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“Julien Colombier” Electric Ladyland
à l’abbaye de Maubuisson, Saint-Ouen l’Aumône (95)

du 19 mai au 5 octobre 2019



www.valdoise.fr/614-l-abbaye-de-maubuisson.htm

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 17 mai 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Julien Colombier, Blue Cactus, acrylique et pastel gras sur papier.
2/  Julien Colombier, Pink Brown, acrylique et pastel gras sur papier.
3/  Julien Colombier, Sans Titre, acrylique et pastel gras sur papier.

 


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Interview de Julien Colombier,
par Anne-Frédérique Fer, à Saint-Ouen l’Aumône, le 17 mai 2019, durée 13'02". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Isabelle Gabach, responsable-adjointe du service culturel de l'abbaye de Maubuisson, en charge de la programmation artistique et de la communication
Marie Menestrier, directrice générale de l'abbaye de Maubuisson




L’abbaye de Maubuisson invite l’artiste Julien Colombier à réaliser sa première exposition personnelle dans un centre d’art contemporain d’Ile-de-France.

Peintre autodidacte né en 1972, Julien Colombier travaille essentiellement au pastel gras, à la craie et à l’acrylique sur fond noir. Il conjugue son art du dessin avec un savant mélange d’audace auquel s’ajoute un talent inouï pour combiner les couleurs qu’il met au service de motifs obsessionnels. Depuis son atelier bagnoletais, tout médium l’intéresse et attise sa curiosité : papier, toile, bâche, mur, bois, textile, etc. Ses influences et sources d’inspiration sont diverses. Observateur, il se nourrit de tout ce qui l’entoure : monde du graffiti, art japonais, Henri Matisse, Keith Haring ou ses voyages, notamment en Inde. Il collabore régulièrement avec le monde de la mode, du luxe et de l’artisanat d’art (exemples : coopération avec la manufacture de Sèvres, Chanel, Cartier, Baccarat, etc.).

L’univers artistique de Julien Colombier, inspiré d’un monde végétal luxuriant, est éminemment graphique. Il en explore le vocabulaire formel jusque dans ses profondeurs, plastiques et métaphoriques. Ses motifs composent des fragments de paysages colorés peuplés de jungles ou de forêts tropicales qui jouent avec les limites de la figuration et du décoratif. L’artiste répète ses motifs géométriques et végétaux créant un environnement organique hypnotique, onirique et inquiétant. Ses oeuvres représentent un monde sans hommes, d’avant ou après sa disparition.

À Maubuisson, dans le décor de cette ancienne abbaye cistercienne du XIIIe siècle, Julien Colombier propose de nouvelles pièces spécifiquement réalisées pour le lieu. L’artiste s’expose en volume et nous ouvre les portes de son imaginaire. Il expérimente de nouveaux procédés, en travaillant notamment sur soie, et se confronte pour la première fois à de vastes espaces d’exposition.

Son projet, ambitieux, hybride et immersif, englode chaque centimètre carré de l’abbaye. L’artiste redéfinit l’espace de l’abbaye avec des éléments hétérogènes issus d’une mythologie personnelle qu’il a pensée en musique, en écoutant le titre éponyme de l’album de Jimmy Hendrix Electric Ladyland.

La question de la religion, convoquée ici sous forme de quête initiatique, a été un des fils conducteurs exploré par l’artiste. Un cheminement dans l’univers végétal de l’artiste où la nature a repris ses droits et envahit les salles de l’abbaye.

Le monde de Julien Colombier suscite une exaltation qui impulse une réinvention du lieu. Le travail de l’artiste prend une résonance particulière dans le lieu patrimonial de l’abbaye que Julien Colombier utilise à contre-emploi. Mis en abîme, l’univers graphique de l’artiste devient alors un espace de projection dans lequel le visiteur déambule et s’égare.


Salle du parloir
Dans la salle du parloir, le visiteur est invité à se déchausser pour déambuler sur un parterre de toiles couvertes de motifs luxuriants qui sont la marque de fabrique de l’artiste Julien Colombier. L’artiste invite les visiteurs à s’asseoir ou à s’allonger pour un moment d’abandon extatique. Suspendues aux voûtes du XIIIe siècle, flottent des guirlandes à franges argentées qui rappellent les cérémonies religieuses indiennes. L’immersion dans l’univers de Julien Colombier nous embarque dans un imaginaire flamboyant et exotique. Comme dans les oeuvres du mouvement d’avant-garde français « Supports/Surfaces » qui entre 1969 et 1972 se caractérisait par une démarche qui accordait une importance égale aux matériaux, aux gestes créatifs et à l’oeuvre finale, le sujet passe au second plan. L’oeuvre de Julien Colombier se lit à la manière d’un puzzle dont les pièces pourraient être réagencées à l’infini. Il signifie un monde parcellaire, peuplé de formes coulantes et de représentations provisoires. Son travail artistique est avant tout l’expression d’une vie, du refus assumé d’une forme qui se donnerait pour complète et achevée. Son exposition a ainsi été pensée comme un vaste terrain de jeu et de découverte.


Passage aux champs
L’univers de Julien Colombier n’est pas sans rappeler les origines du graffiti qui s’est développé au début des années 1980 à New York puis dans le monde entier. On assistait alors à une prolifération de signes qui recherchaient de nouveaux espaces où se déployer (wagons de train et de métro, murs des quartiers périphériques, affiches publicitaires, etc.). L’artiste confrontait son vocabulaire plastique aux innombrables signes urbains de la ville. Son identité naissait ainsi de cette juxtaposition et confrontation. Les représentants les plus significatifs de ce mouvement furent Keith Haring, Jean-Michel Basquiat, A-One, Futura 2000, etc 1. Ces artistes pratiquaient une peinture-signe grouillonnante et frénétique à l’instar de celle de Julien Colombier qui investit ici les murs-cimaises du passage aux champs de l’abbaye de Maubuisson. Loin de l’esprit contestataire des artistes pionniers du graffiti, l’univers de Julien Colombier se situe plus dans un « art de frontière » « entre culture et nature, masse et élite […] et crée un nouveau décor, un nouveau sujet qui agit dans une complète liberté à l’intérieur de l’infinité des signes que la culture, supérieure et inférieure, crée continuellement » 2.

1 – Loredana Parmesani, L’Art du XXe siècle : Mouvements, théories, écoles et tendances 1900-2000, p.92
2 – Ibid., p.92


Salle des religieuses
Dans le décor de l’ancienne salle des religieuses, Julien Colombier joue avec l’espace et le diffracte par la présence de panneaux peints, tels des décors de théâtre parmi lesquels le visiteur est invité à déambuler, tout en découvrant la face avant, comme la face arrière de ces supports dont les jambes de force sont intentionnellement laissées apparentes et lestées par des sacs de sable. Ces panneaux verticaux scandent l’espace en autant de panoramas qui évoquent l’univers des films d’animation d’Hayao Miyazaki, notamment pour son talent pour dessiner les plantes. Toutefois l’intervention de Julien Colombier ne se réduit pas à cette réinterprétation de l’espace de l’abbaye. En effet, par-delà leur vitalité et leur fantaisie, ses assemblages prennent une résonance particulière dans le lieu patrimonial de l’abbaye que Julien Colombier utilise à contre-emploi en y convoquant des motifs décoratifs et un exotisme réinventé. Mis en abîme, l’univers graphique de l’artiste devient alors un espace de projection, et parfois sonore, dans lequel le visiteur s’égare.


Anciennes latrines
L’exposition se clôture dans l’ancienne salle des latrines où l’artiste dresse cinq mats au bout desquels volent des pavillons en soie sérigraphiés. Les différentes pièces d’étoffe de ces drapeaux sont ornées de motifs qui peuplent habituellement l’univers de Julien Colombier (sphères, végétaux, formes géométriques, etc.) mais aussi d’un nouveau corpus de signes expérimentés lors de sa résidence de création dans l’atelier de sérigraphie Vorace à Lyon. Les pavillons s’animent vigoureusement sous l’impulsion d’une soufflerie. Celle-ci trouble la quiétude de cette salle par les vrombissements des ventilateurs et par le jeu des drapeaux en mouvement qui emplissent l’espace. Ces drapeaux ne sont pas sans rappeler ceux des ordres religieux-militaires catholiques utilisés durant la guerre sainte chrétienne et qui déboucha sur les croisades. Rappelons que Saint Louis, fils de la fondatrice de l’abbaye de Maubuisson Blanche de Castille, fit la septième croisade dans l’espoir de délivrer les lieux saints qu’occupaient les musulmans et mourut de la peste lors de la huitième croisade. Mais peut-être que Julien Colombier a également été inspiré par le côté graphique et zen des Koinobori japonais (bannières aériennes multicolores en formes de carpes) ou encore des drapeaux de prières tibétains. Selon les adeptes du bouddhisme tibétain, le vent qui souffle, caresse au passage les formules sacrées imprimées dessus, les disperse dans l’espace et les transmet ainsi aux dieux et à tous ceux qu’il touche dans sa course 1. Julien Colombier, là encore, transforme les espaces de l’abbaye avec des éléments issus de sa mythologie personnelle en une sorte de panthéon syncrétique.

1 – Tcheuky Sengué (François Jacquemart), Le temple tibétain et son symbolisme, Éditions Claire Lumière, 1998, p.156