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“Barbara Probst” The moment in space
au Bal, Paris

du 9 mai au 25 août 2019



www.le-bal.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse avec Barbara Probst, le 9 mai 2019.

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    Barbara Probst, Exposure #139, Munich, Nederlingerstrasse 68, 08.21.18, 5:13 p.m., 2018. © Adagp, Paris, 2019.

 


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Interview de Frédéric Paul,
conservateur au Musée national d’art moderne et co-commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 9 mai 2019, durée 19'54". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires : Frédéric Paul et Diane Dufour
Exposition conçue et réalisée par LE BAL, Paris, avec le soutien de Kuckei + Kuckei Gallery, Berlin, du Goethe-Institut, Paris et de la Fondation Alexander Tutsek.




“J’envisage parfois mes images comme une façade dont la structure qui les supporte se serait évaporée. La réalité s’est évaporée ; seules restent les images, telles une façade se tenant devant du vide.” Barbara Probst

LE BAL présente pour la première fois à Paris, le travail de l’artiste allemande Barbara Probst.

Grâce à un système reliant plusieurs appareils photographiques, Barbara Probst déclenche une prise de vue simultanée du même événement, du même geste ou de la même action, à des distances ou selon des angles différents. Cet instant démultiplié en plusieurs vues constitue une exposure, une constellation de perspectives qui induit des lectures plurielles, parfois contradictoires de l’image.

Son travail est naturellement marqué par ses premières années d’études à l’Académie des Beaux Arts de Munich et ses cours de sculpture : « Tous les jours, on travaillait avec de l’argile à partir d’un modèle nu qui posait pour nous. Le modèle se tenait debout sur une table que l’on faisait pivoter toutes les dix minutes d’environ 30 ou 40 degrés, afin que chaque étudiant soit capable de le voir sous tous les angles possibles ». Devenue photographe, Barbara Probst sculpte le temps. Et impose une grille de lecture spatiale à notre appréhension de l’image.

“Je viens de la sculpture et il se peut que je sois toujours une sculptrice essayant de créer un rendu en trois dimensions. J’imagine que j’ai toujours été un peu frustrée par le manque de relief de la photographie.” Barbara Probst

Par des gestes, des visages, des objets les plus neutres possibles, elle parvient à réduire au maximum le caractère narratif de chaque vue pour tendre vers une lecture plus ouverte, plus ambigüe. Les écrivains et réalisateurs des années 60 en rupture avec la narration classique, comme Alain Robbe-Grillet ou Jean-Luc Godard, l’ont toujours intrigué : « Leur façon de construire un récit en introduisant des trous ou des non-dits dans l’histoire ou en changeant de manière inattendue de perspective, va à l’encontre de ce qui était anticipé par le lecteur ou le spectateur. Ils traitent l’histoire comme un peintre cubiste traite l’espace. »

Souvent dans ses travaux, la mise en scène s’inscrit dans le flux aléatoire de la vie, brouillant un peu plus les pistes entre ce qui a été imaginé et ce qui est survenu.

L’image, cette hallucination collective chère à Roland Barthes, devient un puzzle mental à recomposer. Le format imposant des Exposures, leur déploiement au mur, leur construction complexe : tout invite le spectateur à scruter, à enquêter, à se déplacer pour construire mentalement le scénario possible de l’instant. Interrogeant les indices, jaugeant les positions, éliminant l’impossible, il en vient à faire l’expérience, dans l’espace et dans le temps, de la vraisemblance de l’image et de la validité de son propre regard.

Est en jeu ici, la perception de l’image et son autorité quant au fait représenté. Un angle de vue peut-il être plus vrai, plus juste ou plus légitime qu’un autre ? Dans cette profusion de sens possibles, comment s’établit la réalité d’un événement ? Barbara Probst désoriente et perturbe notre aptitude à connaître en voyant. Le monde, perçu comme un faisceau synchrone de points de vue divergents, devient un espace instable à recomposer. Et la vérité, ce terreau meuble, une équation à résoudre.

“Un appareil photo est semblable à un témoin oculaire et une photographie à son compte-rendu. Les récits du même événement par différents témoins peuvent être étonnamment discordants. Comment définir, en vérité, la « réalité d’un événement » ? Philosophiquement, la réponse semble être une construction à élaborer. Pour moi, la photographie est le meilleur outil pour appréhender cette question, précisément en raison de son lien avec cette réalité.” Barbara Probst






Tout à coup - Extraits du texte de Frédéric Paul publié dans le livre, qui accompagne l’exposition, publié par Hartmann Books et LE BAL

Barbara Probst bondit le 7 janvier 2000 sur le toit-terrasse d’un building de la 8e avenue à la nuit tombée, sous l’objectif de douze appareils photosbsavamment disposés et synchronisés pour se déclencher d’un seul coup. Il est exactement 22h37, heure de New York, l’instant est vraiment décisif, même si le saut n’a pas besoin d’être spectaculaire pour être radical. C’est l’Exposure #1.

On aurait tort de penser qu’avec cette oeuvre tout le dispositif artistique de Barbara Probst est en place et qu’elle le fera évoluer seulement à la marge. Certes toutes ses oeuvres sauf une ont en commun de procéder d’images multiples shootées simultanément, et en vingt ans elle en aura produit plus de 150, mais les situations sont régulièrement renouvelées et stimulent chez l’artiste des expérimentations différentes engageant un rapport à l’image lui aussi très différent.

[…]

Probst ne peut échapper devant certaines oeuvres à la question prosaïque « comment c’est fait ? ». Et s’il est légitime de se sentir soulagé quand on a compris, son travail ne saurait se résumer à la construction de puzzles énigmatiques. Sculptrice à ses débuts, elle l’est demeurée et c’est tout naturellement qu’elle évoque le groupe des Bourgeois de Calais à propos du triptyque #73, réunissant seulement trois adolescents au lieu des six personnages de référence. Il y a une véritable dimension tactile dans ses oeuvres, les indications de mouvement s’y font également ressentir et les espaces entre les personnages y sont presque palpables.

[…]

Sommes-nous sur le lieu d’un crime ? Grâce aux couleurs vives de toutes les images, l’atmosphère n’est pas dramatique. Le désordre est parfaitement organisé, jusqu’à l’alignement de deux pieds de table : l’un sur le bord d’une image et l’autre dans un angle où deux pans de couleurs différentes se rejoignent. Ici une bouteille vide, là une pleine... Tout en couleurs, ces dernières natures mortes où n’émerge qu’un appareil hissé sur pied font s’interroger : pourquoi la simultanéité puisqu’il ne se passe rien ? Mais pourquoi moins ici qu’ailleurs ? Parce qu’il ne s’y passe (plus) rien ?