’affirmation d’individualités mais également la diversité des techniques graphiques employées.






Parcours de l’exposition :


Dessiner pour apprendre

« Ce que je n’ai pas dessiné, je ne l’ai pas vu. » Cette phrase célèbre, attribuée à tort ou à raison à l’écrivain allemand, mais aussi dessinateur, Johann Wolfgang von Goethe (Francfort, 1749 – Weimar, 1832), illustre l’importance du dessin dans l’expérience du monde. Depuis la Renaissance, le disegno italien, qui englobe les termes français « dessin » (l’art qui enseigne et utilise la technique) et « dessein » (idée que l’on forme d’exécuter quelque chose), occupe une place particulière dans les réflexions sur l’art. Par l’économie de moyens qui le caractérise, mais aussi par l’habileté qu’il traduit, le dessin révèle le talent de l’artiste, capable de penser le monde qui remet la figure de l’homme en son centre. L’Académie royale de peinture et de sculpture en oblige l’apprentissage dès sa création en 1648. La bonne maîtrise du dessin repose sur un ensemble de savoirs extrêmement diversifié – la géométrie, la perspective et l’anatomie –, dont l’étude est indispensable. On assiste durant ces années charnières 1770-1815 à une glorification de la pratique du dessin et de ses vertus. Le dessin le plus noble reste celui consacré à l’homme, perfection de la nature, conçue à l’image de Dieu. Son imitation experte est un préalable indispensable à la maîtrise de tous les autres arts : le dessin de nu, exclusivement masculin à l’époque, est appelé « académie ». L’enseignement classique exige la maîtrise parfaite de l’étude d’après le modèle vivant, ainsi que la copie d’après l’antique. L’ambition ultime consiste à dépasser ces deux modèles a¡n d’atteindre le beau idéal. L’objectif de cette démarche demeure in ¡ne la mise en scène des divers personnages qui composent un tableau d’histoire.


Éloge de l’individu
Au XVIIIe siècle, les philosophes des Lumières, héritiers de la vision humaniste de la Renaissance, définissent le statut de l’Homme dans sa dimension individuelle, au coeur d’une société qu’ils voudraient éclairée et moderne : être rationnel, l’Homme doit être libre de ses choix. Ces penseurs confirment la primauté des objectifs terrestres sur les ¡ns célestes, de la quête du bonheur sur celle du salut. Désormais, les arts représentent les plaisirs de la vie, menus et grands, dans le théâtre de la nature. La peinture d’Histoire conserve sa primauté, mais le portrait et la scène de genre acquièrent une nouvelle importance, traduisant au plus près la sensibilité de l’époque, bouleversée par la période révolutionnaire. Dans un monde en pleine mutation, l’instabilité politique et les conflits avec les pays voisins contraignent les artistes, qu’ils travaillent à Paris ou à Rome, acquis ou non aux idées révolutionnaires, à s’adapter à des conditions économiques difficiles. Le portrait et la scène de genre – deux catégories moins exposées aux fluctuations politiques que la peinture d’histoire – connaissent alors un nouvel essor. Les petits formats, de commerce plus facile à l’achat comme à la vente, sont privilégiés dans un marché de l’art en reconfiguration. L’art de l’autoportrait comme la représentation des artistes illustres s’inscrivent dans une tradition littéraire classique et annoncent la transformation de la figure de l’artiste, qui devient visionnaire sous la plume des écrivains du XIXe siècle, tel un « mage » pour Victor Hugo, ou un « phare » pour Charles Baudelaire.


Les vertus de l’histoire
Les grands faits du passé, plus particulièrement ceux tirés de la Bible et de l’Antiquité, constituent des modèles à suivre, que doivent figurer les artistes les plus estimés. L’hégémonie du genre historique est exacerbée par le renouveau culturel de la Révolution. Alors que les Salons institués par l’Ancien Régime se poursuivent, les peintres les plus ambitieux y présentent des tableaux d’Histoire monumentaux, patiemment préparés par de nombreux dessins de détail ou d’ensemble. L’art antique demeure une référence esthétique fondamentale pour les sujets d’histoire, au même titre que les grands maîtres italiens et français du XVIIe siècle. Le sursaut civique de la République naissante incite à multiplier les exemples de vertu des anciens Romains acquis au même idéal patriotique. Les mythes classiques sont relus à la lumière des événements ou des sentiments politiques des artistes, en renouvelant ainsi une iconographie connue. Aux sujets traditionnels s’ajoutent désormais les scènes de l’Histoire politique contemporaine, transformées par le pinceau de Jacques-Louis David et de ses élèves en de véritables icônes. D’autres imaginaires fascinent les artistes contemporains de la Révolution, tels que le passé national médiéval ou bien le Proche-Orient, mieux documenté par les recherches scientifiques et les campagnes militaires de l’époque. Ces nouveaux horizons sont à l’origine de courants artistiques – le néogothique ou l’orientalisme –, qui vont marquer l’ensemble du XIXe siècle.


Voyages et nature
Au tournant du XVIIIe siècle, l’Italie fascine encore, tant pour ses chefs-d’oeuvre antiques et modernes que pour ses vastes panoramas aux effets lumineux saisissants. Les artistes français qui séjournent dans la péninsule, en particulier François-Xavier Fabre et son entourage, s’aventurent dans la campagne romaine ou toscane pour immortaliser ses sites grandioses, où la nature sublime domine la figure humaine. Volontiers inspirés par les exemples de Claude Lorrain et Nicolas Poussin, ils oscillent entre une vision idyllique et une interprétation presque abstraite des lieux qu’ils parcourent. Les vestiges archéologiques, nouvellement célébrés, ou l’urbanisme des cités italiennes deviennent l’objet de représentations aussi précises que pittoresques, sur un mode déjà touristique. De Venise à la Sicile, les artistes aiment à restituer les monuments du passé aussi bien que les us et coutumes de la population locale. Si l’Italie demeure un lieu de pèlerinage incontournable, un nouvel intérêt pour le paysage français se fait jour. Les artistes découvrent la richesse des vestiges gallo-romains conservés sur le territoire national, tout comme la singularité des panoramas du Midi. La campagne aux alentours de Montpellier, sur les bords du Lez, donne naissance à une production locale fascinante, qui annonce, par sa spontanéité et son lyrisme, les développements du genre du paysage, de Jean-Baptiste Camille Corot aux Impressionnistes.