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“Picasso et la guerre” article 2681
au musée de l’Armée, hôtel des Invalides, Paris

du 5 avril au 28 juillet 2019



www.musee-armee.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 3 avril 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Anonyme, La ville de Guernica en ruines après le bombardement du 26 avril 1937, Paris. © Musée national Picasso-Paris, RMN-Grand Palais / Adrien Didierjean / Droits réservés.
2/  Dora Maar (Henriette Théodora Markovitch) (attribué à) (1907-1997), Pablo Picasso dans la chambre forte de la Banque nationale pour le commerce et l'industrie (BNCI), Paris, 1939. © Musée national Picasso-Paris, RMN-Grand Palais / Mathieu Rabeau / ADAGP, Paris / Succession Picasso 2019.
3/  Pablo Picasso (1881-1973), Cheval caparaçonné et chevalier en armure, 24 janvier 1951. © Musée national Picasso-Paris, RMN-Grand Palais / Daniel Arnaudet / Succession Picasso 2019.

 


2681_Picasso-guerre audio
Interview de Laëtitia Desserrières, chargée des collections de dessins au département iconographie
du musée de l’Armée et co-commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 3 avril 2019, durée 16'07". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :

Musée de l’Armée
Laëtitia Desserrières, chargée des collections de dessins au département iconographie
Clotilde Forest, documentaliste au département expert et inventaire
Vincent Giraudier, chef du département historial Charles de Gaulle
Isabelle Limousin, conservatrice du patrimoine, chef du département expert et inventaire

Musée national Picasso-Paris
Émilie Bouvard, conservatrice du patrimoine, chargée des peintures (1938-1973), de la recherche et de l’art contemporain

Assistés de Louise Faucheux, Magali Fontan, Clémence Laurent, Antoine Leriche, Tiphaine Mayran, Nathalie Pouderoux

comité scientifique
Annette Becker, historienne et professeure d’histoire contemporaine des universités Paris-Ouest- Nanterre-La Défense
Laurence Bertrand Dorléac, historienne, professeure d’histoire de l’art à l’Institut d’études politiques de Paris
Guy Krivopissko, professeur d’histoire, ancien conservateur du musée de la Résistance nationale de Champigny-sur-Marne
Brigitte Léal, directrice-adjointe en charge des collections - Centre Pompidou Musée national d’art moderne - Centre de création industrielle




De la guerre d’indépendance cubaine à la guerre du Vietnam qui s’achève deux ans après son décès, Picasso (1881-1973) a été le contemporain de conflits majeurs. Cette exposition, organisée par le musée de l’Armée et le Musée national Picasso-Paris, explore de façon inédite les différentes manières dont la guerre nourrit et influence l’œuvre de Picasso, tout au long de son parcours artistique.

Les conflits armés ont ponctué l’existence de celui qui, Espagnol résidant en France de 1901 à son décès en 1973, n’a paradoxalement jamais participé activement à une guerre, ni même été soldat. Libéré de l’obligation de service militaire, l’artiste a vécu les guerres du XXe siècle en tant que civil. Considéré comme un phare et célébré dès la Libération comme artiste résistant et militant, ses prises de position politiques lui confèrent un rôle inédit dans l’Histoire en cours.

Picasso a sans cesse affirmé que la création était son « journal ». Un journal personnel et secret qui relève de l’intimité. Au cours de ce XXe siècle marqué par les deux conflits mondiaux et le totalitarisme, il y aborde le tragique contemporain et la guerre.

Dès l’enfance, la guerre et les motifs guerriers sont présents dans l’oeuvre en devenir du jeune Picasso. Dès l’automne 1912, l’artiste insère des coupures de journaux relatives au conflit balkanique dans certains de ses papiers collés. Puis la guerre frappe la France, où Picasso réside désormais, et touche ses plus proches amis, partis au front.

Le déclenchement de la guerre d’Espagne, moment crucial, donne de nouvelles responsabilités à Picasso. Nommé à la direction du musée du Prado à Madrid, il peint, à la suite du bombardement de Guernica, une toile monumentale portant son nom.

Le début de la Seconde Guerre mondiale, puis l’Occupation, placent l’artiste dans une situation de profonde incertitude. Dans cette période d’importants bouleversements, l’art moderne, celui de Picasso en particulier, qualifié de « dégénéré » dans l’Europe sous domination nazie, rencontre un succès grandissant aux États-Unis. L’artiste, replié dans un « exil intérieur » dans son atelier rue des Grands-Augustins, devient l’épicentre d’un réseau de relations avec des peintres ou intellectuels français, mais aussi allemands.

À la Libération, l’artiste s’engage et engage désormais son art au bénéfice de causes politiques. La guerre et ses motifs, mais aussi la paix et ses symboles traversent après-guerre l’oeuvre de Picasso, devenu une figure populaire.

L’exposition suit à la fois une progression chronologique et chrono-thématique. Les œuvres de Picasso et ses archives personnelles, dans toute leur diversité dialoguent avec un ensemble de pièces contextuelles (presse, photographies, objets) évoquant la réalité et les modes de diffusion des conflits contemporains de sa production. Elle explore les différentes manières dont la guerre nourrit et impacte l’oeuvre de Picasso, tout au long de son parcours artistique. OEuvre connue de tous dans la production de l’artiste, Guernica ouvre le parcours de l’exposition représentée par une photographie de Dora Maar prise dans l’atelier des Grands-Augustins. Elle constitue un point de bascule dans la carrière de l’artiste, puisqu’elle marque le début de l’engagement public de l’artiste. Des prêts français et étrangers viennent nourrir le propos et apporter un nouveau regard sur le sujet.

Cette exposition est organisée par le musée de l’Armée et le Musée national Picasso-Paris, en partenariat avec le musée de la Résistance nationale à Champignysur-Marne. Elle est placée sous le haut patronage de Son Excellence l’ambassadeur d’Espagne en France et bénéficie du soutien du CIC, grand partenaire du musée de l’Armée.





Parcours de l’exposition

Picasso, né en 1881 et mort en 1973, a été le contemporain de conflits majeurs. Si l’artiste ne s’est jamais engagé en tant que soldat, il a vécu les guerres du XXe siècle en tant que civil, en tant qu’Espagnol et en tant qu’Espagnol résidant en France. La relation de Picasso à la guerre est complexe. Les représentations de conflits sont très rares dans son oeuvre, et les prises de position publiques de l’artiste ponctuelles au regard de ses quatre-vingt-douze années d’existence et de ce XXe siècle marqué par deux guerres mondiales, la guerre froide et les conflits liés à la décolonisation. Comment Picasso parvient-il à toucher ses contemporains par son oeuvre et ses moyens picturaux, au-delà des cercles artistiques, et à écrire l’histoire de son époque ? L’une de ses oeuvres, Guernica, est devenue l’icône universelle du pacifisme. La toile monumentale peinte par l’artiste dans les jours qui suivent le bombardement de la ville basque, le 26 avril 1937, scinde le siècle de Picasso en deux : dans sa relation à la guerre, il y a un avant et un après Guernica.

1. La fabrique de la peinture d’histoire
Formé aux côtés de son père, José Ruiz y Blasco (1838-1913), ainsi que dans différentes écoles et académies des Beaux-Arts (La Corogne, Barcelone, Madrid), Picasso suit l’enseignement classique d’un artiste du XIXe siècle où la hiérarchie des genres domine encore, donnant la prééminence à la peinture d’histoire. Pendant son enfance et sa période de formation, la guerre et ses motifs sont présents dans son oeuvre (croquis et scènes de batailles). Il développe dès son plus jeune âge un intérêt pour l’histoire de son pays, marqué par les conflits traumatiques de la fin du XIXe siècle. Exempté de l’obligation de service militaire, Picasso se rend à Paris en 1900, au moment de l’Exposition universelle. Ses premiers engagements, en faveur d’anarchistes espagnols avec la signature du « Manifeste de la colonie espagnole résidant à Paris » en 1900, et sa participation à la manifestation contre l’exécution de Francisco Ferrer en 1909, sont peut-être à l’origine de son engagement pacifiste.

2. En marge de la Première Guerre mondiale
Alors que les prémices du premier conflit mondial touchent les Balkans en 1912, la guerre frappe pendant l’été 1914 la France où Picasso réside désormais. Ses plus proches amis partent au front. En tant que ressortissant d’un pays neutre, l’artiste n’est pas mobilisé. Fait remarquable, Picasso ne représente pas ce conflit d’une ampleur inédite. Absorbé par les recherches formelles menées sur le cubisme, la figuration d’inspiration cézannienne, puis pointilliste, Picasso paraît dissocier complètement son art des événements en cours, et particulièrement de la guerre qui bouleverse le continent européen. Elle surgit toutefois sous des formes inattendues, non en tant que motif esthétique, mais dans des documents privés, voire intimes, qui révèlent son soutien à la France comme l’attention soucieuse qu’il porte à la situation de ses proches. Au fil des mois, la figure d’Arlequin, déjà présente pendant la période rose principalement, s’impose à nouveau dans son art.

3. De l’inaudible à l’indicible : Guernica
Les années 1930 voient Picasso s’affirmer dans le champ politique. Si la montée des fascismes en Europe trouve d’abord peu d’échos visibles dans son oeuvre et sa vie, son amitié avec le poète Paul Éluard, proche du Parti communiste et la relation amoureuse qu’il entretient avec la photographe et militante antifasciste Dora Maar à partir de 1935, l’engagent à prendre des positions publiques. Soutien officiel du Front populaire en France, puis surtout du Frente Popular en Espagne, élus en 1936, il est plongé dans l’engagement politique à la faveur du drame que représente, pour l’Europe, et intimement pour Picasso, la guerre d’Espagne. Cette guerre civile, terrain d’entraînement des régimes autoritaires, symbole prophétique, comme chacun le perçoit du conflit mondial à venir, signifie aussi pour Picasso un exil définitif hors de sa terre natale. Engagé auprès des Républicains, Picasso multiplie les marques de soutien et continue à le faire auprès des Espagnols obligés de fuir leur pays après la victoire du camp du général Franco en 1939.

4. La guerre dans l’atelier
La Seconde Guerre mondiale constitue un moment de repli pour Picasso qui demeure « dans l’atelier ». Après l’invasion de la Pologne, la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l’Allemagne nazie le 3 septembre 1939. En août, il retourne à Paris, dans son atelier des Grands-Augustins où il demeure pendant toute la durée de l’Occupation et se consacre à son art. Il multiplie les moyens d’expressions : de ses carnets aux fragiles sculptures, de ses écrits aux peintures, l’utilisation de couleurs sombres et les motifs des crânes et le thème de la mort font écho à la période de l’Occupation. L’atelier est toutefois un lieu de réunion pour ses proches et pour la communauté espagnole. Ainsi en 1944, lors de la Libération de Paris, ce sont les soldats américains qui se rendront dans l’atelier de Picasso.

5. Camarade Picasso
Resté à Paris pendant toute l’Occupation, Picasso devient une célébrité à la Libération. Le 5 octobre 1944, le journal L’Humanité annonce son adhésion au Parti communiste français. Qu’il s’agisse de commémorations ou d’expositions liées à la Seconde Guerre mondiale, Picasso répond aux sollicitations et commandes qu’il reçoit du Parti ou d’associations qui en sont proches. L’immédiat après-guerre est marqué par le début des conflits liés à la décolonisation et, à partir de 1947, la guerre froide divise le monde en deux camps opposés. Le Parti communiste français suit dès lors la ligne de Moscou. Artistes et intellectuels communistes font de la paix leur thème de prédilection dans leur combat contre l’impérialisme américain. Picasso occupe une place à part. Il met son image au service du Parti et répond à diverses commandes. Il est aussi une personnalité, au poids symbolique essentiel. Toutefois, il conserve son style distinct du réalisme socialiste, ce qui lui vaut des critiques internes au mouvement.

6. Contre la guerre, pour la paix
Depuis la réalisation de l’affiche du premier congrès mondial des partisans de la paix en 1949, le motif de la colombe est décliné sous des formes variées et connaît une diffusion internationale. Picasso, artiste de la colombe, est considéré comme celui de la paix d’autant que l’URSS lui décerne par deux fois le prix de la paix en 1951 et 1962. Parallèlement, Picasso reçoit les commandes de deux grands décors architecturaux. Véritables odes à la paix, ils sont l’illustration de la violence du mal et de la guerre face à la quiétude du bien. Ainsi, installé à Vallauris, Picasso réalise, en 1952, deux ensembles de panneaux, où guerre et paix se font face, pour l’ancienne chapelle du château de la ville transformée en chapelle de la guerre et de la paix. En 1958, il compose, d’autre part, La Chute d’Icare pour le nouveau siège de l’UNESCO.

7. Peinture d’histoire, l’histoire en peinture
Dans l’euphorie de la Libération, Picasso dessine une bacchanale d’après Le Triomphe de Pan de Nicolas Poussin (24-28 août 1944). L’artiste puise une inspiration renouvelée dans l’oeuvre de Poussin, David, Goya, Delacroix et Manet, et recourt à la peinture d’histoire aux grandes heures de sa faveur alors que des conflits débutent, en particulier pendant la guerre froide et à l’occasion de la décolonisation. Première dans la hiérarchie des genres jusqu’au XIXe siècle, la peinture d’histoire représente des sujets nobles propres à élever l’esprit, puisés dans les sources bibliques, mythologiques ou historiques. Alors que le genre perd sa prééminence dans le XXe siècle des avant-gardes, la coïncidence entre la peinture d’histoire et l’Histoire en cours est remarquable chez Picasso. Si ces oeuvres ne sont pas à proprement parler engagées, elles inscrivent l’art de Picasso dans la tradition picturale classique et confèrent, par le biais de la réinterprétation, une distance au tragique des événements.