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“Visible/Invisible” article 2710
au Château de Versailles, Versailles

du 14 mai au 20 octobre 2019



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© Anne-Frédérique Fer, voyage presse et visite de l'exposition "Visible/Invisible", le 13 mai 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Viviane Sassen, Leïla (série « Venus and Mercury »), 2019. Impression numérique sur toile, 325 x 250 cm. Courtesy de l’artiste, château de Versailles & Stevenson Gallery (Cape Town) © Viviane Sassen & château de Versailles.
2/  Eric Poitevin, Sans titre, 2019. Tirage jet d’encre, 190 x 150 cm. Courtesy de l’artiste, du château de Versailles & Baronian-Xippas (Bruxelles) © Eric Poitevin.
3/  Nan Goldin, Pandora, The garden of Petit Trianon, 2018/2019. 60 x 87 inches. Courtesy of the artist, château de Versailles & Marian Goodman © Nan Goldin.

 


2710_Versailles audio
Interview de Jean de Loisy, co-commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Versailles, le 13 mai 2019, durée 8'58". © FranceFineArt.
(interview réalisée dans les jardins et sous le vent de Versailles)

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :
Jean de Loisy, directeur de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris
Alfred Pacquement, commissaire pour l’art contemporain à Versailles




Pour sa douzième édition d’art contemporain, le château de Versailles invite cinq photographes internationaux au domaine de Trianon du 14 mai au 20 octobre 2019.

C’est dans le cadre intime de Trianon que se tiendra la prochaine exposition d’art contemporain à Versailles. Pour cette édition 2019, Dove Allouche, Nan Goldin, Martin Parr, Eric Poitevin et Viviane Sassen dévoileront des oeuvres spécialement créées et en résonance avec les lieux choisis. Un nouveau Versailles se révèle à travers leurs oeuvres mêlant création et patrimoine.



VISIBLE / INVISIBLE

L’exposition annuelle d’art contemporain à Versailles propose à 5 artistes d’investir différents lieux du domaine de Trianon pour retracer leur exploration approfondie du site et de son histoire. VISIBLE/INVISIBLE voit chacun d’eux porter un regard original et souvent inattendu sur les espaces les plus prestigieux des châteaux mais aussi sur d’autres plus secrets. A la suite de nombreux photographes qui depuis plus d’un siècle ont interprété Versailles, chacun a répondu avec une réelle diversité d’approche à cette commande d’un travail inédit. Tous ont cherché à entrer subtilement en résonance avec ces espaces illustres, sans vouloir les dominer mais plutôt y pénétrer subrepticement.

Parmi les différents matériaux qui ont permis de construire les bâtiments de Versailles, Dove Allouche s’est arrêté sur le gypse dont il a tiré des abstractions aux colorations surprenantes qui sont disposées dans la galerie des Cotelle du Grand Trianon.

Explorant le monde souterrain du système hydraulique des fontaines et retraçant l’assemblée des femmes de la mythologie omniprésente dans la sculpture des jardins, Nan Goldin crée au rez-de-chaussée du Petit Trianon un cheminement empreint de la mémoire sonore de la Marche des femmes.

Martin Parr, fidèle à sa démarche, trouve dans la foule cosmopolite des visiteurs de Versailles la source d’images tendres et ironiques, aux couleurs vives, qui occupent le Pavillon Frais ouvert pour la première fois au public (Jardin français du Petit Trianon).

Eric Poitevin a choisi l’Orangerie de Jussieu (Jardin du Petit Trianon) pour y déployer deux séries nouvelles ayant pour thème commun la nature : l’une tente de saisir l’image du soleil, hautement symbolique à Versailles, tandis que l’autre traite avec finesse les déploiements graphiques d’une plante : l’angélique.

Viviane Sassen distribue ses images envahies de tâches colorées dans les salons du Grand Trianon. Elle construit une narration témoignant de son exploration intense de la statuaire, de l’histoire du château et de ses occupants, en y faisant entrer des adolescentes d’aujourd’hui.

Jean de Loisy, directeur de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris & Alfred Pacquement, commissaire pour les expositions d’art contemporain à Versailles, Commissaires de l’exposition.



DOVE ALLOUCHE

Dove Allouche travaille à Paris. Photographe, graveur et dessinateur, il repousse les limites de ces techniques en les confrontant aux phénomènes physiques ou chimiques immémoriaux dont certaines propriétés traversent encore notre univers familier.

Explorant Versailles, il s’intéresse aux matières choisies pour construire et décorer le château : plomb, cuivre, bronze, argent, or, bois, ardoise, brique calcaire, grés, marbre, sont en effet quelques-unes des substances utilisés pour définir sa beauté. Mais son attention est retenue par le plus simple d’entre eux, le plâtre et donc, la roche sédimentaire dont il est extrait : le gypse. Le gypse est de la famille des évaporites, dont le nom a donné le titre de la série de ces photographies, Cette roche saline se forme par évaporation dans les mers fermées puis, par déshydratation, devient du plâtre.

« J’ai d’abord choisi le gypse pour son abondance qui contraste avec le goût de Versailles pour les choses rares. (…) La particularité des roches sédimentaires est de contenir en relative abondance des informations sur nos origines. En somme, je me sers de la sédimentologie pour atteindre une réalité vivante de Versailles, établir une image continue de notre histoire. »

Allant chercher dans une carrière du Pays Basque un bloc de Gypse il en extrait douze lames d’une minceur extrême qu’il utilise comme négatif pour produire les images présentées à Versailles. Alors l’utilisation d’un filtre polarisant permet de faire apparaître les cristaux contenus dans le gypse et de découvrir une musicalité des couleurs produite voici 300 millions d’années et qui pourtant ont des tons proches de ceux que l’on rencontre à Versailles comme si une beauté antérieure à l’homme agissait toujours dans ses oeuvres.



NAN GOLDIN

Nan Goldin (vit et travaille entre New York, Paris et Berlin) est connue pour son travail photographique rendant compte sans tabous de sa vie et de ses rencontres et dont l’exemple le plus célèbre est son diaporama : La ballade de la dépendance sexuelle.

Répondant à notre invitation, elle a souhaité donner une résonance politique à son installation en faisant référence à la Marche des Femmes sur Versailles, évènement fondateur de la révolution de 1789. Une telle marche se poursuit aujourd’hui chaque année dans le monde entier et garde toute sa pertinence. Nan Goldin a choisi les longues et étroites galeries du Petit Trianon pour une expérience immersive qui rend compte de son exploration intense des espaces de Versailles. Avec la collaboration d’Hala Wardé et de HW architecture elle a conçu une installation en deux parties, traversant le Petit Trianon par un chemin inconnu, déconnecté des salles nobles. Le visiteur est d’abord plongé dans l’obscurité et le mystère des canalisations souterraines qui conduisent les grandes eaux de Versailles à jaillir vers le ciel, chefs d’oeuvre de la technicité des ingénieurs du grand siècle. D’immenses tirages photographiques l’environnent de toute part dans ce tunnel obscur. Après avoir franchi une sorte de coude et gravi quelques marches il retrouve ensuite la lumière. Il découvre alors les images des nombreuses figures féminines, déesses et nymphes, que l’on rencontre sculptées dans le marbre au fil de la visite des jardins et du château. Le collectif Soundwalk a conçu tout au long du parcours un travail sonore, donnant une voix au monde invisible de ces canalisations centenaires et faisant lire par des comédiennes*, ainsi que par Nan Goldin elle-même, des extraits de la Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne rédigée par Olympe de Gouges en 1791 qui reste aujourd’hui d’une singulière actualité.

* Isabelle Adjani, Elodie Bouchez, Laetitia Casta, Catherine Deneuve, Charlotte Gainsbourg, Isabelle Huppert, Isild Le Besco, Anna Mouglalis, Charlotte Rampling.



MARTIN PARR

Martin Parr, né en 1952 à Epson (Surrey, Royaume-Uni) est un photographe dont le sujet de prédilection - devenu obsession - sont les gens (et leurs objets de consommation) dans tout ce qu’ils ont de plus vivant et débordant. Habitué à traquer à la fois des individualités qui dénotent et des phénomènes de masse répétés, Martin Parr observe et nous confronte, avec humour et lucidité, à ce que nous sommes : une espèce.

À Versailles c'est donc une évidence qui s'impose : non pas photographier ce Versailles mythique, historique, fantasmé que l'on a tous en tête, mais bien photographier le Versailles contemporain - celui que l'on refuse peut être de voir, interchangeable et consommé par sa horde de touristes. « Quand je travaille sur des endroits éminemment touristiques, c’est mon devoir de montrer la réalité à contre-courant de la mythologie de ces lieux. On ne s’attend jamais à ce que des centaines d’individus fassent la même chose que nous. ». En ressortent une série de clichés exposant les comportements de la foule, les rituels inéluctables, les hotspots, les flux, les attitudes, les habitudes, les repères universels. Ici ou ailleurs, rien ne change. La consommation, la mise en scène sont omniprésentes, le selfie la nouvelle religion. « L’arrivée du smartphone a eu un impact considérable sur le tourisme. Nous sommes tous des touristes, désormais, et nous avons tous des appareils photo. À tel point qu’on a du mal à croire, parfois, que quelqu’un regarde encore quoi que ce soit. » Installées à l’intérieur du Pavillon frais, ce bâtiment pastiche entièrement reconstruit dans les années 80 que l’on découvre en toute fin de parcours après avoir affronté la queue interminable de la cour d’honneur, la foule dans la galerie des Glaces et le petit train qui nous mène jusqu’au domaine de Trianon, les photographies de Martin Parr nous révèlent à nousmême. Ensemble ils mettent en exergue cette mise en scène permanente qu’est Versailles et que nous sommes.



ERIC POITEVIN

Eric Poitevin travaille dans la Meuse près de Verdun. Ses photographies accueillent des sujets souvent issus de son environnement proche : chevaux de trait, animaux morts ramenés par les chasseurs, ossements humains, visages marqués par une vie frugale, paysages, taillis, fleurs des champs. Son attention est retenue par les objets témoins simples de la vie auxquels il apporte par ses cadrages ses lumières une dignité particulière. Peu retenu par les décors de Versailles il choisit d’installer dans la pergola de l’orangerie des plantes familières :

Les angéliques, « fragiles comme toutes les plantes mais charpentées, grandes parfois, résistantes, très présentes dans le paysage bien après la floraison, presque monochromes juste avant de s’effondrer définitivement, moment, entre deux que j’aime beaucoup observer. … Ces angéliques ne sont pas désordonnées. Elles sont elles-mêmes, toutes différentes, très différentes. Regarder sert à cela pour moi, voire d’avantage les différences plutôt que les ressemblances. La série fonctionne un peu à la manière de la musique répétitive que j’aime beaucoup ».

A l’intérieur de l’Orangerie, si les photos du soleil sont une allusion au Roi Soleil, celui d’Eric Poitevin est le soleil pâle de l’hiver et du début du printemps qui, sans pompe, partage son faible éclat avec tous et dont l’image s’oppose au refrain de tous les manuels de photographie, « photographier le soleil n’a aucun intérêt » : « Là aussi, c’est battu d’avance que je suis parti, très angoissé par la conviction d’un échec publique annoncé, à Versailles tant qu’à faire… Aucun masochisme pourtant chez moi, je vous assure, je ne cherche pas l’image impossible. Ayant le sens des plaisirs, je cherche au contraire plutôt les possibles. Réhabiliter, ranimer, dilater, rattraper sont plutôt mes verbes ».



VIVIANE SASSEN

Viviane Sassen déploie dans les salons du Grand Trianon quelques images monumentales qu’elle a retenues parmi les très nombreuses prises de vues effectuées lors de son intense exploration de Versailles et de son histoire. Ainsi un recadrage en contreplongée du Milon de Crotone de Puget, le dos d’une sculpture ou une lettre codée de Marie Antoinette à Axel de Fersen, démesurément agrandis et retouchés par des interventions colorées, instaurent un dialogue avec le riche décor des salles.

« J’ai senti, écrit l’artiste, que présenter des photographies dans ce contexte constituait une sorte de défi : il s’agit d’un lieu écrasant non seulement du fait de son importance historique et de son caractère emblématique mais aussi, tout simplement, de par son ampleur architecturale. J’ai senti qu’il était indispensable d’affirmer quelque chose, en termes d’échelle, pour que ces oeuvres soient en mesure de rivaliser avec les vastes dimensions du lieu. »

Viviane Sassen, qui est par ailleurs connue comme photographe de mode, a également choisi de travailler avec des modèles non professionnels rencontrés sur place qui s’inscrivent plastiquement et chromatiquement dans les salles et s’emparent de leurs ornements. Passé et présent se confrontent. Ces immenses tirages se retrouvent dans un diaporama que l’on découvrira plus loin, dans le Salon des Jardins. Les images démultipliées en abondance y circulent latéralement révélant des jeux de symétrie et des rencontres surprenantes entre statuaire et modèles vivants, ou autres détails de l’architecture et du mobilier. Un texte poétique de Marjolijn van Heemstra lu par l’actrice britannique Tilda Swinton les accompagne. Pour ce projet entièrement inédit, l’artiste voit sa démarche comme une narration mélancolique sur la vie et la mort, eros et thanatos.