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“Jérôme Zonder” Portraits
au Cabinet des dessins Jean Bonna, Beaux-Arts de Paris

du 15 mai au 29 juin 2019



www.beauxartsparis.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 13 mai 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Jérôme Zonder, Jérôme 1, 2019. Graphite et fusain sur papier, 75 × 57 cm.
2/  Jérôme Zonder, Pascal 1, 2019. Graphite et fusain sur papier, 75 × 57 cm.
3/  Jérôme Zonder, Virginie 1, 2019. Graphite et fusain sur papier, 75 × 57 cm.

 


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Interview de Jérôme Zonder,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 13 mai 2019, durée 8'05". © FranceFineArt.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Jérôme Zonder s'éloigne de son travail dense, de la précision photographique pleine de cruauté qu'il exposa à la Maison Rouge pour explorer le portrait. Sa galerie de personnages sagement alignés s'expose au regard du profil de Henri Regnault dessiné par Thomas Couture. L'ancêtre observant sa filiation depuis son papier gris peut considérer avec fierté la continuité de l'exercice mais ne manquera pas de s'interroger sur la rupture qu'opère l'enfant terrible.

La poudre grise, noire, du fusain, de la graphite, tache le papier de trainées sales, floues. Jérôme Zonder travaille directement avec ses doigts une matière insaisissable comme de la poussière. Ses doigts caressent, étreignent, glissent, râpent la surface granuleuse. Ici des petits bouts de matière sont tombés comme des gouttes de pluie noire, éclaboussures liquides. Choisissons de ne pas demander comment, gardons cette question ouverte parce que sa réponse est dans la beauté et la grâce. Ce fin voile émotionnel tombé sur ces visages est un révélateur qui devient délicatesse, étrangement, presque de la pudeur.

Ces visages regardent celui qui les portraiture en retour, bien en face. Un regard pour un regard, un échange qui crée une relation faite de va-et-vient entre l'artiste et son modèle. C'est dans l'œil du modèle que l'on cherche à voir le portrait de l'artiste. Dans ce reflet est le véritable caractère, la personnalité que le miroir de l'autoportrait ne parvient pas à renvoyer, le glaçant de sa surface minérale, stérile. De même un portrait de Frida Kahlo s'incruste tel un intrus parmi cette société. Les petites empreintes de doigts répétées évoquant Lascaux ou la fourrure tachetée d'un léopard, lorsque confrontés au travail d'après nature, se montrent vides de cette énergie que seul le modèle vivant offre.

L'exploration de la forme définit les modalités de cette relation à l'autre. Les portraits monumentaux sont des opportunités de cheminement, de trajectoires. Zonder emprunte à David Hockney mais remonte aussi plus loin le fil de l'histoire, jusqu'à deux mains croisées comme celles de la Joconde. Les sujets se détachent sur l'immense fond blanc silencieux. Autour du visage, le vêtement qui l'encadre, un col, une épaule se dessine et puis se dissout comme ensablé. Le corps réapparait sous la forme de mains grandes et puissantes. Des mains musculeuses d'ouvrier et de paysan socialiste, des mains de bâtisseur de monde, viriles, parlent à leur tour, elles disent autant que les expressions des visages, révèlent des volontés et des énergies. Au repos sur une cuisse ou fermement ancrées sur les genoux, elles sont la fondation du corps, de la personnalité qui nous fait face. Les bras de Mylène remontent de ses mains monalisesques mais ne rejoignent pas ses épaules ; le trait de fusain est resté suspendu... non pas inachevé, juste arrêté entre terre et ciel. Le moment d'intimité avec le modèle resté dans cet instant d'abandon, verticale dangereuse comme un fer à béton jaillissant d'une poutre.

Le portrait par Jérôme Zonder est un flirt avec le danger. Son modèle immobile est prêt à s'enflammer, il sent le soufre des têtes d'allumettes. Dans ce désert blanc d'où il ne peut s'échapper, pris dans une lumière qui projette une ombre de coupable derrière lui, il doit s'abandonner aux doigts qui façonnent la poudre, à la brutalité de cuisine. De ces traces de mains sur un torchon, de chiffon de mécano, Zonder comme un magicien fait apparaitre des colombes.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire : Emmanuelle Brugerolles,
Conservateur des dessins de maître et des dessins d’architecture aux Beaux-Arts de Paris




Les collections et l'enseignement du dessin contribuent à la réputation des Beaux-Arts de Paris. Au printemps, le cabinet des dessins inaugure un nouveau cycle consacré aux artistes diplômés de l'école qui s’imposent sur la scène internationale.

En 2019, Jérôme Zonder est à l'honneur. Il connaît un vif succès auprès du public pour son approche renouvelée dans le domaine du dessin.

C’est le portrait que Jérôme Zonder a voulu explorer, en regard de deux oeuvres de la collection : le Portrait d’Henri Regnault de Thomas Couture, récente acquisition, et le Portrait de Pierre Gillet de Hyacinthe Rigaud.

Dix-huit portraits dont trois de dimensions monumentales prennent place sur les cimaises du cabinet des dessins avec pour titre les prénoms correspondant aux modèles, sans oublier bien sûr celui de l’artiste, lorsqu’il s’agit d’un autoportrait.

Si Jérôme Zonder part généralement d’une photographie ou d’une image saisie à l’écran qu’il agrandit en modifiant le rapport d’échelle avec cette source visuelle, il choisit cette fois de revenir à la pratique traditionnelle de la pose du modèle vivant pour revisiter le genre du portrait. Choisissant des personnalités qui lui sont proches, il les invite à la pose dans son atelier afin de saisir non seulement les traits de leur visage, mais surtout l’expression et l’autorité qui s’en dégagent.

Les visages s’offrent à nous avec une frontalité surprenante, tout en demeurant insaisissable. Un jeu de noirs et de gris obtenu avec la poudre de graphite et de fusain déposée avec le doigt s’oppose aux réserves blanches du papier. Quelques feuilles sont exécutées sur un papier bleu où la lumière transparaît grâce au recours de la craie blanche. Ce rapport au réel trouve ses sources d’inspiration dans les oeuvres de David Hockney et Marlène Dumas qui accompagnent quotidiennement la culture artistique de Jérôme Zonder.



Jérôme Zonder

Né en 1974 à Paris, Jérôme Zonder a fait ses études aux Beaux-Arts de Paris dans l’atelier de Jean-Michel Alberola, puis dans celui de Michel Gemignani, tout en fréquentant celui de Vladimir Velikovic. Diplômé en 2001, il est aujourd’hui considéré comme l’un des dessinateurs les plus importants de sa génération.

Après Fatum à la Maison Rouge en 2015, puis The Dancing Room au musée Tinguely à Bâle en 2017, Jérôme Zonder a occupé l’actualité artistique pendant toute l’année 2018 par de nombreuses manifestations dans différentes institutions : Devenir traces au château de Chambord du 10 juin au 30 septembre a rassemblé cent trente oeuvres où les gestes politiques côtoient les drames individuels.

Plus récemment au musée des Beaux-Arts de Rouen, l’artiste a mis en scène une figure féminine qu’il a inventée, Garance, et qui est saisie dans des situations très contemporaines : devenue adolescente sous les traits de célébrités ou d’inconnues, elle se voit confrontée aux évènements actuels parfois violents.