contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Nives Widauer” Antichambre
au Centre culturel Suisse, Paris

du 18 mai au 21 juillet 2019



www.ccsparis.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Nives Widauer, le 17 mai 2019.

2717_Nives-Widauer2717_Nives-Widauer2717_Nives-Widauer
Légendes de gauche à droite :
1/  Nives Widauer, Chatterbag, moving installation with sound and video, 2017. Foto: Rudi Rapf.
2/  Nives Widauer, Seven human things, hermes scarfs, embroidery, 180 x 115 cm, 2017. Foto: Rudi Rapf.
3/  Nives Widauer, Monitorlove, symbioscreen, video projection (4:3) onto printed video still dimensions variable, video: colour, silent, 4:50 min. 1989/2007.

 


2717_Nives-Widauer audio
Interview de Nives Widauer,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 17 mai 2019, durée 17'07". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire de l’exposition :
Claire Hoffmann, responsable de la programmation arts visuels du Centre culturel suisse.




Du 18 mai au 21 juillet, le Centre culturel suisse accueille la première exposition personnelle en France de Nives Widauer, Antichambre. Comment se faufiler entre les vertigineuses strates historiques et culturelles que forment les traces laissées par l’humanité pendant ces derniers milliers d’années ? Comment, par l’art, raviver des objets et symboles oubliés et les faire résonner avec le présent ? L’artiste pluridisciplinaire présente une série de dessins, tableaux et des installations multimédia en réponse à ces interrogations.

Dans la série d’aquarelles Possibilities, émanant d’une garde-robe de poupée trouvée, elle ouvre la possibilité d’échapper à une image idéalisée, « objectivante » et standardisée de la femme dans la mode et dans les médias. Elle laisse apparaître des spectres, des membres contorsionnés et des silhouettes qui s’animent et se revêtent de ces petits vêtements faits main. Avec la série Seven Human Things, elle propose une relecture iconographique subversive des foulards Hermès, reliant les dessins de cette maison de mode aux défauts humains, tels les sept pêchés mortels. En tant que vidéaste, elle pratique la superposition d’images en mouvement sur des objets ou au sein de grandes installations : dans la projection vidéo sur un ancien gobelin Gone ou dans les installations Monitorlove, qui marquent des croisements entre le temps d’une vie humaine individuelle qui s’estompe et des récits mythologiques sans âge. Si Dumas père décrivit la vie comme « l’antichambre de la mort » dans Le Comte de Monte-Cristo, l’exposition de Nives Widauer propose une vision personnelle, ludique, légère de cette transition, de cet endroit de passage, où nous restons toujours des visiteurs, mais qui est tout de même notre foyer.



Possibilities

D’où vient cette conviction que l’habillement est en rapport avec la personne qui le porte, qu’il est l’expression d’un caractère, qu’il « tombe » bien (ou mal, justement) ? Qu’est-ce donc ce qui prétendument se transpose d’un morceau de tissu enveloppant le corps à celui qui le porte ? Une attitude, une façon d’être dans son corps ou dans la vie, un style, une humeur, un idéal de beauté, un phénomène de société, une question de statut ? Inversement, ce corps ne s’imprime-t-il pas aussi dans les textiles, les formes physiques bombent-elles la coupe, les odeurs corporelles et les particules de peau, les traces d’usure et les taches pénètrent-elles le tissu ? Quelle est la fluidité de ces passages entre la première et la seconde peau, entre la peau organique et la peau permutable ?
Possibilities, les collages aquarellés de Nives Widauer, déploient toute une garde-robe d’anciens vêtements de poupées, réalisés à la main avec plus ou moins d’habileté et présentés un à un sur un papier blanc encadré. Jupes et chemisiers ne servent plus de matériau de transformation pour engoncer le corps raide d’une poupée (une Barbie ?) – qui dans la vie réelle serait réduite par ses proportions irréelles à ne plus bouger. Comme si ces distorsions physiques se répercutaient dans les vêtements, les figures aquarellées sont loin de toute véritable anatomie ; l’application fluide de la couleur libère en effet des formes plurielles. De multiples jambes et têtes, parties génitales et systèmes vasculaires sortent d’ouvertures dans les vêtements ou s’échappent comme des nuages de pastel. Entrelacs de jambes dansantes, jupe mollusque ou « astricot » : chaque vêtement a son propre corps caméléon dont la matérialité et la couleur puisent dans le tissu brodé, crocheté, plissé. Cette série illustre 36 incarnations, métamorphoses ou scénarios différents ; 36 possibilités qui toutes ne s’inscrivent pas dans une représentation standardisée et idéalisée du corps (féminin) et que ces contraintes ne laissent pas indemnes. Car tout n’est pas évaporation subtile et contorsion ludique. Qu’est-ce que c’est qui goutte là de la tête de cette femme rousse, héroïne pour enfants ? Des contours dans des couleurs crasseuses évoquent des traces de putréfaction. Des griffes et des grimaces se font jour. Elles ont beau être revêches et déterminées, ces créatures miniatures, elles sont vulnérables aussi. Les Possibilities de Nives Widauer constituent une ronde à la fois humoristique et sournoise, entre jeu d’enfants, faux-semblant et exploration des voies et possibilités les plus diverses – avec toutes les conséquences que cela entraîne.

Texte : Claire Hoffmann
Traduction : Martine Passelaigue