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“Un firmament de porcelaines” De la Chine à l’Europe
au Musée Guimet, Paris

du 13 mars au 10 juin 2019



www.guimet.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Claire Déléry, le 29 avril 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Plat à décor de jardinière, Chine, Jingdezhen (province du Jiangxi), Dynastie Ming, règne de Wanli (1573-1620), fin 16e-début 17e siècle. Porcelaine bleu et blanc de type kraak, 51 x 10 cm. Paris, MNAAG, achat, 2018, MA12963. © RMN-Grand Palais (MNAAG, Paris) / Thierry Ollivier.
2/  Vue zénithale du plafond de la salle des porcelaines du palais de Santos (actuel siège de l'ambassade de France au Portugal), Lisbonne, palais de Santos, ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. © MNAAG, Paris / Thierry Ollivier, 2018.
3/  Aiguière à la pivoine, Chine, Jingdezhen (province du Jiangxi), Dynastie Ming, règne de Yongle (1403-1424), début 15e siècle, Porcelaine bleu et blanc. Ancienne collection de François 1er de Fumel (1547). Paris, MNAAG, achat avec l'aide du fonds du Patrimoine, 2015, MA12714. © RMN-Grand Palais (MNAAG, Paris) / Thierry Ollivier.

 


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Interview de Claire Déléry,
conservatrice Collections chinoises du MNAAG et co-commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 29 avril 2019, durée 15'46". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires :
Sophie Makariou, Présidente du MNAAG, Commissaire générale
Claire Déléry, Conservatrice, Collections chinoises, MNAAG
Huei-chung Tsao, Ingénieure d’études, Collections chinoises, MNAAG




Les 300 porcelaines de Chine bleu et blanc du 16e et 17e siècle qui ornent le plafond en pyramidion du salon des porcelaines de l’actuelle Ambassade de France à Lisbonne, ancienne demeure royale, sont restituées par 3D en une installation immersive dans la rotonde du 4eme étage du musée. Telle une voûte céleste sur fond de bois laqué de noir et doré, ces porcelaines témoignent de la hardiesse de l’art baroque portugais et de l’intensité des échanges maritimes entre la Chine et l’Europe dès le 16e siècle. Le MNAAG s’est engagé dans une démarche scientifique où chercheurs chinois, portugais et français contribuent à faire connaître ce témoignage architectural unique, témoin de l’histoire des échanges mondiaux à l’aube de la période moderne. Ce projet de recherche est rendu possible grâce au mécénat de la Fondation d’Entreprise Michelin et le prêt généreux de prêteurs privés et publics, dont le musée d’art ancien de Lisbonne.

Le salon des porcelaines du palais de Santos est un joyau méconnu du patrimoine européen et aussi chinois ; l’ensemble est éblouissant à plus d‘un titre. La très spectaculaire restitution 3D du plafond, point d’orgue de l’exposition, offre un témoignage esthétique des échanges féconds entre la Chine et l’Europe ainsi qu’une mise en perspective des apports réciproques.

En complément de la restitution 3D sera présenté un choix d’œuvres évoquant la rencontre de deux continents : porcelaines chinoises provenant du plafond et du vaisselier du palais de Santos, bleu et blanc découverts dans des épaves le long de la route maritime qui unissait l’Asie et l’Europe via le monde islamique, laques et tableaux rappelant les fastueux intérieurs européens.

Le choc esthétique que provoquèrent en Europe les magnifiques bleu et blanc chinois eut un impact décisif sur les productions des céramiques du continent européen et sur l’art européen en général : faïences et azulejos du Portugal, faïences de Delft, de Nevers, etc. Ces productions emblématiques de l’Europe moderne s’inspirèrent largement des pièces chinoises mais aussi de la tradition islamique.

L’exposition du MNAAG, tel un récit au long cours, est l’histoire du succès d’une production chinoise qui demeura longtemps une production luxueuse aux qualités inégalées prisées par les plus riches Européens.

Deux autres étapes après Paris permettront à l’exposition de voyager en Chine, à Shanghai et à Shenyang fin 2020 et début 2021.






Présentation de l’exposition :


Un firmament de porcelaines : de la Chine à l’Europe

1492 : l’expédition maritime de Christophe Colomb atteint l’Amérique et non pas l’Asie espérée. 1497 : les marins portugais contournent le cap africain de Bonne Espérance et accèdent dès lors à l’Asie sans passer par le monde islamique. Les deux dates inaugurent l’ère des échanges mondialisés avec la circumnavigation du globe. Parmi les marchandises précieuses arrivées rapidement en Europe, les porcelaines chinoises bleu et blanc sont promises à un grand avenir. Elles fascinent les élites européennes par leur brillance, leurs couleurs et leur résistance. À la fin du 16e siècle, les Européens tentent de les imiter. En 1602, la Compagnie néerlandaise des Indes orientales est créée et domine les échanges maritimes avec l’Asie. La porcelaine chinoise s’intègre peu à peu au quotidien des Hollandais aisés. C’est l’histoire de cette passion européenne pour les bleu et blanc qui est contée dans cette exposition. Le cabinet au plafond – et à l’origine aux murs – laqué de noir dit « salle des porcelaines » du Palais de Santos à Lisbonne – dont une restitution virtuelle est proposée – est le premier et exceptionnel exemple de ces rencontres entre la civilisation chinoise et l’Europe des Temps modernes (16e-18e siècle). Il résista au grand tremblement de terre de 1755. Les 16e et 17e siècles furent le creuset d’un surprenant patrimoine partagé par l’Europe et l’Asie.

Les bleu et blanc : influences croisées entre Islam et Chine
Venu d’Iran, le bleu de cobalt est utilisé pour décorer les céramiques en Chine dès le 8e siècle. On produit des poteries à décor glaçuré monochrome et à décor « trois couleurs », puis des grès à décor bleu, plus rares. Cependant les premières céramiques jouant du contraste entre bleu et blanc sont réalisées dans le monde islamique dans la seconde moitié du 8e siècle ; l’usage du cobalt dans le monde islamique oriental ne se démentira plus. Cette influence, notamment via l’Iran, entraîne la création des premières porcelaines bleu et blanc en Chine au 14e siècle, lorsque règne sur les deux pays une même parentèle mongole. On nomme Yuan (1279-1368) la dynastie qui domine la Chine. Jusqu’au début du 15e siècle, ces porcelaines sont expédiées par voie de terre et par voie de mer dans le cadre de relations diplomatiques ou commerciales, vers le monde islamique surtout et l’Asie du Sud-Est. À partir de la fin du 15e siècle, sous la dynastie Ming (1368-1644), de nombreux bleu et blanc sont spécifiquement destinés à l’exportation, tel le grand plat découvert dans une épave, ici présenté.

Les bleu et blanc : passion portugaise
Au cours du 16e siècle, le Portugal importe à la fois des porcelaines bleu et blanc chinoises et, d’une technique différente, des faïences d’Espagne ou d’Italie. Vers la fin du siècle, les Lisboètes s’inspirent de ces différentes traditions. Le secret de la pâte de porcelaine leur étant encore inconnu, ils créent de nouvelles pièces en faïence, avec une pâte argileuse. Au cours du 17e siècle, ils produisent des imitations fidèles des porcelaines d’exportation faites à Jingdezhen, en Chine. Ces porcelaines chinoises sont appelées kraak, mot dérivant de caracca, nom des navires européens qui les transportaient ; le terme finit par designer un type de pièces aux panneaux rayonnants sur l’aile. Au milieu du 17e siècle, l’engouement mondial pour les porcelaines est considérable. Tentant de les imiter, les fours portugais créent des pièces mêlant motifs européens et motifs chinois. Au même moment, les ateliers de Jingdezhen subissent de lourds dommages. Le Japon et l’Iran fournissent au pied levé des pièces de substitution pour le marché européen. Les kraak sont également imités en Hollande, dans les ateliers de Delft, et en France, notamment à Nevers.

Le palais de Santos, demeure des princes et des rois
Le palais de Santos à Lisbonne (actuel siège de l’Ambassade de France au Portugal), fut résidence des rois du Portugal puis de la famille noble des Lancastre au 16e et au 17e siècle. L’aile sud du palais abrite un cabinet qui donne sur le Tage. On y conservait des objets précieux. Dans les années 1680, un cabinet de porcelaine y fut aménagé, couvert d’un somptueux plafond pyramidal orné de plus de 270 porcelaines chinoises bleu et blanc. Il reposait sur des murs laqués noirs portant des sellettes chargées de porcelaines. Cet élément n’a pas été conservé mais sur le plafond les plats les plus anciens remontent aux années 1500 ; les plus récents aux années 1680. Culminant à 7 mètres les porcelaines ne laissent pas deviner leurs motifs variés (lions bouddhiques, lièvres blancs, paysages lacustres) aux visiteurs. Pour créer ce décor le maître d’oeuvre dont on ignore tout, a davantage pris en compte les diamètres et la composition générale des motifs qu’autre chose. Les plats de type kraak, caractérisés par leurs bordures en panneaux, sont les pièces les plus nombreuses.

La route des porcelaines
Dès 1499, la flotte de Vasco de Gama rapporte au roi du Portugal, Manuel Ier, parfums, épices, soieries et porcelaines chinoises achetés en Inde. Ormuz, à l’entrée du golfe arabo-persique, et Goa, sur la côte ouest de l’Inde, sont les premières places fortes portugaises qui permettent de stabiliser la nouvelle route maritime. Les marins portugais gagnent Malacca en 1511 puis la côte sud de la Chine en 1513. Ils y sont interdits de commerce de 1522 à 1554 ; ils se replient alors dans les îles au sud de Canton et trafiquent illégalement. En 1557, Macao devient la plaque tournante du commerce portugais en Chine. Denrée recherchée et mondialisée, la porcelaine chinoise rejoint bientôt l’Amérique via les Philippines puis le Pacifique à bord de navires espagnols. Les navires portugais et hollandais la ramènent en Europe en contournant l’Afrique. De nombreuses épaves témoignent de ce commerce international. Si les plats bleu et blanc sont nombreux, d’autres types de pièces, dont les décors sont réalisés spécialement pour l’exportation, sont attestés. Elles ravissent l’Europe, mais aussi la clientèle des pays d’Asie du Sud-Est, de l’Orient islamique et des comptoirs africains.